L’apparition des nouveaux modes de diffusion des oeuvres numériques, plutôt que d’ouvrir des portes du paradis culturel, a déclenché des hostilités à peine couvertes par des procédures parlementaires, entre le public des internautes et les acteurs du monde artistique.
D’une part, nous voyons une fronde diffuse des troupes innombrables de la génération accoutumée aux échanges sans retenue. N’avait-on pas incité cette génération au téléchargement et à la copie ? Par des dispositifs destinés à la diffusion même du nouveau médium internet. Nous voulons dire que pour étendre et espacer l’internet, il fallait bien user de cette carotte-là, bien qu’elle fut illégale ou non-encore légiférée pour ce médium, selon le principe du "laisser faire" propre aux développements des systèmes capitalistes. Dès lors, on peut comprendre la douleur de l’arrachement que subissent, aujourd’hui et à la suite des débats autour de la loi DADVSI, ceux qui auraient été nourris à ce lait-là.
Depuis le mileu des années 1990, toutes les revues et organes informatiques ont titré régulièrement sur l’évolution des procédés et outils permettant la copie et le téléchargement, bien que le droit d’auteur en ait toujours interdit l’usage, et pour toutes oeuvres protégées. Et dans ce "Droit de la Propriété Intellectuelle Littéraire et Artistique" : une oeuvre est protégée, dès qu’elle est manifestée dans la forme, même si elle était manifestée dans une matérialité plus subtile. Etant entendue que l’oeuvre numérique n’est pas immatérielle, car elle est manifestée dans une matérialité que l’on dira électrique, ou plus subtile et immédiate. Et donc sa forme serait encore plus manifestée, si l’on considère qu’elle peut être espacée presque infiniment. Ce qui signifie de fait : plus de manifestations. Et donc, ce droit devrait-il s’appliquer à une plus grande échelle, plutôt qu’il devrait être dissout.
Aujourd’hui, le peuple internaute ne comprend pas que les auteurs réclament leur droits. Et, les téléchargeurs se révoltent, puisqu’ils ont été incités à des comportements illicites, durant la décennie qui vit l’espacement de l’internet sur toute la planète, et au-delà vers les mondes virtuels . Aujourd’hui, les parlements statuent sur ces comportements qui ne seraient plus de saison. Tant et si bien, que ces copillages sont même explicitement illicites, voire qu’ils ont versé dans la délinquance, donc sans plus aucune tolérance.
Pourtant, nous pourrions ajouter, que dans ce monde des échanges libres sur l’internet : nous y constatons et nous en apprécions des commentaires, des mots, et des objets virtuels qui pourraient être considérés, au premier rang, comme de l’art. Et, il est très notable et nouveau, de voir que leurs auteurs ne songent, presque jamais, à diffuser leurs inventions de toutes natures, à des fins rémunératrices. Si bien qu’ils en font dons à la communauté des internautes, puisqu’ils considèrent leurs jets ou gestes comme des manières de liens qu’ils tisseraient entre-eux et qui les mettraient en communauté. Dès lors, on comprend mieux cette blessure qu’ils ressentent, quand les nouvelles règles, imposée par les politiques, trancheraient, en quelque sorte, ces liens, vitaux pour certains, car ils les relient ou ils les connectent entre-eux. Comme, si ses liens ou flux étaient constitutifs d’une chair immatérielle de leurs désirs vers l’autre. Ou en d’autres termes : comme si ces liens étaient constitutifs de nos pulsions libidinales ou de nos sentiments qui forment notre nouvelle société internaute.
Les arts seraient donc postés sur un seuil, comme entre deux espaces vitaux.
Car, en face, nous voyons rassemblés tous les artistes. Non-pas les occasionnels, mais les artistes permanents et professionnels : c’est-à-dire les créateurs qui, par vocations natives d’abord, puis par choix, sont poussés par leur nécessité intérieure, puis professionnelle, à vivre de leur travail, ainsi que d’en faire vivre leurs familles. En conséquence, ils payent des charges et des impôts, et ils sont contraints à la constance soutenue d’une activité professionnelle, qui exige aussi qu’ils se renouvellent pour garantir l’originalité de leurs créations, aussi pour le plaisir de leur public. Ainsi, les artistes professionnels sont rémunérés, d’une part, par la mise en oeuvre ou par la création des oeuvres vendues, puis, d’autre part, selon les droits d’auteurs qui rémunèrent l’utilisation des oeuvres par le public, par des droits qui ne sont pas facultatifs, puisqu’ils sont une part essentielle de leur rétribution.
A la vérité : la plupart des artistes vivent dans la précarité ou dans des conditions de vies qui seraient plus proches des modes de vie des populations du tiers-monde, mais en plein occident. On ne saurait donc soupçonner qu’ils s’enrichissent aisément. Et , c’est pourquoi, ils ne sauraient être, sans autre formule de loi, ni contraints ni incités à offrir leurs oeuvres, ou à les laisser en libre-accès, s’ils ne le désiraient point. Et selon le mode d’appropriation qui semble en vigueur sur l’internet. Aussi, les artistes se trouvent-ils, désormais et plus ou moins, en rupture avec le nouveau mode de diffusion des oeuvres sur l’internet, sauf à casser les dispositifs et règles qui leurs garantissent leur subsistance.
C’est pourquoi, nous considérons que le conflit d’intérêts, autour des droits d’auteurs — ou ce conflit entre Majors et téléchargeurs — est en passe de causer le plus grand mal aux artistes. Alors, que les artistes semblent être la clé d’une plus sûre et plus sereine sortie du conflit. Puisqu’ils ont tissé des intérêts, certes pécuniaires, mais surtout affectifs qui les lient à ces deux parties : d’une part à leur nouveau public et, d’autres part, aux diffuseurs. En effet, les auteurs savent que la diabolisation des diffuseurs se construit sur des mythes destinés à créer des peurs sans objet. Car, l’artiste qui voudrait évoluer et se faire connaître, au-delà d’un cercle restreint, ne pourrait y parvenir sans l’aide ou sans l’assistance des compétences et des réseaux des diffuseurs : sans les diffuseurs beaucoup d’artistes seraient, tout simplement, assez incapables de "se vendre" au public, voire de contrôler les flux des amateurs d’art, sinon de maîtriser les échanges pécuniaires. Car, c’est une chose de créer, quand c’est une autre compétence : de vendre.
Il ressortirait donc de cette discussion vive assez : que ce sont des effets de monopoles autoritaires qui auraient, vraisemblablement, favorisé le conflit en des oppositions d’intérêts trop radicales : entre autres, le monopole de la dévoration par les téléchargeurs qui devrait être modérée ; aussi, le monopole des Majors ou des pouvoirs qui les auraient installés par des systèmes de lobbies dominants ; enfin, le monopole d’un droit d’auteur qui limiterait à l’excès la diffusion des oeuvres et donc de la culture sur le net.
C’est pourquoi, nous pensons que, dés lors que la loi DADVSI serait appliquée, elle saurait, immanquablement, évoluer au gré des jurisprudences, et selon le principe du "laisser faire" qui est un corollaire du système capitaliste, puisque, traditionnellement, il en éprouve bien sa tolérance. La loi DADVSI pourrait alors être entendue, comme un rappel, en urgence et nécessaire, du droit des auteurs et des diffuseurs, qui aurait été mené par les instances politiques, en raison des abus qui étaient devenus la règle sur l’internet.
En revanche, le médium internet, et ses ligues d’internautes, sauraient mettre en lumière quelques points qui contrediraient la pertinence de cette loi, que d’aucuns pourraient dire hâtive. Et, laquelle loi irait tantôt à l’encontre des modes singuliers et spécifiques du nouveau médium internet. Alors, nul ne saurait douter que ces contradictions apparaîtraient, l’une après l’autre, selon les cas singuliers qui seraient débattus par les tribunaux, et qui amèneraient des jurisprudences, comme il convient. En des ajustements qui allègeraient puis transformeraient les dispositifs trop contraignants de la loi en vigueur.
Et durant ces débats ultérieurs à la loi, pour étendre une justice plus diffuse dans le temps, les artistes conserveraient la protection de leurs oeuvres par le droit des auteurs. Ce pendant que ces mêmes auteurs auraient toujours le choix de diffuser certaines de leurs oeuvres, qu’ils auraient choisies à cet effet, dans l’internet, pour se faire connaître par l’effet du buzzing. Certes, sans demander que ces oeuvres soient rémunérées par des droits d’auteurs, mais, en veillant à ce que ce choix et cette condition de diffusion soient bien-spécifiés, comme c’est l’usage. Car toute oeuvre reste protégée, même si elle n’a pas été déposée, et dès sa manifestation dans la forme.
Enfin, c’est à l’artiste, souverain selon le droit, qu’il revient de décider seul de la déposer ou non, dans le domaine public, puisqu’il en est le créateur et le père. Finalement, tous ces ajustements iraient vers la constitution d’une manière de nouveau "Droit des NetAuteurs" : mené à terme, comme si tous les internautes du débat, et jusque dans son conflit même, oeuvraient d’ensemble à sa manifestation ou à sa constitution.
Demian West
5 comments:
Si demain les gens ne peuvent plus télécharger, il n'achèteront pas plus de disques pour autant.
C'EST COMME CA.
Les artistes peuvent pleurnicher... ou faire des concerts, mais le disque payant, c'est fini. Et ce n'est pas une loi pourrie dictée par des lobbies qui changeront quoi que ce soit.
dis-moi, tu as payé les droits d'auteurs pour toutes les photos que tu as pompées sur ton blog ?
Comme il est de coutume de sous-estimer l'« adversaire », j'ai ressenti une certaine surprise à lire en ces lieux un article aussi clair et nuancé.
J'avoue même être globalement d'accord avec vous. Sur la question du téléchargement « sauvage », en l'absence d'un modèle alternatif fiable de rémunération des œuvres culturelles, il est peut-être préférable de lancer un signal selon lequel tout n'est pas permis. De préférence en évitant les excès de la RIAA, qui fait un tort important (règlements à l'amiable particulièrement coûteux, souvent dénoncé comme un racket organisé) à 0,1% des « fautifs ». Le système des amendes est alors, peut-être, un pis-aller en attendant que les choses deviennent plus nettes et que certaines perspectives fondamentalement opposées se rejoignent quelque peu.
À ce sujet, j'aimais particulièrement la proposition il y a presque deux ans d'un député UMP (le nom m'a échappé), qui proposait de requalifier la copie privée en précisant que la source devait être licite. Ce qui aurait exclu le téléchargement non autorisé sur Internet. Cette solution avait le mérite d'être juridiquement claire, de ne pas mentir sur ce qu'est vraiment la copie privée, et de ne pas recourir à la protection juridique d'artifices techniques.
Dommage qu'à la force de la loi et à la responsabilisation de chacun, on ait préféré les systèmes techniques de déresponsabilisation, qui retirent à la fois la responsabilité des actes et le contrôle sur ceux-ci.
Je continue à penser que cette loi est fondamentalement mauvaise, non pas parce qu'elle cherche à modifier une situation trouble, mais à cause du moyen choisi, et des dommages collatéraux de la protection juridique des mesures techniques de protection.
Vous decrivez bien la position de l'artiste.
Mais vous ne comprenez pas les conséquences de cette loi sur le monde numerique (qui depasse tres largement la problematique de la production artistique).
Et du coup vous passez a coté (comme DDDV) de la raison de ces emeutes numeriques.
Une bonne manière d'aborder la question est de s'intéresser à la fondation Mozilla, a Wikipedia, a linux ou a Google.
Et si on est un peu plus courageux de lire "les foules intelligentes" de Rheingold.
Et si l'on est courageux et pret a ecouter un discours dissonant, lire les essais de Eric S. Raymond...
Mais bon pour tout cela il faut savoir ecouter son lui exterieur... Et ca permet d'etre dans le sujet...
Merci de me réserver le mardi 5 Sept au soir: mon prochain vernissage !!! Bises de Nath.
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