Les débats autour du baiser de Rindy Sam sur la toile blanche de Twombly ont eu lieu mardi au tribunal. C’est un événement majeur des arts qui se produit dans la sphère publique et du droit. Car, au terme de ces débats, on prend vite conscience que rien n’a su bouger dans les arts depuis plus d’un siècle.
Regardez, Cy Twombly se dit "horrifié" par le geste de Rindy Sam, c’est-à-dire qu’il est évanoui car une de ses admiratrices quasi amante a osé embrassé une toile de son maître ès arts. Dans le même temps, cet artiste mirifique et horrifique demande 1 € symbolique pour toute réparation. Il y aurait donc quelque contradiction entre l’étendue de son horror picture show et la somme du ticket de sortie du train-fantôme.
Car c’est tout le business autour de l’artiste Twombly qui exige des milliasses d’euros en réparations en tous genres de carrosserie et maquillages. Me Lambert va au comble jusqu’à même demander deux millions d’euros à une RMiste qui est une artiste certes un peu fougueuse, mais surtout mue par un lyrisme de plus en plus rare dans les arts.
Et la presse et les politiques n’y manquent pas à ce lynchage misérable. Au passage opportun, on récupère le vandalisme au poing de l’autre nuit blanche à Orsay. Et personne ne vient à songer qu’une bonne serrure eût fait l’affaire mieux que ces revanches sur une petite femme.
Venons-en à la petite femme d’allure cambodgienne. Le président du tribunal lui demande "Mais vous n’avez pas le sentiment d’avoir commis un geste imbécile". Et sans qu’il se rende compte un instant, que la justice n’a pas à déterminer la qualité morale d’un geste artistique. Quand la justice considérait jadis que la photographie n’était pas de l’art, puisqu’il s’agissait d’images survenues par le biais de machines. Aussi, il y a peu, la justice considérait les productions érotiques ou pornographiques comme non artistiques. Quand la jurisprudence a clairement imposé le caractère artistique de ces productions. Enfin, il ressort depuis que la justice n’a pas à se prononcer sur le caractère moral ou non d’un geste artistique.
C’est dire que le tribunal a commis une faute et ne considérant pas la nature identitaire et la qualité d’artiste de Rindy Sam. Et donc que son geste ne saurait être qualifié d’"imbécile" sans que le tribunal verse automatiquement contre toutes les jurisprudences, et donc que la justice se précipite à la faute quand elle se place en lieu des instances artistiques. Surtout quand on ose, dans le tribunal, cette comparaison grotesque entre le baiser et le coup de poing. Il suffit de les tester pour comprendre.
Il reste que Twombly a bien saisi qu’il s’agit d’un geste artistique, et qu’il n’y peut mais. Puisqu’il doit céder à ses maîtres ès boutiques, les procédures qu’ils réclament. En manière d’un très violent coup de poing frappé contre une pauvre jeune femme, assez symbolique et emblématique de tous ces artistes qui vivent dans le précariat et l’infantilisation par les institutions, et qu’ils ne rêvent même plus à des espérances de reconnaissance.
Rindy Sam n’a pas reconnu "l’imbécilité" de son geste. Et c’est bien, car ce n’est pas raison. Et qu’elle est en bonne compagnie avec Duchamp, avec Picasso et toute la troupe Dada. En revanche, elle a dit qu’elle n’en était pas fière. Et ceci souligne sa sincérité. En effet, comment serait-on fier d’un geste artistique ou d’un geste d’amour ? Il est et c’est tout. Finalement, c’est la partie adverse qui héritera de la honte et dans les couloirs du temps qui courent vite.
Demian West
Wednesday, October 10, 2007
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