D’aucuns l’appellent une peste des oiseaux, et tous les médias disent : la grippe aviaire est là ! Tous alors, d’observer et d’étudier le vol des oiseaux, et leurs parcours migratoires, pour prévenir et circonscrire la maladie et probablement pour conjurer la grande peur d’une nouvelle pandémie qui nous emporterait, à ce qu’on dit, dans l’hécatombe de millions d’individus.
Depuis les années 80, au tournant de la fin de la guerre froide, nous nous sommes comme tournés vers de nouvelles peurs bien vastes, pour y prendre à nouveau nos aises. Et, nous vivons en des modes des contaminations fantasmatiques qui sont aussi des peurs hypertrophiées : d’abord du sida, puis, de gonfler la plus terrible panique de la vache folle, pour nous envoler, maintenant, vers cette peste qui nous promet des chiffres à des hauteurs et à des vastitudes insaisissables, en manière de train fantôme qui s’échapperait en montagnes russes.
Car, nous montons vers des altitudes qui semblent plus favorables à la peur et comme pour filmer un nouveau thriller hitchcockien...des oiseaux.
Certes, nous n’en sommes pas encore, aux terreurs paniques qui prenaient des régions et des villes entières, dans l’Antiquité. Montaigne nous le rappelle : des populations entières de grandes cités se jetaient à la rue, subitement et sans raison, et s’entretuaient comme enragées. C’est pourquoi, ces événements ont été peu commentés, tant leur souvenir effrayait encore. On ne comprend toujours pas, alors que nous venons de voir des émeutes considérables resurgir, mais dans d’autres contextes plus idéologiques et religieux.
Pour tenter de maîtriser ces grandes angoisses de masses : il était une pratique dans l’Antiquité, qui consistait à observer le vol des oiseaux pour en tirer, ou pour en lire, les augures ou les signes favorables ou néfastes pour la meilleure conduite de la société. En outre, les prêtres étrusques, ou haruspex, disséquaient les oiseaux : pour lire, dans leurs organes, les signes que les dieux y auraient laissés aux fins de communiquer avec les hommes, préalablement initiés à la lecture de ces mystères. Tout le bâtiment de l’Etat Romain était fondé sur cette croyance. Et, l’Empereur en était l’Auspicium ou l’Augure, c’est-à-dire le Pontife garant de la bonne marche de la société, dont il devait maîtriser la prescience des événements à venir. Toutes ses vertus romaines étaient en conformité avec la "Politique" d’Aristote : vers tous principes de précaution et de prudence, soit de prévision. Et, ce sacerdoce de l’Empereur impliquait aussi qu’il veillait, tout autant, aux bonnes moeurs, très différentes et plus machistes encore que les nôtres.
Les prêtres de ces rites, se réunissaient sur les sommets du paysage, pour être plus proches des dieux et de leurs messagers ailés ou angéliques. Puis, ils traçaient, avec un bâton, des limites dans le ciel. Alors, attendaient-ils le passage d’un vol d’oiseaux dans ce ciel circonscrit, pour interpréter ce signe, selon des formules de lois et des livres qui nous sont perdus, aujourd’hui.
Tout comme eux : nos savants et médecins attendent-ils le vol des oiseaux pour les disséquer, et pour lire des suites favorables ou plus sûrement néfastes ou funestes d’une sérieuse grippe aviaire. Et, selon leurs prévisions, certes, scientifiques, mais dont les médias nous ont fait leurs lectures prédictives sur le mode fantasmatique, et bien avant l’heure.
C’est pourquoi, on pourrait lire un autre signe dans ces pratiques : c’est-à-dire qu’il serait utile de rappeler que Freud est passé d’une approche physiologique des maladies nerveuses, vers son concept d’une analyse de l’âme, la psychanalyse, après son étude singulière de ces augures antiques, que nous venons d’évoquer. Et, c’est ainsi que sont nées, d’une part l’analyse de la signification des rêves, et d’autre part, les analyses de toutes les névroses qui bougent l’individu ainsi que les masses.
Alexandre le Grand arrêta son armée en marche, avant la bataille et sur l’instant, quand il vit un lièvre couper la route de son cheval Bucéphale. Car, c’était un signe de défaite annoncée par cet animal symbolisant la peur, en messager des dieux. C’est ce monde de la fantasmatique dont Sigmund Freud a peint la cartographie, où le plus petit et le plus faible, sinon le plus peureux, peut circonscrire le plus fort et le plus vaste. Tout comme aujourd’hui, un nombre si faible de morts, et encore d’oiseaux, pourrait nous laisser craindre de telles prédictions d’hécatombes en masses.
Car, en dernier ressort ou moteur premier, c’est peut-être la peur de l’inconnu, bien qu’impondérable, qui nous meut le plus sûrement, puisque nous lui faisons nous-même une place en notre lit pour l’accueillir, et même jusqu’à coucher cette peur du côté que nous voulons.
Demian West
Depuis les années 80, au tournant de la fin de la guerre froide, nous nous sommes comme tournés vers de nouvelles peurs bien vastes, pour y prendre à nouveau nos aises. Et, nous vivons en des modes des contaminations fantasmatiques qui sont aussi des peurs hypertrophiées : d’abord du sida, puis, de gonfler la plus terrible panique de la vache folle, pour nous envoler, maintenant, vers cette peste qui nous promet des chiffres à des hauteurs et à des vastitudes insaisissables, en manière de train fantôme qui s’échapperait en montagnes russes.
Car, nous montons vers des altitudes qui semblent plus favorables à la peur et comme pour filmer un nouveau thriller hitchcockien...des oiseaux.
Certes, nous n’en sommes pas encore, aux terreurs paniques qui prenaient des régions et des villes entières, dans l’Antiquité. Montaigne nous le rappelle : des populations entières de grandes cités se jetaient à la rue, subitement et sans raison, et s’entretuaient comme enragées. C’est pourquoi, ces événements ont été peu commentés, tant leur souvenir effrayait encore. On ne comprend toujours pas, alors que nous venons de voir des émeutes considérables resurgir, mais dans d’autres contextes plus idéologiques et religieux.
Pour tenter de maîtriser ces grandes angoisses de masses : il était une pratique dans l’Antiquité, qui consistait à observer le vol des oiseaux pour en tirer, ou pour en lire, les augures ou les signes favorables ou néfastes pour la meilleure conduite de la société. En outre, les prêtres étrusques, ou haruspex, disséquaient les oiseaux : pour lire, dans leurs organes, les signes que les dieux y auraient laissés aux fins de communiquer avec les hommes, préalablement initiés à la lecture de ces mystères. Tout le bâtiment de l’Etat Romain était fondé sur cette croyance. Et, l’Empereur en était l’Auspicium ou l’Augure, c’est-à-dire le Pontife garant de la bonne marche de la société, dont il devait maîtriser la prescience des événements à venir. Toutes ses vertus romaines étaient en conformité avec la "Politique" d’Aristote : vers tous principes de précaution et de prudence, soit de prévision. Et, ce sacerdoce de l’Empereur impliquait aussi qu’il veillait, tout autant, aux bonnes moeurs, très différentes et plus machistes encore que les nôtres.
Les prêtres de ces rites, se réunissaient sur les sommets du paysage, pour être plus proches des dieux et de leurs messagers ailés ou angéliques. Puis, ils traçaient, avec un bâton, des limites dans le ciel. Alors, attendaient-ils le passage d’un vol d’oiseaux dans ce ciel circonscrit, pour interpréter ce signe, selon des formules de lois et des livres qui nous sont perdus, aujourd’hui.
Tout comme eux : nos savants et médecins attendent-ils le vol des oiseaux pour les disséquer, et pour lire des suites favorables ou plus sûrement néfastes ou funestes d’une sérieuse grippe aviaire. Et, selon leurs prévisions, certes, scientifiques, mais dont les médias nous ont fait leurs lectures prédictives sur le mode fantasmatique, et bien avant l’heure.
C’est pourquoi, on pourrait lire un autre signe dans ces pratiques : c’est-à-dire qu’il serait utile de rappeler que Freud est passé d’une approche physiologique des maladies nerveuses, vers son concept d’une analyse de l’âme, la psychanalyse, après son étude singulière de ces augures antiques, que nous venons d’évoquer. Et, c’est ainsi que sont nées, d’une part l’analyse de la signification des rêves, et d’autre part, les analyses de toutes les névroses qui bougent l’individu ainsi que les masses.
Alexandre le Grand arrêta son armée en marche, avant la bataille et sur l’instant, quand il vit un lièvre couper la route de son cheval Bucéphale. Car, c’était un signe de défaite annoncée par cet animal symbolisant la peur, en messager des dieux. C’est ce monde de la fantasmatique dont Sigmund Freud a peint la cartographie, où le plus petit et le plus faible, sinon le plus peureux, peut circonscrire le plus fort et le plus vaste. Tout comme aujourd’hui, un nombre si faible de morts, et encore d’oiseaux, pourrait nous laisser craindre de telles prédictions d’hécatombes en masses.
Car, en dernier ressort ou moteur premier, c’est peut-être la peur de l’inconnu, bien qu’impondérable, qui nous meut le plus sûrement, puisque nous lui faisons nous-même une place en notre lit pour l’accueillir, et même jusqu’à coucher cette peur du côté que nous voulons.
Demian West
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