Ne serait-il pas de saison de reconnaître enfin que nous cherchons à vivre des moments intenses dans un espace de paix très rassurant ? Toutes les masses accumulées de connaissances ou de richesses n'ont-elles pas comme fin cette intensité de vie ajoutée à la plus impavide stabilité hors du temps ? Certes, il s'agit bien de qualités opposites, mais qu'elles se complètent bien dans une vie accomplie de sensations et de vertus favorables.
On voudrait que tout se renouvelle sans laisser, et dans le même temps, on désire ne jamais perdre la présence des visages aimés et très parents : lesquels savent nous conforter et nous consoler comme par la simple magie de la monstration. Et chaque fois, on approche de la fin d'une année, avec ce vrai sentiment que tout devient lourd de la persistance des images anciennes ou vieillies, qui nous fatiguent et nous épuisent à mesure qu'elles éreintent l'an.
Vrai, ce n'est pas sans évoquer, les grandes trahisons des princes les plus sûrs. Par exemple, comment les courtisans obligés ont déserté la chambre de Louis XIV le jour même de sa mort, et pour se précipiter aussi massés qu'ils purent au lever d'Orléans, qui allait régenter le royaume dès le lendemain. Et, pour achever la confusion des protocoles éthiques, on fit une grande fête partout quand ce roi bigot fut mort de la gangrène à sa jambe.
Il reste que tous ces moments propices à l'expression de la grande force de vie -- que l'on s'éteigne ou que l'on survive -- sont vécus dans la plus grande intensité. Tantôt adoucie par l'anesthésie naturelle que la mort doit certainement parfournir à ceux qui partent, et pour en éteindre toute révolte en eux. Et tantôt adoucie par cette force de vie qui rend chaque survivant assez insensible au pire malheur d'autrui.
C'est pourquoi, tout va son cours et l'un remplace l'autre. Comme les dieux de l'Inde étaient incarnés par des âmes qui transmigraient, selon la sagesse des Peuples. Et que ces âmes revêtaient tantôt les corps du dieu, qui gardait infiniment une semblable apparence inchangée, toutefois habitée par un individu différent, et dont le mérite était ainsi récompensé par une vie dans le monde transitoire des dieux.
La sagesse dirait que pour bien-asseoir un sort ou un destin fixe et ferme, il y faudrait toujours un substrat bien large ou vaste. Et que les cherches de gloire se doivent d'être bâties sur de telles tables, qui peuvent espacer des repas de lions ou de rois, sinon des couvertures de stars du cinéma. Ce qui vaut bien des royautés d'autrefois : quand on montrait l'élu dans une scénographie à destination d'alimenter les feux du désir dans chacun de la foule. Tout le monde marche encore de ce grand pied-là.
Alors, nous vivons cet espace de paix traversé d'intensité, mais tout par le truchement de la vision qui transmet les sentiments de la vie intense. Parce que nous avons en nous la faculté prodigieuse de nous projeter dans la scène que nous voyons. Et si nous pouvions faire l'économie de lutter chaque jour pour entretenir notre corps, nous serions plus enclins à nous projeter librement dans ces espaces, ou dans les visions des fastes et du fabuleux imaginaire que nous appelons les médias ou les arts.
D'une certaine façon, le topos psychologique de l'homme du XXIème siècle équivaudrait assez à une sorte de ballon retenu par un seul fil à la petite main qui maraude dans le jardin d'enfant. Si le fil était détranché, nous irions droit vers les nues de laine pour nous gaver des ivresses assistées par les techno-sciences d'aujourd'hui, qui ne savent plus freiner leur progrès délirant d'immatérialité. Et c'est une neuve cartographie psychologique qui devrait représenter plus sûrement nos névroses, que les anciens topoï de la psychanalyse. Car cette science des rêves ne pouvait voir en ses germes les médias comme nous les connaissons. Puisqu'ils n'existaient pas.
C'est une merveille du futur : Que nous ne pouvons le connaître jamais, quand il tient tous ses germes en nous-mêmes. Et il s'éloigne à mesure que nous fondons sur lui, par l'effet étranger que nous vacillons toujours entre deux pôles opposites et que, dans le même temps, nous les vivons simultanément. Et c'est ce que nous nommons la grande force de vie profuse en intensité bien en pointe et centrée dans cet océan de paix qu'il faut à notre bonheur jamais simplesse. Ceux qui, enjeunis, se séparent de la foule pour vivre une vie d'artiste ou d'acteur savent ces choses d'instinct, et c'est raison qu'ils supportent de grands sacrifices pour mieux-connaître la vie intense, ou la grande force de vie.
Demian West
Sunday, December 28, 2008
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