Au cours de mes recherches du médium parfait qui saurait rendre toute la lumière et la forme des visions du réel, j'ai trouvé sur ma route une magnifique exposition de pastels à Orsay. D'abord, nul ne saurait faire l'économie de visiter à reprise les galeries des impressionnistes et des post-impressionnistes de la fin du XIXème siècle. Là, on ne peut que constater tout du long des ans qui s'accumulent malheureusement et qu'ils font la vie d'un artiste assez mûr, que la couleur chez Monet et tous ses satellites devient fade, sombre, sourde et qu'elle s'efface lentement. C'est une misère pour ces frais impressionnistes, qui montraient des scènes de la vie spontanée et si réelle que le brin d'herbe y trouve toute son importance cosmique, pour faire un tableau de l'univers qui est ce coin d'Argenteuil où d'un quelconque lopin d'Île-de-France et de partout.
L'honnêteté le dirait, la peinture à l'huile posée sans considération de conservation des pigments ne tient pas la route des ans. Mais, il faut reconnaître dans le même temps, que certaines oeuvres et par-delà la couleur, déversent encore toute la charge réaliste et immédiate tout par le sujet choisi et le traitement de la touche rapide et qui prit la vue comme une photographie la raptait ajoutée de la sensibilité de l'artiste qui y pose son affect.
A l'opposite, les oeuvres des académiciens ont conservé tous leurs roses et bleus savants et doux, par la pose ultradouce des coups de pinceaux sages et si bien travaillés comme des caresses : Que les pigments non violentés baignent encore dans leur jus d'huile pris de résine à la manière flamande pré-rubénique. Certes, les sujets sont grandiloquents et gonflés d'orgueil civilisationnel, mais c'est aussi une grande jouissance picturale. Il ne faut pas avoir honte d'aimer ces grandes machines vénusiennes de Bouguereau ou de Cabanel. En tous les cas, je les aime et je m'incline chaque fois dessous les pieds fins de ces Vénus inouïes aux chairs silhouettées de lumières fragrantes qui dessinent avec ferveur chacun de leurs doigts de pieds panthéoniques.
Avec Deila nous sommes entrés dans la crypte du pastel : une exposition qui dit la peinture comme une lumière à l'intact. Tout y est conservé fabuleusement. Là, le pastel démontre qu'il est un médium parfait pour conserver les effets de lumière sans laquelle la peinture n'est qu'une leçon du permis de conduire des machines sans âme, permis de peindre. Non, le génie de la peinture c'est l'irréel et donc la présence de la lumière imaginale. On doit entrer dans l'éblouissement qui nous fait transiter, traverser et recevoir d'autres mondes que seul l'homme a vus.
Dans cette exposition de ces oeuvres si fragiles qu'elles doivent être encadrées dans des boîtes de verre, on va du dessin à la peinture mais dessinée. C'est l'apothéose d'un Degas dont la majorité de son travail fut projeté dans le pastel. On y voit toutes sortes d'expressions très symbolistes en des variations thématiques et techniques du grand écart dont seul l'art est capable. Mais toujours la plus achevée virtuosité, car le pastel est une sorte de crayon, et que ce médium-là va au plus court depuis le cerveau jusqu'à la main et vers la pointe grasse ou sèche. Le pinceau est plus souplesse et ses vibrisses sensibles et vives produisent des effets hasardeux, qui échappent au contrôle par l'artiste. Le pastel et le crayon de couleur sont l'expression même du contrôle dans toute la chaîne de pré-conception, conception et des caresses de finitions sur l'oeuvre. Car, peindre et dessiner c'est caresser comme on le fait dans l'art de la chambre à coucher.
Avec Deila, nous sommes passés d'une oeuvre à l'autre en lâchant des petits "Oh!" et des "Ah!" très suggestifs de conjouissances dans l'atelier où l'on sait confondre la couleur et les sentiments et la pratique artistique avec les serments d'amour et les étreintes, qui savent survivre aux jours et finalement aux siècles. Il n'est rien de plus galant à Paris que se promener dans une exposition unique et se raconter la vie et ses émotions partagées, comme les heures heureuses des princes florentins conscients de leurs privilèges et luxes de libertés.
Demian West
Saturday, December 20, 2008
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