Les débats animés sur les forums du net ne laissent guère douter de l’enjeu que représente l’art dans l’évolution de la jeune blogosphère. Soyons plus précis, il apparaît plus certainement que l’enjeu concerne plutôt les représentations de l’art que les internautes fantasmeraient, pour que l’art corresponde à leurs intérêts sinon à leurs désirs aussi arrangeants que complices.
D’une part, l’idée la plus courante sur le net serait celle d’un monde artistique assez bohème et forcément baignant dans une misère bien conforme aux clichés de l’Ecole de Paris, mais vue par le cinéma hollywoodien. On y voit, dans les forums, les visions passéistes de Kirk Douglas en Van Gogh fanatisé et roux peigné par le feu intérieur de l’art sans concession. Un peu pour obéir au credo d’Antonin Artaud le momo et prophète de l’artiste maudit. Oui mais ! Ce genre d’artiste n’existe plus aussi appliqué au malheur. Car il squatterait tantôt à Paris sans jamais payer sa facture de jus et d’eau, tout en étant soutenu par des subsides de l’Etat qui est un mécène moins salissant que l’argent privé.
A l’autre bord, les internautes pensent souvent les artistes, toujours sur le mode bohémien, mais dans les quartiers chics. Là, les artistes peignent d’immenses toiles en traversant leur loft de mille mètres carré en roller et entourés de créatures du diable, qu’on appelle tantôt les top-modello. On évoque la figure warholienne de Jeff Koons et des arts d’après le plastique gonflé à l’hélium. Et si légers que la blogosphère jugea utile d’y coller un surnom de montgolfière joyeuse, les Bobos. Quand on a dit ça, on a tout dit, dans ces nouvelles conventions de la blogosphère, qui s’applique industrieusement à reproduire la géographie des apartheids du chic parisien, certes de la place du Colonel Fabien mais juste à-côté du Palais de Windsor, du moins dans les repères de la sphère de la "bornitude" idéologique.
Evidemment tous sont dans l’errance.
Car, l’art serait avant tout un marché immense, pour la France qui est la première destination touristique du monde. Les objets plus culturels sont certainement des richesses, qui ont su maintenir le leadership culturel de la France et depuis Louis XIV. Certes, New York est plus puissante sur le marché des ventes et des valeurs des oeuvres d’art, mais la notion même de vie culturelle, entretissée dans la structure sociale de la ville soit la vie artistique, se confond en tous points avec la géographie française et plus encore parisienne. Et il en est de même dans la blogosphère.
Les artistes du net ne seraient pas la propriété de telle ou telle autre population d’internautes qui voudraient préempter cette identité culturelle française. Puisque l’artiste fait la culture par le biais de ses oeuvres d’art qu’il diffuse selon les modes qu’il aura personnellement choisi. Ainsi, il peut déléguer leur diffusion à un intermédiaire ou à une institution. Et son choix participe de la création de cette oeuvre ultime qui est sa vie ou sa légende qu’il constituerait pour devenir une richesse à son tour. Soit un monument qu’on visitera comme une architecture vivante de la culture.
C’est exactement le projet génétique qui participe de l’identité de l’artiste. Car c’est une vocation, aussi un métier et identitaires. Et même s’il veut coller au plus près de la vie la plus populaire et simple, l’artiste qui veut naturellement offrir au monde son art pour le réjouir et pour l’améliorer, il doit d’abord l’imposer par le biais du marché, et c’est le chemin de toute une vie.
C’est pourquoi, le recours au scandale fut si utile tout le long du XXe siècle. Car cette attitude théâtrale et grandiloquente offrait une précipitation de cette espérance de reconnaissance. Et, d’une certaine façon, cette technique de l’avant-garde a désormais pris le nom du "buzz", dans notre monde contemporain internétique et médiatique. C’est en quelque sorte une invention warholienne, mais plus encore du plus grand artiste du second XXe siècle français, c’est-à-dire Serge Gainsbourg.
Il était d’abord un peintre, puis il comprit que les arts mineurs et la chanson étaient bien plus propices à la diffusion de la vie artistique. Aussi, dans cette fulgurance des trente glorieuses, il conçut qu’il ne fallait jamais qu’un jour passât sans qu’on parlât de lui, d’ailleurs en bien ou en mal.
Car l’appréciation ou le jugement de goût étaient sans conséquence, et c’est la rupture même la plus quantième favorable. Comme si la médisance ou le dénigrement, soit la critique avaient été vaincus ou rendus inoffensifs par le biais de ce dispositif artistique déraisonnable mais si efficace.
Dans la blogosphère, on (c’est-à-dire l’internaute qui croit encore à l’artiste martyre et si pauvre que fantasmatique) cherche encore à saisir ce secret pouvoir mis en oeuvre par ces artistes, insaisissables parce qu’ils se moquent de ce qu’on en dira pourvu qu’on parle d’eux. Puisque le gain est de doubler la pertinence de son nom, d’une part vers le côté lumineux des louanges, et d’autre part vers le côté obscur des critiques dépités.
Finalement, pour jouer ce jeu de rôles ailés sur les vagues des surfeurs du buzz, il faut vraiment et profondément se moquer de ce qu’on dira. Ce qui n’est jamais donné au premier venu, dans les allées impitoyables des forums usinés en petites guerres mondiales instantanées et mesquines. Il faut, avant tout, mieux connaître la nature humaine si vite transposée dans la blogosphère véloce.
Demian West
Tuesday, September 25, 2007
Friday, September 14, 2007
Les symbolistes Moreau et Huysmans au musée Moreau
Du 4 octobre 2007 jusqu’au 14 janvier 2008 à Paris, le musée Gustave Moreau propose sa première exposition temporaire depuis l’ouverture du musée en 1903. Il s’agit, à cette occasion, de célébrer l’amitié, féconde d’inouï, entre le peintre Gustave Moreau et l’écrivain Joris-Karl Huysmans.
Il est de la première utilité de connaître et d’étudier ce chaudron des arts, dans lequel tout l’art du XXe siècle a été porté à des vapeurs et des éthers d’ébullitions delphiques. Car il y a quelque prophétisme dans la concurrence de ces deux hommes, qui ont tout simplement déplacé l’art dans l’irréel.
D’une part, Gustave Moreau était une sorte d’aristocrate qui pouvait peindre, tant qu’il le voulait. Et donc, il emplit sa maison parisienne de toutes sortes de délires fantasiés. Avec des femmes impossibles qu’il aurait un peu amicalement raptées à lord Leighton, qui fut le plus chaste des peintres victoriens et le plus extravagant concepteur de la femme idéale. A l’époque, on entreprit pas moins que ce croisement entre la pêche et la phosphorescence marmoréenne pour créer la femme définitive.
Ainsi, Moreau devint-il un mythe de son vivant. On causait de lui en sorte de Dr Mabuse de la peinture mystique et occultiste. Ce qui se portait beaucoup dans le symbolisme hégémonique autour de 1900. C’est Gauguin qui avait remonté les arts plastiques au rebours, vers les cloisonnés des rosaces et des vitraux historiés des cathédrales. Aussi, vers ce nouveau goût des cloisonnés orientaux et japonisants, qui tissèrent le lien avec les cultures premières à l’autre bout du monde. Et qu’on les disait si proches, dans cet au-delà des arts mystiques et symbolistes.
Tout était prétexte à des réunions de rosicruciens et de francs-maçons, résolument entre-tissés dans les arts qui transforment la société par ses universités cachées. Quand Moreau disparut, sa maison, en débord comme l’oeuf de la peinture, devint un musée. Et l’on peut encore y voir un corpus entier d’un oeuvre, qui est simultané à la vie même de l’artiste. Ce qui était la programmatique même du symbolisme. Casser l’opacité du réel, pour retrouver l’escalier des anges qui montent et qui descendent le long de l’arbre du Bien et du Mal. Car Moreau et ses amis, aimaient à voir autant les anges que le serpent. Puisque tout était prétexte à faire de sa vie un roman ou une fiction. Et parfois, selon l’exemple maudit de Van Gogh.
Huysmans fut un critique aussi. Et il appliqua le programme baudelairien si enclin à l’irréalité, au maquillage, au dandysme, aux paradis artificiels et aux littératures opiacées. Il a écrit le roman fondateur du symbolisme en littérature, A rebours. Et dans le chapitre V, des Esseintes manifeste son admiration fervente pour Gustave Moreau. On comprendra le complot artistique, quand on aura bien dit que ce roman fait l’apologie du fantasme, comme un accomplissement plus achevé que toutes les réalisations dans le monde réel. Il dit explicitement, qu’il faut aller au rebours de toutes les réalités, pour retrouver la réalité qui est déréelle, soit entièrement psychique.
D’une certaine façon, cette pensée annonce les théories de Huxley ou de Timothy Leary qui ont tenté de briser le noyau du réel par l’usage décisif des drogues, comme les Amérindiens antiques. Et que cette révolution des années 60 a basculé toute la réalité dans la jouissance permanente des flux médiatiques qui sont désormais l’opium institutionnalisé.
Dans cet art commun à Huysmans et Moreau, il y a des royaumes de pierreries et des couleurs jamais vues. Aussi, on y lit des listes de noms de monstrueuses merveilles, et des rares extraits retrouvés de traités alchimiques, mais du verbe et de la peinture. Et tous les dieux connus et inconnus de l’Antiquité transmigrèrent par le biais de cet art, dans le XXe siècle naissant.
Tant et si bien, que l’art d’aujourd’hui, et conceptuel, est totalement issu de cette science symboliste de l’érotisme, de la morbidité et de l’occulte assez psychanalytique, en tout cas psychique.
Demian West
Il est de la première utilité de connaître et d’étudier ce chaudron des arts, dans lequel tout l’art du XXe siècle a été porté à des vapeurs et des éthers d’ébullitions delphiques. Car il y a quelque prophétisme dans la concurrence de ces deux hommes, qui ont tout simplement déplacé l’art dans l’irréel.
D’une part, Gustave Moreau était une sorte d’aristocrate qui pouvait peindre, tant qu’il le voulait. Et donc, il emplit sa maison parisienne de toutes sortes de délires fantasiés. Avec des femmes impossibles qu’il aurait un peu amicalement raptées à lord Leighton, qui fut le plus chaste des peintres victoriens et le plus extravagant concepteur de la femme idéale. A l’époque, on entreprit pas moins que ce croisement entre la pêche et la phosphorescence marmoréenne pour créer la femme définitive.
Ainsi, Moreau devint-il un mythe de son vivant. On causait de lui en sorte de Dr Mabuse de la peinture mystique et occultiste. Ce qui se portait beaucoup dans le symbolisme hégémonique autour de 1900. C’est Gauguin qui avait remonté les arts plastiques au rebours, vers les cloisonnés des rosaces et des vitraux historiés des cathédrales. Aussi, vers ce nouveau goût des cloisonnés orientaux et japonisants, qui tissèrent le lien avec les cultures premières à l’autre bout du monde. Et qu’on les disait si proches, dans cet au-delà des arts mystiques et symbolistes.
Tout était prétexte à des réunions de rosicruciens et de francs-maçons, résolument entre-tissés dans les arts qui transforment la société par ses universités cachées. Quand Moreau disparut, sa maison, en débord comme l’oeuf de la peinture, devint un musée. Et l’on peut encore y voir un corpus entier d’un oeuvre, qui est simultané à la vie même de l’artiste. Ce qui était la programmatique même du symbolisme. Casser l’opacité du réel, pour retrouver l’escalier des anges qui montent et qui descendent le long de l’arbre du Bien et du Mal. Car Moreau et ses amis, aimaient à voir autant les anges que le serpent. Puisque tout était prétexte à faire de sa vie un roman ou une fiction. Et parfois, selon l’exemple maudit de Van Gogh.
Huysmans fut un critique aussi. Et il appliqua le programme baudelairien si enclin à l’irréalité, au maquillage, au dandysme, aux paradis artificiels et aux littératures opiacées. Il a écrit le roman fondateur du symbolisme en littérature, A rebours. Et dans le chapitre V, des Esseintes manifeste son admiration fervente pour Gustave Moreau. On comprendra le complot artistique, quand on aura bien dit que ce roman fait l’apologie du fantasme, comme un accomplissement plus achevé que toutes les réalisations dans le monde réel. Il dit explicitement, qu’il faut aller au rebours de toutes les réalités, pour retrouver la réalité qui est déréelle, soit entièrement psychique.
D’une certaine façon, cette pensée annonce les théories de Huxley ou de Timothy Leary qui ont tenté de briser le noyau du réel par l’usage décisif des drogues, comme les Amérindiens antiques. Et que cette révolution des années 60 a basculé toute la réalité dans la jouissance permanente des flux médiatiques qui sont désormais l’opium institutionnalisé.
Dans cet art commun à Huysmans et Moreau, il y a des royaumes de pierreries et des couleurs jamais vues. Aussi, on y lit des listes de noms de monstrueuses merveilles, et des rares extraits retrouvés de traités alchimiques, mais du verbe et de la peinture. Et tous les dieux connus et inconnus de l’Antiquité transmigrèrent par le biais de cet art, dans le XXe siècle naissant.
Tant et si bien, que l’art d’aujourd’hui, et conceptuel, est totalement issu de cette science symboliste de l’érotisme, de la morbidité et de l’occulte assez psychanalytique, en tout cas psychique.
Demian West
Wednesday, September 12, 2007
La Fabrica de Rubens à Bruxelles
Du 14 septembre 2007 au 27 janvier 2008 à Bruxelles, les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (art ancien) ouvrent les portes de l’atelier du génie Rubens. C’est le gros morceau des arts flamands, d’un repas qui n’en finit pas de s’étendre en longueur de pinceau si bien huilé.
Rubens c’est l’homme à tout faire de la peinture. Il fut grand peintre et prolifique. Aussi, il s’amusa à faire le diplomate pour ses amis princes anglais et européens. Car, il connaissait tant de langue, tenait une élégante conversation et des devis très estimés par tout le continent qui en raffolait. Ce fut, pour lui, une autre manière de mettre de l’huile dans les rouages de la politique confuse, dans les temps baroques qui roulaient à fond.
Ce n’est pas tout. Ce jeune bourgeois fut le premier qui monta une sorte de fabrica de la peinture de cour et pour négoces bourgeois des banquiers entreprenants. Il multiplia les oeuvres comme des primes billets de la banque baroque. On en vit partout se vendre quand il n’y était pas, puisqu’il traitait de contrats secrets de la politique des affaires multinationales.
Dans sa fabrique de tableaux, on vit oeuvrer les plus grands anversois et d’autres aventuriers de la peinture fraîche, parfois un peu effrontée. Chacun des peintres avait sa tâche réservée. L’un était apposté à la peinture des fleurs et tel autre à représenter les animaux. Et chacun selon sa main experte. Rubens inaugura la manière grasse de la peinture à l’huile et sur toiles. Auparavant, on peignait le plus souvent sur bois et selon une progression lente de couches multiples, vers les plus hauts glacis. Rubens attaquait dans le frais et pour aller vite.
Ses tableaux sont d’une grande fraîcheur. Puisqu’il peignait les chairs, qu’il se réservait, en apposant d’abord trois teintes préparées en avance. Et qu’il se contentait de les lier en un passage rapide et très savant. Comme si l’urgence de ses offices avait favorisé cette nouvelle manière de la peinture moderne, jusqu’aux impressionnistes.
Il reste que ce très grand peintre sut mettre en rôle les professions artistiques dans la sphère politique même. Et au plus haut rang, quand les arts rejoignent le prestige même de l’identité nationale sinon continentale. Par ailleurs, sa fabrica ou son atelier n’est pas sans évoquer la Factory de Warhol au XXe siècle. Là où toute la gentry et la jet-set mondiale s’encanaillaient dans la proximité du génie Warhol.
C’est dans de tels bouillons des arts et de la culture, que le cinéma, le théâtre, la musique et toutes les expressions et les artistes se confrontent et vont vers la politique, pour changer ou transformer la société et le monde. C’est le rôle majeur de l’art et de la culture, qu’ils transforment les structures sociales du monde jusqu’à la sphère la plus intime des individus. Et tout pour une action libératoire et résolutoire.
C’est ainsi que toute notre modernité, si précipitée, s’est espacée depuis cet atelier ou depuis la fabrica du génie rubénien.
Rubens c’est l’homme à tout faire de la peinture. Il fut grand peintre et prolifique. Aussi, il s’amusa à faire le diplomate pour ses amis princes anglais et européens. Car, il connaissait tant de langue, tenait une élégante conversation et des devis très estimés par tout le continent qui en raffolait. Ce fut, pour lui, une autre manière de mettre de l’huile dans les rouages de la politique confuse, dans les temps baroques qui roulaient à fond.
Ce n’est pas tout. Ce jeune bourgeois fut le premier qui monta une sorte de fabrica de la peinture de cour et pour négoces bourgeois des banquiers entreprenants. Il multiplia les oeuvres comme des primes billets de la banque baroque. On en vit partout se vendre quand il n’y était pas, puisqu’il traitait de contrats secrets de la politique des affaires multinationales.
Dans sa fabrique de tableaux, on vit oeuvrer les plus grands anversois et d’autres aventuriers de la peinture fraîche, parfois un peu effrontée. Chacun des peintres avait sa tâche réservée. L’un était apposté à la peinture des fleurs et tel autre à représenter les animaux. Et chacun selon sa main experte. Rubens inaugura la manière grasse de la peinture à l’huile et sur toiles. Auparavant, on peignait le plus souvent sur bois et selon une progression lente de couches multiples, vers les plus hauts glacis. Rubens attaquait dans le frais et pour aller vite.
Ses tableaux sont d’une grande fraîcheur. Puisqu’il peignait les chairs, qu’il se réservait, en apposant d’abord trois teintes préparées en avance. Et qu’il se contentait de les lier en un passage rapide et très savant. Comme si l’urgence de ses offices avait favorisé cette nouvelle manière de la peinture moderne, jusqu’aux impressionnistes.
Il reste que ce très grand peintre sut mettre en rôle les professions artistiques dans la sphère politique même. Et au plus haut rang, quand les arts rejoignent le prestige même de l’identité nationale sinon continentale. Par ailleurs, sa fabrica ou son atelier n’est pas sans évoquer la Factory de Warhol au XXe siècle. Là où toute la gentry et la jet-set mondiale s’encanaillaient dans la proximité du génie Warhol.
C’est dans de tels bouillons des arts et de la culture, que le cinéma, le théâtre, la musique et toutes les expressions et les artistes se confrontent et vont vers la politique, pour changer ou transformer la société et le monde. C’est le rôle majeur de l’art et de la culture, qu’ils transforment les structures sociales du monde jusqu’à la sphère la plus intime des individus. Et tout pour une action libératoire et résolutoire.
C’est ainsi que toute notre modernité, si précipitée, s’est espacée depuis cet atelier ou depuis la fabrica du génie rubénien.
Tuesday, September 11, 2007
Le Piranèse aux Etats-Unis
Du 6 décembre 2007 au 10 mars 2008 à Los Angeles, le J. Paul Getty Museum ouvre les grilles secrètes des oeuvres du Piranèse. C’est un personnage très énigmatique de l’Italie néo-classique c’est-à-dire du XVIIIe siècle, jusqu’à la Révolution française. Il fut un artiste graveur et un polémiste théoricien, aussi un cartographe ingénieux.
Le néo-classicisme s’est littéralement plongé dans l’océan des Antiques. Il s’agissait, après les fastes du rococo un peu léger et libertin, de retrouver de la grandeur antique, ajoutée d’une méditation sur la mort. Comme si les plaisirs avaient un peu éreinté les amateurs d’art en Europe, et surtout en Angleterre et en France.
Les sujets des méditations sur les ruines étaient en vogue. Aussi, on revint aux conceptions de monuments funéraires grandioses, mais selon des formes antiques des pyramides ou des mausolées philosophiques. Après la découverte de la science rationnelle au XVIIe siècle, ce fut comme un retour de la flamme sentimentale et nostalgique des amours dépitées et contendues vers des serments d’éternités impossibles.
Toutefois, l’oeuvre du Piranèse est singulière. Car, autant il déclina farouchement, et sans laisser, toutes les formes de l’Antiquité, comme il l’aurait fait pour un lexique des formes anciennes. Autant, il lâcha cette collection des architectures et des sculptures classiques, jusqu’aux excès les plus débridés de ce qu’on nommerait, aujourd’hui, l’"héroic fantasy".
La série gravée des Carceri ou Prisons manifeste des délires fantasiés de lieux improbables ou des personnes sont ferrées et retenues, pour le simple plaisir de "fiche l’angoisse" au regardeur. C’est un catalogue des supplices qui est ouvertement fantasmatique. Et l’effet dramatique du clair-obscur, parfois violent, ajoute à cette atmosphère qui est digne d’un scénario hitchcokien, mais du passé ténébreux.
On y discerne beaucoup de critiques de son temps, et des ponts qui traversent les espaces amples mais fermés. Comme pour y faire passer les âmes, sinon pour les jeter et les perdre dans l’abyme. Des appareils des tortures industrieuses sont là pour évoquer les machines de la raison et, probablement, leur emploi erroné du fait des pulsions de mort dans l’homme de pouvoir et des masses.
Certes, ces prisons évoquent les caves des cirques romains, mais aussi des lieux secrets des princes florentins et machiavéliques. C’est une sorte de méditation sur la pente fatale des constructions humaines qui s’élèvent pour tomber à la fin, par la force des haines accumulées pendant leur construction même.
Aussi, ces images évoquent-elles la tour de la bibliothèque du roman de Umberto Eco Le Nom de la rose. Et cette enquête à la Conan Doyle que Guillaume de Baskerville doit mener, tout par la raison du Sherlock Holmes médiéval qu’il met en rôle. Car il doit trouver les livres secrets de l’Antiquité interdite par l’idéologie officielle et catholique de son temps. Les passions humaines mettront le feu à la bibliothèque. Enfin, le film éponyme, de Jean-Jacques Annaud, s’est bien inspiré des escaliers et vis hélicoïdaux sans fin des prisons du Piranèse. Car ils y sont intacts, comme dans les gravures originales.
Par ailleurs, ces visions de tours en feux, ne sont-elles pas propices à de nouvelles méditations sur les ruines, et sur la fin des empires antiques et contemporains ? Surtout, quand nous sommes au plein de ce 11 septembre si mémoratif de la plus grande tragédie qu’on a pu voir et filmer au coeur même de la mégalopole ultime des Carceri contemporaines, c’est-à-dire à New York au Ground Zero.
Demian West
Le néo-classicisme s’est littéralement plongé dans l’océan des Antiques. Il s’agissait, après les fastes du rococo un peu léger et libertin, de retrouver de la grandeur antique, ajoutée d’une méditation sur la mort. Comme si les plaisirs avaient un peu éreinté les amateurs d’art en Europe, et surtout en Angleterre et en France.
Les sujets des méditations sur les ruines étaient en vogue. Aussi, on revint aux conceptions de monuments funéraires grandioses, mais selon des formes antiques des pyramides ou des mausolées philosophiques. Après la découverte de la science rationnelle au XVIIe siècle, ce fut comme un retour de la flamme sentimentale et nostalgique des amours dépitées et contendues vers des serments d’éternités impossibles.
Toutefois, l’oeuvre du Piranèse est singulière. Car, autant il déclina farouchement, et sans laisser, toutes les formes de l’Antiquité, comme il l’aurait fait pour un lexique des formes anciennes. Autant, il lâcha cette collection des architectures et des sculptures classiques, jusqu’aux excès les plus débridés de ce qu’on nommerait, aujourd’hui, l’"héroic fantasy".
La série gravée des Carceri ou Prisons manifeste des délires fantasiés de lieux improbables ou des personnes sont ferrées et retenues, pour le simple plaisir de "fiche l’angoisse" au regardeur. C’est un catalogue des supplices qui est ouvertement fantasmatique. Et l’effet dramatique du clair-obscur, parfois violent, ajoute à cette atmosphère qui est digne d’un scénario hitchcokien, mais du passé ténébreux.
On y discerne beaucoup de critiques de son temps, et des ponts qui traversent les espaces amples mais fermés. Comme pour y faire passer les âmes, sinon pour les jeter et les perdre dans l’abyme. Des appareils des tortures industrieuses sont là pour évoquer les machines de la raison et, probablement, leur emploi erroné du fait des pulsions de mort dans l’homme de pouvoir et des masses.
Certes, ces prisons évoquent les caves des cirques romains, mais aussi des lieux secrets des princes florentins et machiavéliques. C’est une sorte de méditation sur la pente fatale des constructions humaines qui s’élèvent pour tomber à la fin, par la force des haines accumulées pendant leur construction même.
Aussi, ces images évoquent-elles la tour de la bibliothèque du roman de Umberto Eco Le Nom de la rose. Et cette enquête à la Conan Doyle que Guillaume de Baskerville doit mener, tout par la raison du Sherlock Holmes médiéval qu’il met en rôle. Car il doit trouver les livres secrets de l’Antiquité interdite par l’idéologie officielle et catholique de son temps. Les passions humaines mettront le feu à la bibliothèque. Enfin, le film éponyme, de Jean-Jacques Annaud, s’est bien inspiré des escaliers et vis hélicoïdaux sans fin des prisons du Piranèse. Car ils y sont intacts, comme dans les gravures originales.
Par ailleurs, ces visions de tours en feux, ne sont-elles pas propices à de nouvelles méditations sur les ruines, et sur la fin des empires antiques et contemporains ? Surtout, quand nous sommes au plein de ce 11 septembre si mémoratif de la plus grande tragédie qu’on a pu voir et filmer au coeur même de la mégalopole ultime des Carceri contemporaines, c’est-à-dire à New York au Ground Zero.
Demian West
Monday, September 10, 2007
William Bouguereau à Pittsburgh
Jusqu’au 14 octobre 2007 à Pittsburgh, le Frick Art Museum revient sur la postérité de William Bouguereau qui fut le plus grand peintre de l’académisme français de la fin XIXe siècle. En effet, Bouguereau avait une telle notoriété, qu’il enseigna sa pratique picturale à de nombreux étudiants en art, qui venaient des Amériques par classes entières.
Aujourd’hui, le nom de Bougereau ne signifie plus que vent de l’oubli, pour le grand public qui l’apprécierait pourtant. Jugez-en : il avait une facture si lissée qu’on pensait assister à quelque banquet des dieux au plein de ses oeuvres. Tout y était plus hyperphotographique que mieux encore idéalisé. Ca donnait envie de toucher, comme une peau de la statuaire grecque sait nous happer, d’abord par nos mains si promptes aux caresses.
C’est pour cette raison que cet artiste, champion des Olympiens, fut démoli par les impressionnistes Manet et sa suite, auxquels Bouguereau sut rendre la pareille. Les impressionnistes emportèrent le consteste et on déboulonna la statue du plus grand peintre français. Il est vrai, qu’on avait de quoi rendre la monnaie, et qu’il y avait des peintres de bon lieux pour le remplacer.
C’est seulement dans les années 1970, que le président Giscard d’Estaing sut réanimer le culte de ce plus grand peintre, qu’on gara forcément à la gare d’Orsay, et pour en faire le chef des arts de ce musée. Il faut avoir vu La Naissance de Vénus exposée dans le salon d’honneur de la gare devenu musée d’Orsay. Car c’est un des plus beaux morceaux de la peinture mondiale, autant par le fait technique que par l’achèvement du raffinement cultivé, de la fin de l’art arrivé à son terme. Devant l’oeuvre comme devant un Vinci, on comprend immédiatement qu’il est impossible de rivaliser avec cette virtuosité glacée de connaissance surabondante de métier joint à la perfection formelle.
Les impressionnistes le condamnèrent car il représentait des femmes idéales, et donc qu’elles ne font pas du shopping. Et qu’elles étaient sans odeur, d’aucuns goûteurs dirent sans saveur. Manet avait choisi de représenter les femmes de la rue, qu’il confondait quand même avec des courtisanes. Certes, cette vision impressionniste semblait en conformité avec le fantasme le plus couru dans la société masculine, qui voulait de vraies femmes trop offertes plutôt que réservées.
Cependant Bouguereau connaissait un succès mondial, parce qu’il proposait des images pour rincer l’oeil en pointe du bourgeois. Par le biais de lourds prétextes de scènes olympiennes qui savaient gonfler et jeter les chairs lactées des déesses au premier plan de l’image bien charnue de fesses si douces comme le miel.
Les élèves de Bouguereau perpétuèrent son style et par le biais, paradoxal pour l’époque, de femmes peintres américaines dont Cecilia Beaux et Elizabeth Gardner, qui firent avancer la cause des femmes peintres. Enfin, Robert Henri fonda le groupe anti-académique aux Etats-Unis, et il influença définitivement la Ashcan School.
Il fut élève de Bouguereau, et son parcours laisse explicitement entendre qu’il faut avoir fréquenté de bons maîtres réguliers pour prétendre à casser la vieille boutique des conventions. Un peu comme Picasso, l’adolescent virtuose et bon fils de son père peintre, qui cassa le dessin, parce que c’était lui et que c’était le temps venu.
Demian West
Aujourd’hui, le nom de Bougereau ne signifie plus que vent de l’oubli, pour le grand public qui l’apprécierait pourtant. Jugez-en : il avait une facture si lissée qu’on pensait assister à quelque banquet des dieux au plein de ses oeuvres. Tout y était plus hyperphotographique que mieux encore idéalisé. Ca donnait envie de toucher, comme une peau de la statuaire grecque sait nous happer, d’abord par nos mains si promptes aux caresses.
C’est pour cette raison que cet artiste, champion des Olympiens, fut démoli par les impressionnistes Manet et sa suite, auxquels Bouguereau sut rendre la pareille. Les impressionnistes emportèrent le consteste et on déboulonna la statue du plus grand peintre français. Il est vrai, qu’on avait de quoi rendre la monnaie, et qu’il y avait des peintres de bon lieux pour le remplacer.
C’est seulement dans les années 1970, que le président Giscard d’Estaing sut réanimer le culte de ce plus grand peintre, qu’on gara forcément à la gare d’Orsay, et pour en faire le chef des arts de ce musée. Il faut avoir vu La Naissance de Vénus exposée dans le salon d’honneur de la gare devenu musée d’Orsay. Car c’est un des plus beaux morceaux de la peinture mondiale, autant par le fait technique que par l’achèvement du raffinement cultivé, de la fin de l’art arrivé à son terme. Devant l’oeuvre comme devant un Vinci, on comprend immédiatement qu’il est impossible de rivaliser avec cette virtuosité glacée de connaissance surabondante de métier joint à la perfection formelle.
Les impressionnistes le condamnèrent car il représentait des femmes idéales, et donc qu’elles ne font pas du shopping. Et qu’elles étaient sans odeur, d’aucuns goûteurs dirent sans saveur. Manet avait choisi de représenter les femmes de la rue, qu’il confondait quand même avec des courtisanes. Certes, cette vision impressionniste semblait en conformité avec le fantasme le plus couru dans la société masculine, qui voulait de vraies femmes trop offertes plutôt que réservées.
Cependant Bouguereau connaissait un succès mondial, parce qu’il proposait des images pour rincer l’oeil en pointe du bourgeois. Par le biais de lourds prétextes de scènes olympiennes qui savaient gonfler et jeter les chairs lactées des déesses au premier plan de l’image bien charnue de fesses si douces comme le miel.
Les élèves de Bouguereau perpétuèrent son style et par le biais, paradoxal pour l’époque, de femmes peintres américaines dont Cecilia Beaux et Elizabeth Gardner, qui firent avancer la cause des femmes peintres. Enfin, Robert Henri fonda le groupe anti-académique aux Etats-Unis, et il influença définitivement la Ashcan School.
Il fut élève de Bouguereau, et son parcours laisse explicitement entendre qu’il faut avoir fréquenté de bons maîtres réguliers pour prétendre à casser la vieille boutique des conventions. Un peu comme Picasso, l’adolescent virtuose et bon fils de son père peintre, qui cassa le dessin, parce que c’était lui et que c’était le temps venu.
Demian West
Friday, September 07, 2007
Dessins de maîtres à Chicago
Du 4 octobre 2007 au 6 janvier 2008, le Smart Museum of Art de l’université de Chicago expose la collection des dessins des maîtres européens assemblée par la Yale University Art Gallery. C’est un ensemble prestigieux qui s’espace du Bernin à Degas en passant par les artistes du rococo le plus évanescent.
La collection complète de ces études d’artistes propose donc un survol entier des techniques qui préparent les tableaux. Et d’une certaine façon, c’est un monde en soi des arts, qui tiennent leur laboratoire loin des expositions oratoires et publiques.
Souvent, il arrive qu’on préfère des dessins de Dürer à ses huiles. Et c’est à raison, car il était avant tout un grand dessinateur. Aussi, cet exemple suffit-il à démontrer que le dessin est la base des arts plastiques. Puisqu’il est contendu à droit fil, depuis les jets volontaires du cerveau de l’artiste soi-même.
Qui n’a pas jeté sur le papier vaguement paumé sur la table, quelques dessins informes et pulsionnels pendant un appel téléphonique ? Qu’il nous jette le premier portable et son crédit. Ces dessins automatiques sont la preuve de la nature pulsionnelle et organique du dessin, en tant qu’il écrit ce que le cerveau pense, mais dans sa langue la plus primitive.
C’est la fille de Dibutade, l’antique plaste ou modeleur, qui inventa le dessin, selon la légende. Quand elle traça sur le mur, le profil de son amant pour en conserver le souvenir au vif. Tous les arts en tombèrent de ce profil réaliste, la peinture et la sculpture.
C’est pourquoi, il est capital pour un artiste, qu’il revienne régulièrement à cette pratique fondamentale du dessin. Aussi, Léonard de Vinci dessinait-il, chaque fois et en rite inaugural de toutes ses séances picturales, un profil d’homme dont on suppose qu’il était plus qu’une simple mise en train. D’une certaine façon, il s’agissait d’une sorte de code hypnotique, qui le mettait dans une assiette de ferme assurance entre sa main et son esprit qui la guidait. Ce petit croquis inaugural était comme un mantra ou une clé qui ouvrait puis qui laissait fluer les voies de la création inspirée, qui échappent aussi au créateur lui-même. Puisque l’artiste est le médium de l’inspiration, par aventure souvent libre ou hasardeuse.
Qu’aurait pu dire Vinci, si tantôt on lui avait demandé, comment et par quelle voie initiale il savait dessiner. Rien autre que de l’inné ajouté d’un peu d’acquis. C’est cette leçon de l’apparition spontanée de l’art par le dessin, qui fonde la grande religion de l’art moderne puis de l’art contemporain. Pour Dante, le dessin n’était-il pas "le signe de Dieu en nous".
D’aucuns, plus contemporains, diront que ce dieu-là a tous les traits de l’inconscient qui est aussi vaste que la divinité. Si nous en jugeons par la vastitude immense des paysages de la libido derrière la personnalité de surface. Et dont tous les desseins libidinaux apparaissent, peu ou prou et tôt ou tard, dans le disegno ou le dessin conceptuel allié à la sensualité dernière de l’art achevé.
La collection complète de ces études d’artistes propose donc un survol entier des techniques qui préparent les tableaux. Et d’une certaine façon, c’est un monde en soi des arts, qui tiennent leur laboratoire loin des expositions oratoires et publiques.
Souvent, il arrive qu’on préfère des dessins de Dürer à ses huiles. Et c’est à raison, car il était avant tout un grand dessinateur. Aussi, cet exemple suffit-il à démontrer que le dessin est la base des arts plastiques. Puisqu’il est contendu à droit fil, depuis les jets volontaires du cerveau de l’artiste soi-même.
Qui n’a pas jeté sur le papier vaguement paumé sur la table, quelques dessins informes et pulsionnels pendant un appel téléphonique ? Qu’il nous jette le premier portable et son crédit. Ces dessins automatiques sont la preuve de la nature pulsionnelle et organique du dessin, en tant qu’il écrit ce que le cerveau pense, mais dans sa langue la plus primitive.
C’est la fille de Dibutade, l’antique plaste ou modeleur, qui inventa le dessin, selon la légende. Quand elle traça sur le mur, le profil de son amant pour en conserver le souvenir au vif. Tous les arts en tombèrent de ce profil réaliste, la peinture et la sculpture.
C’est pourquoi, il est capital pour un artiste, qu’il revienne régulièrement à cette pratique fondamentale du dessin. Aussi, Léonard de Vinci dessinait-il, chaque fois et en rite inaugural de toutes ses séances picturales, un profil d’homme dont on suppose qu’il était plus qu’une simple mise en train. D’une certaine façon, il s’agissait d’une sorte de code hypnotique, qui le mettait dans une assiette de ferme assurance entre sa main et son esprit qui la guidait. Ce petit croquis inaugural était comme un mantra ou une clé qui ouvrait puis qui laissait fluer les voies de la création inspirée, qui échappent aussi au créateur lui-même. Puisque l’artiste est le médium de l’inspiration, par aventure souvent libre ou hasardeuse.
Qu’aurait pu dire Vinci, si tantôt on lui avait demandé, comment et par quelle voie initiale il savait dessiner. Rien autre que de l’inné ajouté d’un peu d’acquis. C’est cette leçon de l’apparition spontanée de l’art par le dessin, qui fonde la grande religion de l’art moderne puis de l’art contemporain. Pour Dante, le dessin n’était-il pas "le signe de Dieu en nous".
D’aucuns, plus contemporains, diront que ce dieu-là a tous les traits de l’inconscient qui est aussi vaste que la divinité. Si nous en jugeons par la vastitude immense des paysages de la libido derrière la personnalité de surface. Et dont tous les desseins libidinaux apparaissent, peu ou prou et tôt ou tard, dans le disegno ou le dessin conceptuel allié à la sensualité dernière de l’art achevé.
Wednesday, September 05, 2007
Eugène Boudin le premier impressionniste
Du 14 novembre 2007 au 27 janvier 2008 à Richmond-Virginia, le Virginia Museum of Fine Arts va à la plage pour nous montrer les oeuvres du premier impressionniste Eugène Boudin. C’est un grand destin de petit homme provincial qui, par force de sincérité et de persévérance, parvint à littéralement changer la face des arts picturaux et de toute la conception du métier de peindre.
En effet, le jeune papetier Boudin de Honfleur fréquentait les artistes qui venaient dans sa boutique pour y trouver des supports assez rares. Car il s’appliquait à son métier para-artistique. Tant et si bien qu’il rencontra le grand barbizonnier Troyon, aussi Isabey, le fameux peintre des marines, et enfin Baudelaire le théoricien de la poétique littéraire et picturale.
Tout ce monde des arts l’incita à quitter boutique pour qu’il fasse un peu le peintre. Et c’est ainsi qu’il prit tout naturellement le chemin des plages, où s’ébattait la gentry de l’époque proustienne, et, au-dessus, les nuées qui firent sa gloire. Puisque Monet et Corot soulignèrent que leur Boudin était insurpassable dans la représentation des ciels marins. Il fit école entre la peinture grasse et opaque des paysages français et les aquarelles des côtes anglaises translucides de Bonington, Ruskin ou Turner.
Il exposa au Salon où il fit grande sensation. Ainsi que la simplicité virtuose sait jouer des critiques, comme l’archet joue de l’instrument. On le reconnut sur-le-champ, tant il sut obtenir naturellement la bienveillance du Baudelaire définitif, quand il vous avait consacré devant tout Paris c’est-à-dire le monde entier.
A l’étude des toiles du génial Boudin, on y sent surtout cette annonce du pleinairisme auquel il forma Monet, qui reconnut finalement tout lui devoir. Aussi, on saisit tous les effets de nacre dont la peinture à l’huile est féconde. Une ligne d’horizon, et quelques lichettes savent poster des personnages en grand devis de conversations mondaines, et tous sont dans le bain et vêtus à la mode "plus ènième parisienne", comme dirait le très francophile Burgess.
On y voit dans les toiles de Boudin, toutes les nuances de gris colorés et de bleus pâles qui suggèrent autant la sérénité estivale que les vagues plus tempétueuses, comme en arrière-plan du XXe siècle à venir des couleurs métalliques de la mélancolie guerrière.
D’une certaine façon, Boudin c’est encore le livre peint des rêves mémoratifs proustiens, mais de la madeleine azuréenne.
En effet, le jeune papetier Boudin de Honfleur fréquentait les artistes qui venaient dans sa boutique pour y trouver des supports assez rares. Car il s’appliquait à son métier para-artistique. Tant et si bien qu’il rencontra le grand barbizonnier Troyon, aussi Isabey, le fameux peintre des marines, et enfin Baudelaire le théoricien de la poétique littéraire et picturale.
Tout ce monde des arts l’incita à quitter boutique pour qu’il fasse un peu le peintre. Et c’est ainsi qu’il prit tout naturellement le chemin des plages, où s’ébattait la gentry de l’époque proustienne, et, au-dessus, les nuées qui firent sa gloire. Puisque Monet et Corot soulignèrent que leur Boudin était insurpassable dans la représentation des ciels marins. Il fit école entre la peinture grasse et opaque des paysages français et les aquarelles des côtes anglaises translucides de Bonington, Ruskin ou Turner.
Il exposa au Salon où il fit grande sensation. Ainsi que la simplicité virtuose sait jouer des critiques, comme l’archet joue de l’instrument. On le reconnut sur-le-champ, tant il sut obtenir naturellement la bienveillance du Baudelaire définitif, quand il vous avait consacré devant tout Paris c’est-à-dire le monde entier.
A l’étude des toiles du génial Boudin, on y sent surtout cette annonce du pleinairisme auquel il forma Monet, qui reconnut finalement tout lui devoir. Aussi, on saisit tous les effets de nacre dont la peinture à l’huile est féconde. Une ligne d’horizon, et quelques lichettes savent poster des personnages en grand devis de conversations mondaines, et tous sont dans le bain et vêtus à la mode "plus ènième parisienne", comme dirait le très francophile Burgess.
On y voit dans les toiles de Boudin, toutes les nuances de gris colorés et de bleus pâles qui suggèrent autant la sérénité estivale que les vagues plus tempétueuses, comme en arrière-plan du XXe siècle à venir des couleurs métalliques de la mélancolie guerrière.
D’une certaine façon, Boudin c’est encore le livre peint des rêves mémoratifs proustiens, mais de la madeleine azuréenne.
Tuesday, September 04, 2007
Le Trollisme comme une des formes des arts contemporains
Il est un fait que tous lecteurs ont pu observer et depuis un couple d’années, le journalisme citoyen a développé un champ d’expression vaste et mondial, qui sait rassembler les discours les plus singuliers. C’est-à-dire que ses contributeurs ont coutume de parler hors de la sphère ordonnée du langage convenu, soit universitaire soit de l’information. Mais ce n’est pas ce fait auquel nous voulons faire épaule, aujourd’hui. Puisqu’il n’est pas moins apparent que, sur Agoravox, les trolls semblent plus actifs sinon plus virulents que partout ailleurs, à tout le moins dans le spectre de la blogosphère communément admis.
Le plus troublant est probablement cette mixité que nous voyons s’installer entre des débats vertueux et presque compassés sinon définitivement polis, et d’autres injections de mots fulgurés à la piquouze des trolls. C’est que l’appétit ne leur manque guère, et la nuit et le jour. Certes, depuis le début du XXe siècle, les trublions se sont régulièrement rassemblés en une sorte de fief des arts, mais tout collé à la boue des propos de bavettes les plus provocatrices. Et, il ne viendrait à l’esprit de quiconque de remettre ces acquis en cause. Puisqu’ils sont une garantie éprouvée, si jamais écrite que contractuelle, de nos libertés d’expression.
La règle internétique voudrait ou conseille tantôt, qu’on ne nourrisse pas le troll. Et pour qu’il s’éteigne de sa belle lividité cadavérique bientôt déposée sous un meuble des vieilles familles, comme les animaux savent mourir en silence. Mais, ce n’est pas si simple qu’impossible. Car, le troll a la faculté inouïe de nous (é)mouvoir par le biais de nos orgueils bien ou mal élevés en nous-mêmes. Aussi, le troll tire-t-il nos fils les plus naturels, qui tiennent à nos plus hautes conceptions de nos propos, et finalement de nous-mêmes. Ce qui voudrait dire, que pour échapper aux harpons et au doigté manipulateur des trolls, il faudrait nous résoudre à l’humilité qui est la meilleure pente lessivée vers l’oubli et donc vers l’anonymat le plus "horrifique".
Ce qui est assez contre-internétique, si l’on voulait écrire et diffuser son évangile selon soi-même. Le journalier citoyen n’est-il pas ce crucifié en puissance ? Puisqu’il détient une vérité qu’il doit imposer, par son art, au monde entier. C’est probablement, pour cette raison messianique que le rédacteur vire souvent au trollisme, en tant qu’il s’agit de l’action d’un individu qui s’opposerait à tous.
Il reste que, à l’image des grands provocateurs qui terminent bassement en vulgaires fondateurs de mouvements artistiques pour la gentry, des trolls agoravociens vont même jusqu’à passer au-travers du terrible crible du comité de sélection d’Agoravox. Et tout pour l’amélioration de la race trolline qui voudrait, finalement et par la fatigue ou l’épuisement civilisateur, concevoir une sorte de réconciliation. Et, sur le mode parodique du troll-qui-devient-rédacteur. Et cette rédemption avance en manière très équivoque d’une victoire ou d’une reconnaissance par l’adversité. Comme si le bébé troll aspirait à être absorbé par le placenta utérin même des publications autorisées. Autrement dit, l’achèvement aristotélicien du troll serait sa dévoration transformatrice par l’appareil qu’il avait souillé, auparavant, de toutes ses dents méphitiques.
Pourtant, nous plaiderons pour le troll en précisant ce qui apparaît de plus en plus, dans le principe même du buzz. Cette rumeur internétique est déjà une donnée incontournable de toutes les communications par le net. Et donc, ce buzz contient dans son principe même la nécessité d’une sorte de trollisme résiduel, qui serait le moteur de l’araignée diffusant son contenu sur sa toile. Aussi vrai que le buzz doit diffuser son contenu par tous moyens.
On ne le regrette pas, et même on s’avoue aisément satisfait de cette dialectique assez spirituelle. Car au fond, elle exprime bien que nul ne serait un troll si fixement et fermement. Puisque le rédacteur fut un troll. Et que la plupart des trolls deviendront des rédacteurs par l’effet de l’accoutumance de l’un à l’autre. Et c’est bien une forme des arts plastiques que de pouvoir exprimer, dans un médium ou dans un média contemporains, cette plasticité ou cette mouvance qui induit que rien n’est jamais acquis, et pas même dans la culture ou dans la personnalité. Comme si nous étions certainement le troll d’autrui, ainsi que nous serions plus sûrement encore le troll de nous-mêmes par aventure d’écriture vivante.
Demian West
Le plus troublant est probablement cette mixité que nous voyons s’installer entre des débats vertueux et presque compassés sinon définitivement polis, et d’autres injections de mots fulgurés à la piquouze des trolls. C’est que l’appétit ne leur manque guère, et la nuit et le jour. Certes, depuis le début du XXe siècle, les trublions se sont régulièrement rassemblés en une sorte de fief des arts, mais tout collé à la boue des propos de bavettes les plus provocatrices. Et, il ne viendrait à l’esprit de quiconque de remettre ces acquis en cause. Puisqu’ils sont une garantie éprouvée, si jamais écrite que contractuelle, de nos libertés d’expression.
La règle internétique voudrait ou conseille tantôt, qu’on ne nourrisse pas le troll. Et pour qu’il s’éteigne de sa belle lividité cadavérique bientôt déposée sous un meuble des vieilles familles, comme les animaux savent mourir en silence. Mais, ce n’est pas si simple qu’impossible. Car, le troll a la faculté inouïe de nous (é)mouvoir par le biais de nos orgueils bien ou mal élevés en nous-mêmes. Aussi, le troll tire-t-il nos fils les plus naturels, qui tiennent à nos plus hautes conceptions de nos propos, et finalement de nous-mêmes. Ce qui voudrait dire, que pour échapper aux harpons et au doigté manipulateur des trolls, il faudrait nous résoudre à l’humilité qui est la meilleure pente lessivée vers l’oubli et donc vers l’anonymat le plus "horrifique".
Ce qui est assez contre-internétique, si l’on voulait écrire et diffuser son évangile selon soi-même. Le journalier citoyen n’est-il pas ce crucifié en puissance ? Puisqu’il détient une vérité qu’il doit imposer, par son art, au monde entier. C’est probablement, pour cette raison messianique que le rédacteur vire souvent au trollisme, en tant qu’il s’agit de l’action d’un individu qui s’opposerait à tous.
Il reste que, à l’image des grands provocateurs qui terminent bassement en vulgaires fondateurs de mouvements artistiques pour la gentry, des trolls agoravociens vont même jusqu’à passer au-travers du terrible crible du comité de sélection d’Agoravox. Et tout pour l’amélioration de la race trolline qui voudrait, finalement et par la fatigue ou l’épuisement civilisateur, concevoir une sorte de réconciliation. Et, sur le mode parodique du troll-qui-devient-rédacteur. Et cette rédemption avance en manière très équivoque d’une victoire ou d’une reconnaissance par l’adversité. Comme si le bébé troll aspirait à être absorbé par le placenta utérin même des publications autorisées. Autrement dit, l’achèvement aristotélicien du troll serait sa dévoration transformatrice par l’appareil qu’il avait souillé, auparavant, de toutes ses dents méphitiques.
Pourtant, nous plaiderons pour le troll en précisant ce qui apparaît de plus en plus, dans le principe même du buzz. Cette rumeur internétique est déjà une donnée incontournable de toutes les communications par le net. Et donc, ce buzz contient dans son principe même la nécessité d’une sorte de trollisme résiduel, qui serait le moteur de l’araignée diffusant son contenu sur sa toile. Aussi vrai que le buzz doit diffuser son contenu par tous moyens.
On ne le regrette pas, et même on s’avoue aisément satisfait de cette dialectique assez spirituelle. Car au fond, elle exprime bien que nul ne serait un troll si fixement et fermement. Puisque le rédacteur fut un troll. Et que la plupart des trolls deviendront des rédacteurs par l’effet de l’accoutumance de l’un à l’autre. Et c’est bien une forme des arts plastiques que de pouvoir exprimer, dans un médium ou dans un média contemporains, cette plasticité ou cette mouvance qui induit que rien n’est jamais acquis, et pas même dans la culture ou dans la personnalité. Comme si nous étions certainement le troll d’autrui, ainsi que nous serions plus sûrement encore le troll de nous-mêmes par aventure d’écriture vivante.
Demian West
Monday, September 03, 2007
La Hudson River School à Penn State
Du 7 octobre jusqu’au 16 décembre 2007 à Penn State aux USA, le Palmer Museum of Art étend les grandes toiles de l’Ecole des peintres paysagistes de la Hudson River. Cette mouvance assez informelle des arts s’est constituée depuis les années 1825 jusqu’aux années 1880.
C’est donc une sorte de réflexion picturale sur la progression des pionniers dans tout le paysage américain. En effet, des peintres sentirent le besoin, plus ou moins sourd à basse note, de constituer une école picturale résolument américaine. Et qu’elle ne serait plus tant à la traîne des mouvements européens. C’est ainsi que Thomas Cole se mit à peindre les vastes paysages des bords de la Hudson River. Et donc, qu’il quitta la grande ville pour s’affranchir de la culture occidentale auprès de la nature sauvage.
Il s’attacha à rendre les détails les plus naturalistes, mais sans jamais dévier du point focal essentiel qui est la lumière solaire dans l’œuvre. Tant et si bien qu’on y a vu le doigt ou l’œil de Dieu. Car, pour ces colons protestants, la nature était le jardin même que la divinité jalouse sut concevoir pour y coucher ses créatures, et quelques massacres d’Indiens par aventure. On ne fait pas d’omelette sans casser... etc.
Cole eut un disciple si fidèle qu’il le dépassa sur l’arbre des effets de masse picturale et tout en largeur. Car Frederic Church savait peindre des Chutes du Niagara immenses qui déplacèrent les foules qui payèrent joyeusement pour voir le chef-d’œuvre définitif qui fouette des embruns aussi. Et l’on comprend alors, que cette peinture est un spectacle de l’immersion des sens et de la psyché. C’est d’ailleurs le lieu commun de la peinture américaine, qu’elle cherche à immerger le regardeur en parfaite conformité au paysage du pays continental, entre deux océans des infinités. Comme si l’Amérique était le pays de l’espace où souffle et surfe l’esprit et ses violences aussi. L’expressionnisme abstrait, des années 1945, reprendra cette leçon de l’immersion du regard dans des toiles immenses et vers la peinture des paysages abstraits de la psyché.
Le paysage est d’abord hostile par le fait barbare ou de l’entre-dévoration naturelle. Mais, tout le projet américain contenu dans cette peinture est de restituer son rôle bienveillant, pré-culturel ou post-culturel comme on voudra, à cette nature primitive. Et c’est le projet des dispositifs des Disneylands, qui s’attachent à reconstituer une nature traversée par des animaux robotisés et factices jusqu’à la docilité servile, c’est-à-dire artificielle ou hyperréaliste selon les mots de Umberto Eco. Cette programmatique idéologique est en germe dans le projet de la Hudson River. Conquérir l’univers sauvage pour y réinstaller le culte du monde parfait qui fait sa parade à heures fixes et fermes, pour ne pas rater les repas des prières dans la cantine de la multinationale à l’enseigne du clown grimé.
Certainement, autour de cette Hudson River School, on y discerne les influences du premier Constable qui fut le créateur de l’art des paysages, aussi de l’Ecole de Barbizon ou l’Ecole de 1830. Et on y trouve encore la persistance de l’influence du meilleur Millet, c’est-à-dire de ses années picturales qu’on a nommées « la période visionnaire ». Quand il ajoutait des effets luministes si puissants et évocateurs, qu’ils signifiaient quelque présence de l’esprit allié aux jouissances sensuelles. Des effets et sentiments en tous points semblables à l’esprit qui nous visite et qui nous traverse, quand nous sommes devant un paysage infini qui nous dépasse et que nul meilleur peintre ne saurait le saisir ou le peindre... sans rivaliser aussitôt avec Dieu lui-même.
Demian West
C’est donc une sorte de réflexion picturale sur la progression des pionniers dans tout le paysage américain. En effet, des peintres sentirent le besoin, plus ou moins sourd à basse note, de constituer une école picturale résolument américaine. Et qu’elle ne serait plus tant à la traîne des mouvements européens. C’est ainsi que Thomas Cole se mit à peindre les vastes paysages des bords de la Hudson River. Et donc, qu’il quitta la grande ville pour s’affranchir de la culture occidentale auprès de la nature sauvage.
Il s’attacha à rendre les détails les plus naturalistes, mais sans jamais dévier du point focal essentiel qui est la lumière solaire dans l’œuvre. Tant et si bien qu’on y a vu le doigt ou l’œil de Dieu. Car, pour ces colons protestants, la nature était le jardin même que la divinité jalouse sut concevoir pour y coucher ses créatures, et quelques massacres d’Indiens par aventure. On ne fait pas d’omelette sans casser... etc.
Cole eut un disciple si fidèle qu’il le dépassa sur l’arbre des effets de masse picturale et tout en largeur. Car Frederic Church savait peindre des Chutes du Niagara immenses qui déplacèrent les foules qui payèrent joyeusement pour voir le chef-d’œuvre définitif qui fouette des embruns aussi. Et l’on comprend alors, que cette peinture est un spectacle de l’immersion des sens et de la psyché. C’est d’ailleurs le lieu commun de la peinture américaine, qu’elle cherche à immerger le regardeur en parfaite conformité au paysage du pays continental, entre deux océans des infinités. Comme si l’Amérique était le pays de l’espace où souffle et surfe l’esprit et ses violences aussi. L’expressionnisme abstrait, des années 1945, reprendra cette leçon de l’immersion du regard dans des toiles immenses et vers la peinture des paysages abstraits de la psyché.
Le paysage est d’abord hostile par le fait barbare ou de l’entre-dévoration naturelle. Mais, tout le projet américain contenu dans cette peinture est de restituer son rôle bienveillant, pré-culturel ou post-culturel comme on voudra, à cette nature primitive. Et c’est le projet des dispositifs des Disneylands, qui s’attachent à reconstituer une nature traversée par des animaux robotisés et factices jusqu’à la docilité servile, c’est-à-dire artificielle ou hyperréaliste selon les mots de Umberto Eco. Cette programmatique idéologique est en germe dans le projet de la Hudson River. Conquérir l’univers sauvage pour y réinstaller le culte du monde parfait qui fait sa parade à heures fixes et fermes, pour ne pas rater les repas des prières dans la cantine de la multinationale à l’enseigne du clown grimé.
Certainement, autour de cette Hudson River School, on y discerne les influences du premier Constable qui fut le créateur de l’art des paysages, aussi de l’Ecole de Barbizon ou l’Ecole de 1830. Et on y trouve encore la persistance de l’influence du meilleur Millet, c’est-à-dire de ses années picturales qu’on a nommées « la période visionnaire ». Quand il ajoutait des effets luministes si puissants et évocateurs, qu’ils signifiaient quelque présence de l’esprit allié aux jouissances sensuelles. Des effets et sentiments en tous points semblables à l’esprit qui nous visite et qui nous traverse, quand nous sommes devant un paysage infini qui nous dépasse et que nul meilleur peintre ne saurait le saisir ou le peindre... sans rivaliser aussitôt avec Dieu lui-même.
Demian West
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