La surprise n'était pas dans la déclaration de Jacques Chirac, qu'il renonçait à solliciter les suffrages des Français pour un nouveau mandat. Non plus que les divers aspects de son discours tentaient d'élever le moment sensible à des hauteurs presque idéales ou même très éthiques. Ce qu'il réussit assez avec un certain panache de sincérité, tant il usait d'emblée et tout du long du propos d'une savante déclinaison des termes qu'on dirait "amoureux" de la France et des Français. Car, c'est bien le message qui était porté par son allocution, en forme d'annonce de son amour définitif de la France qu'il allait vraisemblablement porter vers un destin plus européen, pour y représenter la France afin qu'elle puisse sauvegarder son modèle culturel.
Mais, venons-en à des viandes plus solides en ces temps d'élections chaudes. En effet, Jacques Chirac n'est pas intervenu pour faire épaule à Nicolas Sarkozy. Ni directement, ni à mots couverts. Tout juste s'est-il promis de faire état de son choix dans les jours qui viennent. Pour autant, il nous est permis de noter que s'il comptait incliner l'opinion pour Sarkozy, il ne paraissait pas si empressé d'y venir. Certes, nul n'a oublié la tradition de trahison et de coups-bas entre les deux hommes. Depuis que Sarkozy avait choisi Balladur pour se faire échec à lui-même en 1995. Aussi dit-on que les vieux pachydermes ont la mémoire bien accrochée au coeur, lequel et pour le coup pourrait bien battre au centre. S'il était question d'une quelconque revanche.
A la vérité, nous avons bien entendu l'appel de Jacques Chirac à l'Union et à la cohérence. Aussi, il sut dire son rejet le plus vif des extrémismes et contre le racisme, et enfin contre le libéralisme qui favorise la misère partout dans le monde. D'une certaine façon, la cohérence voudrait qu'il hésite, à tout le moins, entre le Centre et son candidat plus natif de la droite, soit celui de l'UMP. Mais, ce sont bien des valeurs propres au Centre de Bayrou que le Président Jacques Chirac à mis en lien dans son discours d'adieu. Autrement dit, la situation semble plus équivoque encore et incertaine, pour qui voudrait aisément désigner le candidat qui serait le plus favorisé, et par les sondages qui viennent de mettre à nouveau tout le monde sur la ligne du départ et si près du but. Aussi, pour qui voudrait dire le candidat qui serait le plus favorisé par Chirac soi-même.
La retenue du Président pourrait signifier soit un prochain soutien à Sarkozy, mais dont il voudrait le dire d'une façon plus intimiste et moins solennelle. Soit, saurait-il laisser à Bayrou sa chance qu'il progresse encore plus avant dans cette union nationale qu'il entreprend, jour après jour. Et qu'il la constitue en fédérant déjà une autre candidate Corinne Lepage. Aussi, la retenue de Jacques Chirac pourrait-elle anticiper une mauvaise nouvelle pour Sarkozy. Comme si Chirac voulait lui éviter un affront un peu trop visible le jour de ses adieux aux Français. Toujours est-il qu'à midi où culmine la belle Ferrari singulièrement magnétique sur Canal Plus, on vit son petit sourire blond écosser littéralement un Sarkozy très ému et pour le moins inquiété par ce silence du Président qui n'annonce rien de si enthousiaste pour le candidat Sarkozy. Par le fait même de l'évitement présidentiel, qui est déjà une forme d'affront ou de petite fin de non-recevoir si l'on voulait être objectif.
Finalement, Jacques Chirac, et par le choix de ses termes plus aimantés, a-t-il bien manifesté que l'élection du Président de la République, puis le lien qui s'établit entre ce Président et les Français est une matière mystérieuse de l'affect sinon de l'amour. Et donc, que les Français choisissent avec leur coeur et non avec des raisons de stratégies toutes tendues vers le pouvoir. Nous dirions que le portrait du meilleur candidat qu'il nous donnait à entendre fut celui de Bayrou. Mais Chirac saura-t-il être fidèle à cette conception ? A l'inverse, les intérêts de clan sauront-ils, dès le lendemain de l'allocution, redresser ce lyrisme présidentiel au profit de la politique dure qui oeuvre uniquement à sa survie par toutes langues de bois.
Le Président n'a pas encore tout dit, et il exprimera son choix dans quelque jour plus favorable, comme s'il voulait enseigner quelque patience du sage à son successeur, qui ne serait pas forcément désigné même s'il était désigné...
Demian West
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