Thursday, March 22, 2007

Sculpter le Cinquième Pouvoir



Au XIXè siècle, l’art réaliste ou naturaliste était appelé "ce qui est nouveau". C’est ainsi que les critiques d’art nommaient les oeuvres des impressionnistes. Car elles tournaient le dos à l’Antiquité pour donner à voir des paysages naturels puis urbains de leur siècle en des figures de la modernité.

Cette exigence de la nouveauté s’est étendue comme une tradition du scandale ou de la provocation, qui rappelle toujours qu’il faut rompre avec le passé pour bien comprendre les images de son époque, soit du présent. Aujourd’hui, à l’instar du cinéma qui est reconnu l’art du XXè siècle, l’internet commence à s’espacer depuis la fin du siècle dernier, avant de devenir l’art du XXIè siècle. Qui en douterait encore, quand on mesure les applications qui se mettent en oeuvre chaque mois, toutes les semaines, puis chaque jour.

Toutefois, l’internet n’est pas un art, mais un champ d’expression des arts qui en seront transformés, avant que d’autres formes d’arts surviennent. La musique, la peinture et le cinéma, plus encore la littérature passeront, dans tous les sens de l’expression, à une vitesse supérieure. Aussi, les formes traditionnelles de ces expressions seront-elles modifiées par une nouvelle synthèse des arts, que Kandinsky avait prophétisée puis mise en germe d’enseignement dans le Bauhaus de Gropius.

Au XXIè siècle, le texte et l’image, puis la pensée seront au vif comme mouvants. Et cette nouvelle unité des arts sera testée à chaque occurence, lorsque chaque publication sera modifiée par des citoyens qui la sculpteront donc à leur tour. Selon les principes dadaïstes de Marcel Duchamp : Que le regardeur achève l’oeuvre au sens aristotélicien. C’est-à-dire que celui, à qui l’oeuvre est destinée, pourra la modifier par la critique. Et que cette critique soit justifiée ou non.

C’est ainsi que nous allons vite, vers la réalisation d’une conception inouïe que Jospeh Beuys avait énoncée en 1972. Que chaque homme serait potentiellement un artiste dans la société post-industrielle ou dans la société internétique. Beuys fut un grand artiste du happening, et le plus grand théoricien des arts européen de l’après-guerre, et il était cette figure symétrique à Andy Warhol aux Etats-Unis. Enfin, cette affirmation beusyenne d’une nouvelle citoyenneté amène des conséquences sociales comme des nouveautés politiques.

Car cette mouvance artistique ou conceptuelle a su créer le concept d’"art élargi" qui intégre à l’art toutes sortes d’activités humaines, comme elle seraient des manifestations de l’art en tant que la vie-même serait une oeuvre d’art en-soi. Un peu dans la ligne de force des artistes romantiques qui ratèrent leur existence sociale pour accomplir leur destin légendaire. Cette école de pensée veut réenchanter la vie et donc tout le théâtre social pour étendre des modes de vie qui favorisent le développement de chaque individu.

C’est pourquoi, Jospeh Beuys est intervenu dans le champ politique, comme une nécessité artistique de l’art contemporain qui est traditionnellement transformateur des schémas et des comportements sociaux. Par exemple, les avant-gardes du début du XXè siècle ont libéré les moeurs et les expressions de toutes natures sociales. Par des comportements artistiques provocateurs qui ont osé transgresser les interdits qui ferraient toute la société qui s’en était suicidée en 1914.

Dans les années 60, les mouvements beat et hippies puis les situationnistes ont mis en oeuvre une sorte de conflit social permanent à vocation de rompre l’ordre bourgeois international. Ces manifestations et praxis qui parviennent à modifier en de vastes échelles les comportements sociaux sont appelées dans la terminologie beusyenne : la sculpture sociale. C’est-à-dire que le citoyen ou l’artiste sinon l’homme politique se sont réalisés, après le mitan du XXè siècle, en une sorte de créateurs qui ont conscience de sculpter le corps social. Sur le modèle des grandes manifestations de la Révolution Française, dans lesquelles les citoyens concevaient des oeuvres de l’art collectif ou social. Ainsi, pendant des fêtes de la liberté, ou durant le transfert des cendres de Rousseau, les cortèges de citoyens se mettaient en rôles puis en des scènes vivantes comme des oeuvres d’un art nouveau.

Aussi, à notre époque, ces manifestations prennent-elles les voies des flux plus internétiques. Et c’est l’événement créatif de ce début de siècle : Que l’internet a donné le pouvoir dit "cinquième" aux citoyens par le biais de l’ADSL et de la blogosphère qui permettent une action du citoyen sur tout le corps social et en des points qu’il aura choisi. Un tel enfoncera ici, tel autre là. Tant et si bien, que le Président de la République est désormais quasiment choisi sinon élu, au jour la journée. Comme si le temps s’était précipité. Car, il est un autre effet de ces nouveaux médias numériques ou informationnels-participatifs, qu’ils changent notre perception du temps.

Auparavant, nous prenions connaissance des modifications du corps social selon les échéances de la Presse qui parvenait en province des semaines après l’événement. Puis, ce fut la messe du Journal Télévisé à heure fixe. Quand vint le flash-info immédiat et souvent planétaire. Enfin aujourd’hui, la société est sculptée selon des séances qui sont ouvertes en permanence, comme si l’atelier du créateur de la politique était open. Puisque c’est chacun de nous, Citoyens qui sculptons notre corps collectif par le biais du nouvel outil et médium internétique.

Demian West

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