Ce n'est pas un simulacre ! Jean Baudrillard est mort mardi d'une longue maladie : la vie à 77 ans. On se souvient de l'élégant diseur qui emportait les arguments en des cercles sans fins, parce qu'on sentait bien qu'il aimait retrouver les signes et les odeurs des mots. Il était le théoricien des simulacres. En errance d'idéologies politiques, que celles-ci fussent maoïste, marxiste-léniniste, trotskiste, capitaliste et droitière libérale : il cherchait à les dépasser toutes par leurs détails qui tuent. Et elles en abondaient tout du long du vingtième siècle.
Ce professeur d'allemand avait pourtant traduit Marx et Engels, ce qui est une grasse viande avec quelques vieux os dedans et du nerf retors. Et donc était-il un de ceux qui les avaient vraiment lus. Tout comme il avait lu Guy Debord, puisque toute son oeuvre en est une suite d'une dialectique si insaisissable comme une pensée devenue le plus vif poisson fluant dans l'eau médiatique. Si l'on voulait dire en quelques mots furtifs sa philosophie de la sociologie contemporaine, on dirait naturellement qu'elle fut de tout réduire aisément à l'étude des signes capitalisés puis démonétisés qui savent vider ou néantiser la réalité de notre monde en des simulacres : son maître-mot. Les simulacres dont les ultimes aveux ob-scènes furent la guerre du Koweït ou guerre du Golfe qui "n'a pas eu lieu" selon Baudrillard. Car, elle était empreinte des effets de la scène contemporaine, soit entre-tissée par les médias uniquement.
Durant les années 80 et 90, Baudrillard s'espaça en un penseur international, assez dandy provocateur de paradoxes. Si bien qu'il fut souvent maltraité de "réactionnaire", bien qu'il fut le plus post-situationniste. Il acheva son discours très-dansant par une ultime provocation, quand il avoua que le 11 septembre était probablement une sorte de fantasme très partagé dans le monde entier, ainsi qu'un passage à l'acte d'anti-américanisme. Et même, dira-t-il que jamais on n'élucidera entièrement cet événement en ses origines réelles. Puisque ce serait un désir commun social et profond, que les raisons du crash du WTC ne soient jamais élucidées. Des propos inachevés qui dérangent encore après que le philosophe nous aura quitté à son maître-instant.
Jean Baudrillard paraissait en homme fugace comme la pensée qui ne savait jamais prendre le même chemin pour dire les concepts rares. Si bien qu'on se souviendra de lui comme d'un passant abordable, tel qu'on pense un vrai philosophe de la maïeutique socratique. Le passant qui a su penser les médias en images dans un monde en devenir média lui-même. Il fut ce granditeux d'une voix très douce qui savait accompagner les plus troublants paradoxes, qu'il ne voyait point comme des apparences conflictuelles, mais en des vérités sociologiques offertes à son regard : du photographe qu'il était aussi paraventure de ses voyages.
Demian West
No comments:
Post a Comment