Sunday, January 06, 2008
Première amende du fumeur résistant
En France, la première sanction contre un fumeur, et contre le café qui l'aurait incité à fumer vient de frapper à la Une. En effet, vendredi soir à Lyon et au Café 203, la police est entrée sur le pied d'une vingtaine d'individus résolus, pour scotcher genre épingler au mur des papillons amendés, un fumeur qui traînait au zinc et le patron lui-même qui paiera plus cher encore.
C'est la nouvelle formule de loi ! Et qu'elle est désormais appliquée sans pitié ni passe-droit, non plus que d'une allumette qui craquerait un peu d'humour. On va le voir de ce pied-là. Car ce café 203 se prétend en pleine mission de résistance au "law and order" trop contraignant. Et le boss l'avait annoncé publiquement, dans les jours qui ont précédé le fatal et très éteint 2 janvier 2008, quand il fallut l'écraser amèrement et sur-le-champ jonché de mégots morts.
Pour certains, c'est une libération et contre eux-mêmes. Car on voit bien dans les cafés parisiens que l'atmosphère est plutôt conviviale et réjouie. On y sent même de douces odeurs de cuisines des recettes de grand-mère retrouvées. Aussi, des personnes accompagnées d'enfants vont au café comme on va dans les salons de thé d'Alsace ou de Suisse, si propres en ordre que presque au sana.
C'est même grand merveille de constater combien les fumeurs se sont pliés à leur libération du vice le plus douloureux et réjouissant dans le même temps. Et pour la fin inéluctable que l'on sait dans la chambre des radios époumonées si constellées de taches macabrées.
Pourtant, le patron du Café 203 à Lyon ne prétend pas moins que d'agir dans un processus artistique et sur le mode de la délinquance. He oui ! Vous avez bien lu le fumeux argument pis encore enfumé qui exhumerait Baudelaire et Joseph Beuys pour faire l'accroche au bar-tabac. Le caïd contrevenant est un subtil genre malin qui vient de se découvrir quelque vocation artistique, et sur le tard qui frise l'imposture. Il a pris des photos des mégots dans les cendriers pour en coller des tirages au fond des cendriers, qu'il pose sur les tables et partout presque aux murs. Il faut reconnaître que ça c'est de la maxima résistance aux envahisseurs teutoniques, ou nous aurions perdu toute notion de l'histoire de la résistance par le duetto Bourvil et De Funès.
On sent bien que notre homme a tout saisi de la licence qui est accordée aux artistes dans nos sociétés ouvertes. Mais, il oublie qu'être artiste, et qu'agir dans cet espace de licence libertaire, est une vocation de naissance, c'est-à-dire une identité qui s'affirme très tôt pour être parfois confortée par des études ès arts. Puis, par une pratique difficile et souvent au prix de grandes misères ajoutées d'une liberté qui n'est pas moins grande.
En d'autres termes, la vie de bohème ne fait pas de commerce comme on en fait dans le Café 203. On y confond le business avec la résistance, et on y confond la délinquance avec l'art. Et finalement, plutôt qu'une oeuvre in progress voire in situ, on pratiquerait plutôt le marché noir ou gris, dans ce café qui nous la joue à la libanaise des guérillas urbaines franchement déplacées. A l'artiste de payer l'amende pour le prix de son oeuvre qui ne résistera pas longtemps au brouillard du temps ni à ses intempéries administratives.
Demian West
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