Ce qu'il est convenu d'appeler l'art contemporain, est l'art, au sens étendu à tous les arts plastiques, et depuis les années post-1945. C'est-à-dire que cette notion recouvre, selon les acteurs de cette discipline, des arts qui étaient auparavant considérés comme séparés : la danse, l'écriture, la poésie, la musique, le théâtre, les événements média, etc.
C'est donc une mouvance espacée à tout l'espace social, jusqu'à ce qu'elle devint superposable en tous points à la carte même de cette société, qui s'étend elle-même dans les neufs média et espaces de l'internet.
Depuis le XIXè siècle, la critique de l'art lui-même fut étendue et intégrée dans les arts, par le concept de critique créatrice selon Baudelaire. Lequel critiquait l'art et les artistes exposés dans son temps, mais poétiquement et en revendiquant le parti-pris personnel qu'il pensait forcément créateur. Par ainsi, on considéra même que Baudelaire avait créé, en quelque sorte, le peintre Delacroix, en tant qu'il le consacra par-devant toute la scène et le théâtre parisien, donc mondial à l'époque.
Plus tard, les artistes plasticiens prirent-ils ce ton des avant-gardes créatrices, et donc sur le mode critique des arts et de la société. Les dadaïstes et le plus grand d'entre-eux, Marcel Duchamp, tinrent et tant qu'ils le purent ce ton critique et caustique soit : provocateur. Lequel était réputé : le seul acide apte à dissoudre les noeuds qui sclérosent naturellement la société dans ces ordres moraux, qui souvent servent les pouvoirs et institutions, plutôt qu'ils serviraient une quelconque morale du sentiment. N'oublions pas qu'à Rome, l'Imperator était personnellement garant des moeurs.
D'ailleurs Adorno a bien établi que tous les arts, quels qu'ils soient, et lorsqu'ils seraient reconnus à une vaste échelle publique, serviraient immanquablement le pouvoir en place, par ses divers modes de récupérations des contre-cultures. Aussi, le Salon des Refusés, au XIXè siècle, fut-il bien visité et très-apprécié par le plus haut pouvoir, qui aimait à s'y encanailler, comme il convient à la société bourgeoise. Depuis, toutes les avant-gardes ont-elles été fréquentées et de très près par ces pouvoirs, mais sous couvert de provocations délicieuses, et par les élites les plus averties : comme le plus remarquable exemple pompidolien l'atteste.
Par ailleurs, l'image de l'artiste maudit est un mythe qui a été entrenu par ces pouvoirs eux-mêmes, et avec l'assentiment enthousiaste du public : car il reste tout raffolé de ce spectacle consolatoire de la vision du plus misérable que lui-même.
Il reste que Van Gogh ne vivait pas dans une misère, qu'il ne l'avait choisie au préalable, comme il décidait d'entrer à l'asile sans y avoir jamais été contraint. Son frère Théo, qui était marchand de tableaux, lui fournissait toutes choses dont il avait besoin : les meilleurs pigments pour l'époque et tout du reste pour vivre. Van Gogh n'eut-il donc jamais besoin de vendre une seule toile : et la légende dira aisément qu'il ne vendit aucun tableau, et pour la seule cause que nous venons de dire. Un autre considérable : Picasso était couvé par des marchands les plus assurés de son succès puisqu'ils le firent, et dès ses débuts. En revanche, sa toile la plus révolutionnaire "Les Demoiselles d'Avignon" choqua tellement qu'elle fit scandale : non-pas publiquement, mais dès son exposition dans son atelier même, et donc par le choix délibéré de Picasso.
C'est depuis cette époque du début du XXè siècle, que l'art devint résolument une machine à troubler, une mécanique pour choquer ou une fabrique à déranger l'ordre établi, et non jamais pour seulement distraire : car sa vocation fut bien de transformer tout l'espace social et les échanges qui s'y produisent.
Mieux encore : la raison de cette vocation en est bien-antérieure. Car elle vient à droit fil des temps révolutionnaires, quand la religion tomba et Dieu avec elle. Par ainsi, dès 1789, il fallut vite trouver une nouvelle science ou une neuve pratique qui sut développer, ou homologuer les imaginaires et les idéaux mystiques ou spirituels dont l'Humanité ne saurait se passer. Il fallait donc remplacer la Religion. Etant entendu que la sexualité ou la sensualité devait y être intégrée -- comme elle le fut tantôt dans la religion et par l'art, dont certaines saintes de marbres exposent encore des extases marmoréennes qui relèvent de la pâmoison sexuelle, jusqu'au scandale qui mouilla sérieusement Le Bernin, en son temps plus propice aux feux de la contre-réforme.
Ce furent donc les arts plastiques qui devinrent cette nouvelle Athène ou cette neuve Ecole de la mystique, mais sans Dieu ou irreligieuse. Et le romantisme devint la nouvelle forme des espérances religieuses : parquoi, l'artiste individuel devint une sorte de prophète christique mais sensuel. On pense à Gauguin se représentant en Christ, comme Dürer le fit en son temps. La raison en fut que le génie était considéré comme le seul "ailleurs" (bientôt rimbaldien) encore inspirateur des paradis à venir ou des rédemptions et des réconciliations en des neufs songes apocalyptiques.
C'est pourquoi, quand chaque grande ville et capitale devait construire sa cathédrale depuis les temps médiévaux, on y remplaça vite ce goût ancien pour yconstruire, avec autant de ferveur et de majesté, les nouveaux Musées des Arts et Contemporains au centre des mégalopoles.
Désormais, on y va, dans ces salles pour y être transporté vers des interdits qui choquent, comme si l'on soulevait le voile du temple, pour y voir le saint des saints, des interdits non-plus bibliques mais plutôt babyloniques. Car on s'y trouve naturellement plus prompte à y célébrer les charnelles Venus ou Astharté, dont les almées ou danseuses orientales savantes savent dissoudre les plus austères pères-la-pudeur, qui y succombent chaque fois. Puisque c'est le jeu de cet art suprême qui est la nouvelle religion de l'Humanité : comme une magie des illusions des concepts eux-mêmes et des éthiques à-rebours.
Enfin, tout ceci pour dire que le vrai Art, qui est le maître des illusions et des pièges savants, sait se rendre coupable à celle fin de démasquer ses propres accusateurs. Et, il est utile de dire que si l'on voulait comprendre les processus et les raisons de l'art, il ne faudrait jamais en sous-estimer les très-haut buts et destins et démarches subtils. En le méjugeant par exemple. Car, sitôt vous y seriez pris vous-mêmes dans ses rets mystérieux et piègeurs du sage qui vous dit, quand il vous choque : "tu as jugé et tu as été pris en défaut" ..."ne juge jamais pour ne point être jugé toi-même".
Ce qui est probablement la suprême sagesse des peuples paisibles qui font les vertus citoyennes et donc humaines.
Demian West
C'est donc une mouvance espacée à tout l'espace social, jusqu'à ce qu'elle devint superposable en tous points à la carte même de cette société, qui s'étend elle-même dans les neufs média et espaces de l'internet.
Depuis le XIXè siècle, la critique de l'art lui-même fut étendue et intégrée dans les arts, par le concept de critique créatrice selon Baudelaire. Lequel critiquait l'art et les artistes exposés dans son temps, mais poétiquement et en revendiquant le parti-pris personnel qu'il pensait forcément créateur. Par ainsi, on considéra même que Baudelaire avait créé, en quelque sorte, le peintre Delacroix, en tant qu'il le consacra par-devant toute la scène et le théâtre parisien, donc mondial à l'époque.
Plus tard, les artistes plasticiens prirent-ils ce ton des avant-gardes créatrices, et donc sur le mode critique des arts et de la société. Les dadaïstes et le plus grand d'entre-eux, Marcel Duchamp, tinrent et tant qu'ils le purent ce ton critique et caustique soit : provocateur. Lequel était réputé : le seul acide apte à dissoudre les noeuds qui sclérosent naturellement la société dans ces ordres moraux, qui souvent servent les pouvoirs et institutions, plutôt qu'ils serviraient une quelconque morale du sentiment. N'oublions pas qu'à Rome, l'Imperator était personnellement garant des moeurs.
D'ailleurs Adorno a bien établi que tous les arts, quels qu'ils soient, et lorsqu'ils seraient reconnus à une vaste échelle publique, serviraient immanquablement le pouvoir en place, par ses divers modes de récupérations des contre-cultures. Aussi, le Salon des Refusés, au XIXè siècle, fut-il bien visité et très-apprécié par le plus haut pouvoir, qui aimait à s'y encanailler, comme il convient à la société bourgeoise. Depuis, toutes les avant-gardes ont-elles été fréquentées et de très près par ces pouvoirs, mais sous couvert de provocations délicieuses, et par les élites les plus averties : comme le plus remarquable exemple pompidolien l'atteste.
Par ailleurs, l'image de l'artiste maudit est un mythe qui a été entrenu par ces pouvoirs eux-mêmes, et avec l'assentiment enthousiaste du public : car il reste tout raffolé de ce spectacle consolatoire de la vision du plus misérable que lui-même.
Il reste que Van Gogh ne vivait pas dans une misère, qu'il ne l'avait choisie au préalable, comme il décidait d'entrer à l'asile sans y avoir jamais été contraint. Son frère Théo, qui était marchand de tableaux, lui fournissait toutes choses dont il avait besoin : les meilleurs pigments pour l'époque et tout du reste pour vivre. Van Gogh n'eut-il donc jamais besoin de vendre une seule toile : et la légende dira aisément qu'il ne vendit aucun tableau, et pour la seule cause que nous venons de dire. Un autre considérable : Picasso était couvé par des marchands les plus assurés de son succès puisqu'ils le firent, et dès ses débuts. En revanche, sa toile la plus révolutionnaire "Les Demoiselles d'Avignon" choqua tellement qu'elle fit scandale : non-pas publiquement, mais dès son exposition dans son atelier même, et donc par le choix délibéré de Picasso.
C'est depuis cette époque du début du XXè siècle, que l'art devint résolument une machine à troubler, une mécanique pour choquer ou une fabrique à déranger l'ordre établi, et non jamais pour seulement distraire : car sa vocation fut bien de transformer tout l'espace social et les échanges qui s'y produisent.
Mieux encore : la raison de cette vocation en est bien-antérieure. Car elle vient à droit fil des temps révolutionnaires, quand la religion tomba et Dieu avec elle. Par ainsi, dès 1789, il fallut vite trouver une nouvelle science ou une neuve pratique qui sut développer, ou homologuer les imaginaires et les idéaux mystiques ou spirituels dont l'Humanité ne saurait se passer. Il fallait donc remplacer la Religion. Etant entendu que la sexualité ou la sensualité devait y être intégrée -- comme elle le fut tantôt dans la religion et par l'art, dont certaines saintes de marbres exposent encore des extases marmoréennes qui relèvent de la pâmoison sexuelle, jusqu'au scandale qui mouilla sérieusement Le Bernin, en son temps plus propice aux feux de la contre-réforme.
Ce furent donc les arts plastiques qui devinrent cette nouvelle Athène ou cette neuve Ecole de la mystique, mais sans Dieu ou irreligieuse. Et le romantisme devint la nouvelle forme des espérances religieuses : parquoi, l'artiste individuel devint une sorte de prophète christique mais sensuel. On pense à Gauguin se représentant en Christ, comme Dürer le fit en son temps. La raison en fut que le génie était considéré comme le seul "ailleurs" (bientôt rimbaldien) encore inspirateur des paradis à venir ou des rédemptions et des réconciliations en des neufs songes apocalyptiques.
C'est pourquoi, quand chaque grande ville et capitale devait construire sa cathédrale depuis les temps médiévaux, on y remplaça vite ce goût ancien pour yconstruire, avec autant de ferveur et de majesté, les nouveaux Musées des Arts et Contemporains au centre des mégalopoles.
Désormais, on y va, dans ces salles pour y être transporté vers des interdits qui choquent, comme si l'on soulevait le voile du temple, pour y voir le saint des saints, des interdits non-plus bibliques mais plutôt babyloniques. Car on s'y trouve naturellement plus prompte à y célébrer les charnelles Venus ou Astharté, dont les almées ou danseuses orientales savantes savent dissoudre les plus austères pères-la-pudeur, qui y succombent chaque fois. Puisque c'est le jeu de cet art suprême qui est la nouvelle religion de l'Humanité : comme une magie des illusions des concepts eux-mêmes et des éthiques à-rebours.
Enfin, tout ceci pour dire que le vrai Art, qui est le maître des illusions et des pièges savants, sait se rendre coupable à celle fin de démasquer ses propres accusateurs. Et, il est utile de dire que si l'on voulait comprendre les processus et les raisons de l'art, il ne faudrait jamais en sous-estimer les très-haut buts et destins et démarches subtils. En le méjugeant par exemple. Car, sitôt vous y seriez pris vous-mêmes dans ses rets mystérieux et piègeurs du sage qui vous dit, quand il vous choque : "tu as jugé et tu as été pris en défaut" ..."ne juge jamais pour ne point être jugé toi-même".
Ce qui est probablement la suprême sagesse des peuples paisibles qui font les vertus citoyennes et donc humaines.
Demian West
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