La grande question qui s'impose à chacun immergé dans le flot des informations contemporaines est de savoir comment se créer une pensée vraiment personnelle. C'est-à-dire qu'elle ne serait pas guidée ni dictée par des grandes masses de l'opinion toute-faite.
Certes, pour se construire en société et pour y être intégré, il faut correspondre à des programmes culturels ou à des savoir-faire, qui nous apportent un métier et une façon de trouver notre subsistance. Le passage-à-bac et l'université font des petits soldats, qui font finalement corps avec leur discipline, et c'est d'abord une bonne chose. Puisque ceci induit forcément un abandon de la position trop-personnelle, qui souvent paraît une paresse qui se complaît dans l'ignorance. La culture, c'est se construire et adopter des modes de vies, aussi se tourner vers les autres et devenir un autre soi-même.
Toutefois, quand on fait corps avec sa discipline, on finit par ne plus penser qu'en des briques assemblées au préalable. Et assez bêtement, on répète ses connaissances tout du long des décennies, même quand le savoir a changé. C'est qu'on y tient au savoir appris, car on se rend vite compte qu'il est la colonne vertébrale de notre autorité, sans laquelle, nous devrions à nouveau nous battre comme les fauves au plein de la jungle du réel du Marché.
Pis encore, on finit un jour subit par devoir défendre ce savoir acquis contre toute la neuve science des jeunes, qui ont cette insolence d'en savoir plus, parce qu'ils sont nés de la saison et donc bien après nous. Ils savent leur temps, quand nous ne le connaissons qu'au-travers des livres anciens, qui le prophétisaient en des images d'Epinal si ridicules que mensongères et effacées.
En d'autres termes, s'accrocher à son savoir et à ses postes acquis : c'est vitement contredire tous ses idéaux premiers dès la première poudre avec les temps nouveaux. Les exemples sont nombreux : la gauche française qui s'est suicidée par le recours à la corruption quand elle était au pouvoir et après ; aussi, la valse des acteurs célèbres qu'on jette dans le fleuve de l'oubli et qu'ils reviennent en gloire avec de belles cicatrices filmiques, comme un Gérard Lanvin ; les films qu'on dit des nanars et qu'on méprise pendant dix ou vingt ans et qu'ils deviennent cultes, à l'instar du cinoche d'Audiard ou de Bourvil-Le Funès et les Fernandelleries ; encore, les journalistes qui diffusent de grands courants de pensée pré-digérée par le frèro du Clown MacDo sur le mode gauchiste-très gauche "tout-sauf-Sarko", qui installent finalement Sarkozy pour dix ans.
C'est le paradoxe : plus on voit une idée diffusée et répétée à l'envi dans les mainstream médias, et plus l'homme normal de la foule y trouve quelque collectivisme de la débilité, qui s'entremime comme le feraient les singes ; lesquels sont probablement plus intelligents que ça, car ils ne nous imitent pas encore sur ce point.
C'est forcément louche ! quand on se croit bien-inscrit dans une belle pensée et qu'elle correspond en tous points à la pensée formelle d'un appareil politique ou scientifique, et pis encore quand il s'agirait d'un appareil artistique. Par exemple, ceux, qui ont inventé l'art abstrait, on réellement fait avancer les arts. Mais ceux qui les suivirent, et qu'ils voulurent faire montre d'un tel zèle qu'ils décidèrent de ruiner tout l'art préalable et réaliste, étaient plus des vandales que des amants de l'art. Quelle pauvre idée aurait-on d'aller visiter un musée dont toutes les oeuvres seraient une même toile répétée infiniment, sur quelques modulations pour faire série et pour la forme ? ou que diraient les visiteurs devant des cimaises composées de deux toiles répétées sans fin sur le mode misérablement schismatique : les "pour" et les "contre".
-- : "De la daube !"
Quand dans les musées, chaque toile est différente et unique, irremplaçable et qu'on ne peut jamais la superposer aux autres. Tout le registre va du plus profond bordel buissonnant et tantôt obscur, vers les éclats lumineux des l'indéfinissables suprêmes et mystérieux, jamais certains. Tout comme l'esprit dedans et autour chaque individu, et serait-il le plus méconnu et misérable.
C'est la leçon de liberté que nous disent ces oeuvres, et que les autorités en chargent de nos pensées collectives ne savent plus nous la dire. A moins que ces instances n'aient jamais voulu trop les dire, et pour cause, hormis dans quelques rares chapelles des universités cachées du Monde.
Il est quelque chose dans l'individu qui reste immanquablement rétif à tous ces donneurs d'ordre de la pensée. Et c'est dans ce sanctuaire rebelle, que se trouve le vrai noyau de notre liberté individuelle, et la clé de nos comportements les plus favorables à notre destin : Quand nous nous affranchissons de la pensée commune, et que par ce biais heureux, nous ne sommes plus mus par des fils et manoeuvres. Et finalement, que nous vivons notre vie intensément, plus qu'elle serait vécue par d'autres qui nous dirigeaient par la force fabriquée de leur pensée qui n'est pas la nôtre : "qui n'est pas la mienne".
Demian West
Sunday, January 11, 2009
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