Friday, May 25, 2007

L'Ecole des Bords de l'Oise

Jusqu’au 16 septembre 2007, le musée d’art et d’histoire Louis Senlecq de l’Isle-Adam présente la plus importante rétrospective du peintre paysager Jules Dupré. Autant dire que cette manifestation appelle les plus fervents amateurs des paysages de la vallée des bords de l’Oise. Et dans des lieux où vécurent le grand Daubigny puis Théodore Rousseau. Et enfin Van Gogh soi-même à Auvers-sur-Oise, où l’on présente, au château, une exposition corollaire sur la naissance de la société de loisirs et des bateliers et canotiers, autour des impressionnistes.

On le sait, Daubigny fut le premier peintre à naviguer pour peindre sur l’Oise, dans son bateau-atelier dit "le botin". Il eut un plus fervent disciple en l’artiste Claude Monet qui usa de la même technique batelière pour approcher et prendre au piège pictural les couchers de soleil sur l’eau et tous reflets d’argent rares du matin. Aussi, Daubigny était un ami fidèle de Dupré qui s’installa sur les bords de l’Oise, après son voyage en Angleterre en pays de Turner. Ce furent des voyages et des influences qui formèrent tout autant Monet. Comme auparavant, le Grand Tour en Italie formait les connaisseurs du XVIIe siècle, dont Corot le dernier des Classiques. On le voit, ces points communs ont tissé une ligne de force de la nouvelle peinture de paysage, entre 1830 et jusqu’à la fin du XIXe siècle. Depuis, l’Angleterre et les Pays flamands vers l’Oise, puis de descendre vers Barbizon. Où Corot, Rousseau et Dupré s’installèrent en Seine-et-Marne pour y fonder avec Millet l’Ecole de Barbizon des paysagistes naturalistes. Ils connurent tous la consécration universelle dès la seconde moitié du XIXe siècle.

Toutefois, c’est à Auvers-sur-Oise que Van Gogh s’éprit de la peinture de Dupré, qui a donc sa part majeure dans la surhumanité du génie visionnaire de Vincent. Et, à voir les oeuvres de Jules Dupré, on ne s’étonne guère de l’effet créateur que son sentiment de la nature avait su dégager et transmettre par ses tableaux pleins d’une fraîcheur aquarellée. Mais chargée aussi des matières puissantes de l’artiste sûr et délicat. Pour qualifier son oeuvre, on parle aisément de "portraits de paysages". Tellement on y sent des vapeurs psychologiques immenses jetées derrière l’horizon. C’est du bon travail de peintre qui entend la nature et qui la restitue en y ajoutant, à pleine toile, son sentiment intime de la nature.

Cette exposition rassemble tant de vues et de merveilles insoupçonnées que l’idée d’une "Ecole des bords de l’Oise" s’est imposée. Et c’est donc l’apport de cet événement à l’histoire de l’art. Vrai, Dupré fut un artiste discret dont on commence à mesurer, plus amplement, l’importance dans le courant de l’école française du paysage au XIXe siècle. Avec Troyon, Rousseau ou Diaz de la Pena et d’autres, ils incarnent des blocs et piliers vifs du patrimoine culturel de l’Ile-de-France et plus encore : du plus beau pays de la France définitive. Car, dans cet arc entre l’Oise et la Seine-et-Marne, on vit s’espacer tout ce qui fit le plus grand genre de la peinture de paysage. A la suite de l’Anglais Constable qui fut le créateur du genre. Puisque, durant le XIXe siècle, on passa du grand genre de la peinture d’Histoire à l’hégémonie de la peinture de paysage. Comme la nouvelle expression majeure des vertus et de la noblesse du sentiment humain. Ce fut une sorte de premier mouvement écologiste qui montait en réaction à l’avénement de la société capitaliste et industrielle.

Dans l’exposition, joints à la centaine de tableaux de Dupré, on verra des oeuvres de Rousseau et de Corot et jusqu’à Vlaminck qui achèvent le désir de peinture paysagiste du visiteur le plus affamé. Et dans les belles salles du château d’Auvers-sur-Oise, la suite de l’exposition s’espacera en une charmante virée entre Oise et Marne dans la guinguette du meilleur cinéma des années 1930, avec Gabin et sa "Belle Equipe".

Ensuite, on ira voir la fameuse "Maison du pendu" peinte par Cézanne, (un "pendu" qui était plutôt un Breton qui se nommait Pen Du). Enfin, il est toujours troublant de monter l’escalier vers la chambre où Van Gogh expira, après son dernier coup du tube rouge. Et de s’attarder le regard en des détails de carrelages ou de décors, comme si rien n’avait bougé ni changé en ce lieu : ce qui est vrai.

Demian West

Exposition : "Au fil de l’Oise de Dupré à Vlaminck. Bateliers, peintres et canotiers " à l’Isle-Adam et Auvers-sur-Oise.
http://musee.ville-isle-adam.fr/index.php ?p=2


http://www.youtube.com/v/GyUiG4LRjfk

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