C'est inouï, mais le plus grand peintre des seventies françaises, Georges Mathieu n'aura pas de musée consacré à sa luxuriante splendeur, et dans sa propre ville où il vint au jour. A Boulogne-sur-Mer, ils sont âpres à la mémoire de leur patrimoine. Car c'est l'abstraction lyrique qui est reléguée dans une place du musée municipal, comme pour la ranger dans le placard des oubliés, sinon des disgraciés.
Souvenons-nous ! Mathieu fut l'importateur du plus grand expressionniste abstrait américain Jackson Pollock et son dripping terrible et shamanique, un peu teinté d'alcools profonds comme ses silences théoriques qui renvoyaient à l'essentiel de la peinture : l'objet et le geste en forme de signature.
Mathieu a fait, dans la France giscardienne, les symboles picturaux de la République des années glorieuses. Il a peint la grande fresque "Les Capétiens Partout" comme un manifeste de la synthèse des arts, et pour induire ou dire les nouvelles voies monarchiques et excessives de la France post-gaullienne.
Il a aussi dessiné la pièce de 10 francs, la plus contemporaine qu'on eût jamais espérée. Et tout ceci lui valut vitement d'être déchu aussitôt son mécène évincé par François Mitterrand, qui avait la dent dure en matière ès arts et revanches.
La malédiction des Capétiens se porte bien, car le maire (PS) Frédéric Cuvillier avait promis un musée pour accueillir les oeuvres de Mathieu laissées par donation à la ville. Et pour des raisons mystérieuses, d'un ménage crypté entre l'avocat de Georges Mathieu, Jacques Copper-Royer et les instances culturelles de la mairie de Boulogne-sur-Mer, l'affaire a pris un tel retard que l'acte notarié de donation en est devenu caduc. Et donc Mathieu qui peignait d'immenses toiles en une heure à peine, et avec de grands coups de balais pris dans les seaux de peinture, se trouve-t-il contraint dans le placard qu'on lui trouvât par aventure dans un petit musée de province. Et c'est tout, et franchement minable pour un tel prince des arts plastiques.
Il ne saurait y avoir de doute que dans quelques décennies, un historien de l'art saura retrouver ce peintre et dire son apport fondamental dans l'art européen à la mitan du XXè siècle. Mais, comme la culture française serait en net recul, à ce qu'on dit tantôt sur les glossy covers américaines, il y faudra probablement attendre quelque sursaut dans le lyrisme français au centre ville, sinon à Paris. Et pour que Mathieu trouve enfin son musée ouvert à sa reconnaissance légitime et nécessaire.
Demian West
1 comment:
En attendant une meilleur reconnaissance de ce formidable contemporrain, on ne peut qu'inviter à découvrir l'homme et l'oeuvre grace à cette remarquable ouvrage retrospectif qu'est "Mathieu 50 ans de créations", grace également à cet inoubliable film de Jean Rossif "Georges Mathieu ou la fureur d'être", fort heureusement rééditée par Yves Rescalat*
* http://georgesmathieu-themovie.com/
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