Sunday, December 28, 2008

Ce qu'il faut voir au Louvre...

Nous avons entamé cette enième visite au Louvre par l'excellente et intimiste exposition des bronzes de la Renaissance. C'était bien ! et si délicatement présenté dans des tons verts en parfait contrepoint des teintures chaudes du bronze. J'aimais particulièrement toucher ces bronzes et y repérer des entailles faites par des lames nerveuses que la soldatesque empanachée sut y laisser à force de coups portés même sur les effigies.

Cette exposition nous mena, Deila et moi, vers la grande aula des sculptures sous la grande verrière ouverte sur le soleil de décembre, qui est le plus pur au travers de l'air raréfié. Là, entre des bustes de maîtres et des philosophes barbus, on toise quelques éphèbes alanguis montrant leurs parures génésiques éployées et parfois émasculées par le coup de maillet de trop. Des visiteurs qui ont rampé depuis les antipodes dans des avions au carburant pressé comme les citrons de comités d'entreprises, se posent enfin devant des statuaires dont ils ignorent et le titre et leur auteur, juste pour honorer la photographie qui est le nouveau rite de ces lieux.

Car pour tout baptême il y faut des preuves, qu'on y était et en tenant bien à la montre le journal du jour avec le titre en gras : "Extra ! Extra ! Read all about it : Monsieur MachinChose et sa famille What'dye'callum visitent le Louvre". C'est toujours amusant de voir quelqu'un poser devant une statue mineure, quand il manque de quelques pas "La Frileuse" de Houdon ou les Carpeaux qui traînent par-là. Mais, c'est un bonheur pour Deila et moi, car nous pouvons nous y éployer et dire tout notre saoul des sujets et des techniques qui nous travaillent toute la semaine des mois et des ans.

Qui de torturer ses bronzes en des muscles animaux des fauves et des éléphants, aussi des taureaux de Barye qui savent évoquer les plus beaux athlètes surhumains d'un Michel-Ange. Qui encore de lisser ses marbres jusqu'à confondre les ailes elfiques des papillons de l'amour et psyché avec la carnation transparente du marbre, qui est la matière savante elle-même, comme des pages en papier bible et sans mots publiées par Canova ou Thorvaldsen les meilleurs néo-classiques. Lequel encore, de jeter enfin ce sourire français dans le plâtre, puis le marbre à la Carpeaux bien-inspiré par le sourire de l'ange au fond du portail gauche de la cathédrale des anges à Reims.

Gonflés d'orgueil partagé par tous ces maîtres r'assemblés dans l'aula, nous allons dans des couloirs controuvés et méandreux qui nous mettent en face du code Hammourabi. Il s'agit tout de même de la plus ancienne table de la loi qui ne rigole plus. Et c'est gravé là comme pour bien nous assener qu'avant nous et nos amours définitifs, il y avait des mondes et des tentatives dont nous sommes la pointe hallucinée. D'autant plus que le soleil, ce jour, balançait ses raies comme des hachoirs stroboscopiques du temps. Tellement, que souvent nous ne savions plus où nous étions, et dans quel temps du passé ou du futur, mais jamais du présent.

Quel privilège de passer devant et de toucher les taureaux de Khorsabad de la capitale de Sargon. Et ces princes tenant dans leurs bras d'airain des lions assujettis. Je pense aux Teutons qui découvrirent ces trésors et qu'ils imaginèrent les couleurs laquées de l'émail bleu et or recouvrant ces portes symétriques et cyclopéennes des cités babyloniques. On ne peut passer dessous sans y voir encore les détails innumérables des personnes antiques qui y vécurent. Je les vois soit mendier soit montrer leur or tissé sur leurs habits d'oiseaux emparadisés. Dans une société forcément la plus cruelle puisque r'assembleuse d'hommes.

Et ce n'est pas le plus furtif moment de ma vie, qui s'éternise du coup quand je passe cette porte au bras de la plus belle Cléopâtre des temps modernes. Les regards que nous croisons me le confirment aisément. L'aristocratie naturelle est amplifiée dans ces décors conçus pour les monarchies du coeur, quand ils sont tombés dans la république. Les grands taureaux ailés aux visages d'hommes barbus de la prêtrise signifient bien que nous sommes en pays de sacrifice. Les prêtres devaient effectuer chaque jour le Taureaubole ou sacrifice du taureau, à celle fin que le soleil se levât le lendemain. C'était la grand peur des hommes : que l'ordre cosmique soit enfreint et que le soleil restât en-dessous de la Terre. Ainsi, les artistes et prêtres avaient-ils homologué les rites ou ce théâtre pour se signifier entre-eux qu'ils étaient les auteurs de ce retour. Et d'une certaine façon, ils venaient de créer tout le bal des Dieux et du pouvoir.

Le roi était garant de l'ordre cosmique, parquoi rien ne devait changer dans l'univers et les rites devaient être conservés à l'intact pendant des millénaires. C'est ce qu'on constate quand on débouche subitement, comme perdus dans le Louvre, sur les appartements de Napoléon III et de l'art qui témoigne du pouvoir de son temps. Du grandiose comme seul le XIXème siècle sait en jeter en débord de ce que nous pouvons supporter. C'est le gavage des ors et des tissus de pourpre fleurie, des meubles romains de l'Empire dans les couleurs profondes et saturées de bleu et de rouge tranché d'or si chaud que gras comme l'huile. Il y en a partout des lustres qui tombent comme des cascades de reflets de nous-mêmes, grands comme des pièces à vivre contenant des machines à rêver du surréel.

Il y a ce grand salon où l'on voit sans s'efforcer des portraits au vif d'élégantes et de dandies souverains qui se lancent des vacheries juste avant d'entrer en scène de la salle à manger bruissante des dialogues de "Guerre et Paix" le roman fleuve. C'est une table longue comme une avalanche de quantième degré. La conversation dut y être fragmentée et légère forcément. Les meubles sont des êtres en soi : ils respirent leur luxe et on pense à leur valeur procurant à elle seule l'ivresse des chiffres. Je ne pensais pas que la France fut encore assez riche à ce plus haut degré.

On passe devant le lit de Louis XVIII dont nous ferions un meilleur usage que ce roi obèse et un peu dégénéré, il faut bien le reconnaître. On sait que les derniers Louis eurent beaucoup de mal à honorer leurs reines dans l'art de la chambre à coucher. Toutes ces fleurs-de-lys et ces plumes d'autruches des artisans orfèvres devaient érotiser ce meuble, plutôt chargé de la poussière soulevée par les ronflements d'un gisant à sa digestion. Le phymosis de Louis XVI et les excès de Louis XVIII donnent plus d'attrait au meuble lui-même, plutôt qu'aux imaginations érotiques que nous prêterions à ces monarques fatigués.

En sortant, de ces excès de luxe, Deila sait que nous devons nous interdire tout recours à la peinture. Car le mélange serait baveux et il jetterait un trouble dans ce diamant que fut cette visite. En plein drap de l'histoire vraiment bien restituée et avec un tel goût de l'excès tout conforme à l'époque, que nous fûmes enlevés dans quelque espace propre aux arts et hors du monde. Il nous fallait prendre du grossier, nous alourdir et nous requinquer la mâchoire avec de bon gros bouts de réel dedans, au mieux avec des boissons d'homme des Tontons Flingueurs à la Audiard. On se précipita vers un café qui était en fait une sorte de Burger incongru au Louvre, enfin pour notre goût et ce que nous pensons de la culture.

La lumière y était parfaitement celle d'un garage jaune et si dure que nous pouvions voir nos yeux à peine ouverts et suintant un peu de la douce cire de l'éveil. Car nous avions dormi certainement, nous étions comme couchés mais debout dans l'attente qu'on nous serve un café au moloko synthémesc plus comme dans Clockwork Orange, où le néon buzzant te tolchoke dans l'arrière boutique de la syphillisation qui se termine à la décadence des sybarites sous le Vésuve. Mais, il arrive toujours aux amoureux véritables qu'ils se sentent heureux partout, puisqu'ils s'entre-chercheraient jusqu'en enfer. J'adore et je hais dans le même temps, ce siècle qui met les princesses aux tables à-côté du commun de l'ordinaire, mais dans un mélange probablement fécond en rencontres.

Une fois reposés de notre visite en pays de pouvoir, et après avoir échangé nos petits affaires d'histoires de familles bien racontées par tout le menu des secrets, nous y sommes retournés. Où ? à la galerie d'Apollon, mazette ! On allait en voir du plus haut encore, du sérieux qui te colle au mur du fond comme à la foire du trône des suzerains qui ne regardent pas à la dépense des pièces jaunes. Et c'est ce qu'on vit. Je ne vous dirais que l'ambiance festive et exorbitée qui se trame dans le vortex autour des deux couronnes de France. Les femmes sont littéralement hypnotisées par les diamants gros comme le déluge, et des rubis rouges comme les vins à la cave de la Tour d'Argent. On y voit aussi des émeraudes et des saphirs qui sont des éléphants du phantasme. Et l'or paraît banal comme un parergon ou un cadre à ces oeuvres qui transmettaient la dynastie aux enfants-rois.

Dans ce lieu magique, tous de la République se sentent un peu rois ou royalistes à tout le moins. Comme les bolchéviks et Lénine surent conserver les trésors de la cour de Russie. Je sentais bien que cette couronne mettait Deila très aise. Et pour ma part, je compris combien j'attachais plus de valeur à ma Deila belle comme un cristal de flocon de neige, plutôt qu'à ces deux couronnes-là derrière leurs vitres blindées qui ne me semblaient plus que deux pierreries qu'on avait coutume de jeter à des pseudo barbares des Caraïbes pour leur prendre leur île à faible coût.

C'est le rayonnement des objets d'art qui en fait toute leur valeur. Et surtout, ceux ou celles qui les regardent, avec toute la compréhension que ces objets méritent, donnent leur valeur réelle ou spirituelle à ces objets supports de nos rêves. Car ils sont générateurs d'histoires et de sentiments qui savent nous dépasser. Il faut écouter et voir ces histoires rayonnantes, puisque les voir c'est comme les vivre tout par les pensements et l'imagination qui est la matière ès arts.

Demian West

La Grande Force de Vie

Ne serait-il pas de saison de reconnaître enfin que nous cherchons à vivre des moments intenses dans un espace de paix très rassurant ? Toutes les masses accumulées de connaissances ou de richesses n'ont-elles pas comme fin cette intensité de vie ajoutée à la plus impavide stabilité hors du temps ? Certes, il s'agit bien de qualités opposites, mais qu'elles se complètent bien dans une vie accomplie de sensations et de vertus favorables.

On voudrait que tout se renouvelle sans laisser, et dans le même temps, on désire ne jamais perdre la présence des visages aimés et très parents : lesquels savent nous conforter et nous consoler comme par la simple magie de la monstration. Et chaque fois, on approche de la fin d'une année, avec ce vrai sentiment que tout devient lourd de la persistance des images anciennes ou vieillies, qui nous fatiguent et nous épuisent à mesure qu'elles éreintent l'an.

Vrai, ce n'est pas sans évoquer, les grandes trahisons des princes les plus sûrs. Par exemple, comment les courtisans obligés ont déserté la chambre de Louis XIV le jour même de sa mort, et pour se précipiter aussi massés qu'ils purent au lever d'Orléans, qui allait régenter le royaume dès le lendemain. Et, pour achever la confusion des protocoles éthiques, on fit une grande fête partout quand ce roi bigot fut mort de la gangrène à sa jambe.

Il reste que tous ces moments propices à l'expression de la grande force de vie -- que l'on s'éteigne ou que l'on survive -- sont vécus dans la plus grande intensité. Tantôt adoucie par l'anesthésie naturelle que la mort doit certainement parfournir à ceux qui partent, et pour en éteindre toute révolte en eux. Et tantôt adoucie par cette force de vie qui rend chaque survivant assez insensible au pire malheur d'autrui.

C'est pourquoi, tout va son cours et l'un remplace l'autre. Comme les dieux de l'Inde étaient incarnés par des âmes qui transmigraient, selon la sagesse des Peuples. Et que ces âmes revêtaient tantôt les corps du dieu, qui gardait infiniment une semblable apparence inchangée, toutefois habitée par un individu différent, et dont le mérite était ainsi récompensé par une vie dans le monde transitoire des dieux.

La sagesse dirait que pour bien-asseoir un sort ou un destin fixe et ferme, il y faudrait toujours un substrat bien large ou vaste. Et que les cherches de gloire se doivent d'être bâties sur de telles tables, qui peuvent espacer des repas de lions ou de rois, sinon des couvertures de stars du cinéma. Ce qui vaut bien des royautés d'autrefois : quand on montrait l'élu dans une scénographie à destination d'alimenter les feux du désir dans chacun de la foule. Tout le monde marche encore de ce grand pied-là.

Alors, nous vivons cet espace de paix traversé d'intensité, mais tout par le truchement de la vision qui transmet les sentiments de la vie intense. Parce que nous avons en nous la faculté prodigieuse de nous projeter dans la scène que nous voyons. Et si nous pouvions faire l'économie de lutter chaque jour pour entretenir notre corps, nous serions plus enclins à nous projeter librement dans ces espaces, ou dans les visions des fastes et du fabuleux imaginaire que nous appelons les médias ou les arts.

D'une certaine façon, le topos psychologique de l'homme du XXIème siècle équivaudrait assez à une sorte de ballon retenu par un seul fil à la petite main qui maraude dans le jardin d'enfant. Si le fil était détranché, nous irions droit vers les nues de laine pour nous gaver des ivresses assistées par les techno-sciences d'aujourd'hui, qui ne savent plus freiner leur progrès délirant d'immatérialité. Et c'est une neuve cartographie psychologique qui devrait représenter plus sûrement nos névroses, que les anciens topoï de la psychanalyse. Car cette science des rêves ne pouvait voir en ses germes les médias comme nous les connaissons. Puisqu'ils n'existaient pas.

C'est une merveille du futur : Que nous ne pouvons le connaître jamais, quand il tient tous ses germes en nous-mêmes. Et il s'éloigne à mesure que nous fondons sur lui, par l'effet étranger que nous vacillons toujours entre deux pôles opposites et que, dans le même temps, nous les vivons simultanément. Et c'est ce que nous nommons la grande force de vie profuse en intensité bien en pointe et centrée dans cet océan de paix qu'il faut à notre bonheur jamais simplesse. Ceux qui, enjeunis, se séparent de la foule pour vivre une vie d'artiste ou d'acteur savent ces choses d'instinct, et c'est raison qu'ils supportent de grands sacrifices pour mieux-connaître la vie intense, ou la grande force de vie.

Demian West

Thursday, December 25, 2008

Qu'est-ce qu'il se passe là ?

Je la regarde sa longue silhouette et les gens qui se penchent en de proclives révérences quand ils nous voient ensemble. Des femmes des hommes sentent qu'il se passe quelque chose là. Moi j'aime son épaule et ses bras qui dégagent une sorte de chimie secrète qui allume nos feux invisibles qui craquent nos corps du désir dans les diamants, les saphirs et les rubis de l'air. Soudain elle ôte son bonnet de la garçonne des années 30, et ses cheveux brindillent comme les reflets d'or dans l'onde aux rayons changeants. Elle laisse flotter entre deux rêves son regard bleu d'ancre baltique si fier d'être artiste et de tous les possibles de la singularité, qui est la vraie nouvelle frontière pour chaque vague de génération.

Elle a ce rare regard d'un Helmut Berger viscontien, avant la ruine des alcools et de l'héroïne navrée, ajouté des poses majestueuses de l'improbable Tadzio androgyne et protégé. Ses gestes font la chenille, le cobra et d'autres animaux d'un Boddhidharma que les Romains appelaient la danse, tout comme ils nommaient ainsi les beaux gestes du quotidien au naturel. J'adore mesurer la force de sa conviction, surtout parce qu'elle m'a choisi, forcément avant que nous nous connaissions comme dans le fabuleux, pour asseoir sa force de transformation du monde : Comment elle construit son environnement ; comment elle déplace ceux qu'elle aime pour les mettre en scène dans les rushes de la vie à la Lelouch.

Elle est la loupe qui magnifie l'art même dans les musées définitifs. Car lorsque nous sommes ensemble dans les appartements de Napoléon III au Louvre, nous décollons de dessus la Terre des stucs dorés et de la pourpre aux murs sous les lustres grands comme des pièces à vivre. Pour redescendre plus tard, quand il nous faut prendre un café dans une boutique d'urgence et dessous le néon de notre époque irréelle. Tellement c'est trop ! qu'il faut arrêter la montée vers le quantième ciel de la jette plus enième des arts conjoints à notre volupté assurée par un décret de la Providence. Cette atmosphère luxueuse est forcément manifestée par le parfum créé par Beaux : le parfumeur à la cour de Russie. Un Chanel Numéro 5 qui est le plus français discours du monde.

On passe d'ensemble sous la porte du Roi Sargon à Khorsabad. Là où les taureaux ailés étaient peints aux couleurs criardes de la foule des milliasses de gens disparus depuis avec tous mendiants et riches marchands, tous princeps engloutis dans des langues inconnues. Nous nous sentons leur futur dans plusieurs millénaires, comme d'aucuns semblables étrangers parlerons de nous dans des milliasses d'années et sous la même porte...

Enfin, le temps n'a aucune prise sur nous, il ne sait pas où nous prendre les poissons que nous sommes, par la vertu des fluides glissants de l'amour, qui savent rendre visqueuses maintes vues défavorables et la vie malheureuse que nous n'avons pas vécue et que nous ne vivrons pas. Nous nous regardons dans nos yeux verts et bleus gris en nous entregardant pour l'étreinte des éternités, quand tout change autour de nous, et nous mêmes dans ce flux fixe et ferme.

Comme le soleil branle plus d'un hémisphère sans jamais vaciller de sa courbe toujours recommencée depuis des éons babyloniques ,qu'on appelle tantôt au centre ville : les dieux et les déesses ou les forces primordiales de la Nature. Et nous les artistes, nous procédons aux sacrifices et rites, afin que chaque matin, le soleil se levât et sans laisser jusqu'à la fin du monde qui n'aura pas lieu.

Demian West pour Deila Vogur

Saturday, December 20, 2008

La lumière intacte des pastels à Orsay

Au cours de mes recherches du médium parfait qui saurait rendre toute la lumière et la forme des visions du réel, j'ai trouvé sur ma route une magnifique exposition de pastels à Orsay. D'abord, nul ne saurait faire l'économie de visiter à reprise les galeries des impressionnistes et des post-impressionnistes de la fin du XIXème siècle. Là, on ne peut que constater tout du long des ans qui s'accumulent malheureusement et qu'ils font la vie d'un artiste assez mûr, que la couleur chez Monet et tous ses satellites devient fade, sombre, sourde et qu'elle s'efface lentement. C'est une misère pour ces frais impressionnistes, qui montraient des scènes de la vie spontanée et si réelle que le brin d'herbe y trouve toute son importance cosmique, pour faire un tableau de l'univers qui est ce coin d'Argenteuil où d'un quelconque lopin d'Île-de-France et de partout.

L'honnêteté le dirait, la peinture à l'huile posée sans considération de conservation des pigments ne tient pas la route des ans. Mais, il faut reconnaître dans le même temps, que certaines oeuvres et par-delà la couleur, déversent encore toute la charge réaliste et immédiate tout par le sujet choisi et le traitement de la touche rapide et qui prit la vue comme une photographie la raptait ajoutée de la sensibilité de l'artiste qui y pose son affect.

A l'opposite, les oeuvres des académiciens ont conservé tous leurs roses et bleus savants et doux, par la pose ultradouce des coups de pinceaux sages et si bien travaillés comme des caresses : Que les pigments non violentés baignent encore dans leur jus d'huile pris de résine à la manière flamande pré-rubénique. Certes, les sujets sont grandiloquents et gonflés d'orgueil civilisationnel, mais c'est aussi une grande jouissance picturale. Il ne faut pas avoir honte d'aimer ces grandes machines vénusiennes de Bouguereau ou de Cabanel. En tous les cas, je les aime et je m'incline chaque fois dessous les pieds fins de ces Vénus inouïes aux chairs silhouettées de lumières fragrantes qui dessinent avec ferveur chacun de leurs doigts de pieds panthéoniques.

Avec Deila nous sommes entrés dans la crypte du pastel : une exposition qui dit la peinture comme une lumière à l'intact. Tout y est conservé fabuleusement. Là, le pastel démontre qu'il est un médium parfait pour conserver les effets de lumière sans laquelle la peinture n'est qu'une leçon du permis de conduire des machines sans âme, permis de peindre. Non, le génie de la peinture c'est l'irréel et donc la présence de la lumière imaginale. On doit entrer dans l'éblouissement qui nous fait transiter, traverser et recevoir d'autres mondes que seul l'homme a vus.

Dans cette exposition de ces oeuvres si fragiles qu'elles doivent être encadrées dans des boîtes de verre, on va du dessin à la peinture mais dessinée. C'est l'apothéose d'un Degas dont la majorité de son travail fut projeté dans le pastel. On y voit toutes sortes d'expressions très symbolistes en des variations thématiques et techniques du grand écart dont seul l'art est capable. Mais toujours la plus achevée virtuosité, car le pastel est une sorte de crayon, et que ce médium-là va au plus court depuis le cerveau jusqu'à la main et vers la pointe grasse ou sèche. Le pinceau est plus souplesse et ses vibrisses sensibles et vives produisent des effets hasardeux, qui échappent au contrôle par l'artiste. Le pastel et le crayon de couleur sont l'expression même du contrôle dans toute la chaîne de pré-conception, conception et des caresses de finitions sur l'oeuvre. Car, peindre et dessiner c'est caresser comme on le fait dans l'art de la chambre à coucher.

Avec Deila, nous sommes passés d'une oeuvre à l'autre en lâchant des petits "Oh!" et des "Ah!" très suggestifs de conjouissances dans l'atelier où l'on sait confondre la couleur et les sentiments et la pratique artistique avec les serments d'amour et les étreintes, qui savent survivre aux jours et finalement aux siècles. Il n'est rien de plus galant à Paris que se promener dans une exposition unique et se raconter la vie et ses émotions partagées, comme les heures heureuses des princes florentins conscients de leurs privilèges et luxes de libertés.


Demian West

Sunday, November 23, 2008

Saturday, November 22, 2008

Tuesday, November 18, 2008

Sunday, November 16, 2008

Friday, November 14, 2008

Wednesday, November 05, 2008

Picasso au Grand Palais : Salaud de peintre !

Dans l'allée reculée des Champs Elysées on sent déjà l'odeur classique des pierres blondes du Grand Palais. J'enlève au passage, la sémillante Deila Vogur qui se bat avec son téléphone portable dans un russe exquis et battant comme le vent qui tourne autour la bâtisse impressionnante. Puis, nous zappons la file des trois heures d'attente pour entrer dans le temple élevé à Picasso et ses maîtres r'avalés.

Dans la foule, on voit des figures marquées par l'adn des ans du XXème siècle de Picasso. Beaucoup de femmes ressemblent à ses modèles qui furent aussi ses épouses paraventure et paramour. L'art crée la nature, disait Oscar Wilde. C'est un ogre qu'on visite, car Pablo a sucé la substance de tous ceux et toutes celles qu'il a croisés. Aussi des peintres...

Cette exposition est une jetée de bousculades des génies en monstration sur les murs. Il y en a partout qui giclent un dripping de champions du monde. Depuis, le souriant Degas jusqu'à l'ultime Lautrec, en passant par le noir Manet, puis au rebours vers les mordorés Ribera ou Goya et toutes les pointures de l'art mondial, qui se sont fait la malle de leur musée pour venir ici, se coller à la palette crasse du terminator de la peinture de notre futur... qui fut hier.

Un salaud de peintre, aurait-il dit de lui-même...

Picasso est encore vif. Il suffit de voir les toiles immenses de ses éclatés de peinture. On y voit des tentatives hurlantes de démonter la peinture sage d'un Poussin bien-rangé dans ses boîtes romaines ou d'un Chardin très fruité du paradis tranquille, et du suprême Ingres la statue phosphorescente que des mains d'admiratrices lissent encore.

C'est une leçon du pinceau qui déchire et qui s'éclate en des montages savants d'un enfant génial inventant des textures et une écriture dans chaque pré carré du tableau, qui en compte des lopins. Et ça donne de sacrés reliefs qui fonctionnent.

La couleur est puissante, rouge quoi ! et très subtilement ivoire, à la fois. Le dessin règne et depuis l'adolescence bullante dans les jus de son père. Picasso est issu d'une famille d'un peintre, et il possède le dessin d'abordée. Puis, il va prendre au rebours l'atelier de la peinture, vers l'essentiel qui n'est pas de bien-peindre, mais de connaître le plaisir de peindre. Ce qui n'est pas donné à tous les peintres de l'annuaire des facultés.

Quand Alberti a fondé la théorie artistique en 1435, il a rompu avec la religion en affirmant le peintre en "Deus Pictor", c'est-à-dire en créateur de type luciférien ou celui qui veut rivaliser avec Dieu, le créateur premier. Ainsi, Picasso achève-t-il ce cycle historial, quand il retrouve le geste créateur derrière l'affirmation technicienne de l'illusionnisme appliqué.

Il va démonter toute la bibliothèque des peintres frustrés qui se lâchent avant la fin : techniques du diable, sujets espacés et prétextuels même cryptés, référents en transmissions de lignées, dispositifs picturaux du shaman occidental, etc. Pour remonter le cours de l'art jusqu'à Lascaux ou autour de ce moment inconnu ou improbable dont il ne reste que la paroi en guise de toile.

Il va démonter les grands tableaux comme les "Ménines" de Velasquez et sans un seul mot ; juste en reprenant les lignes de forces pour les bien-suivre, les connaître puis les traverser ; enfin les expliquer à ceux des bienheureux qui ont des mains pour comprendre.

C'est une science des dispositifs picturaux qui est étale dans cette expo. Et selon une suite de salles invraisemblables de contenus en débord, qui disent toute la peinture en une seule exposition. C'est simple, le Louvre en paraît le satellite perdu. J'exagère à peine...voyez le Rembrandt qui n'est plus une peinture mais une claque à tout ce qui croyait voir.

On s'est bien éclatés Deila et Demy, et ce fut une promenade dans un parc joyeux comme une terrasse d'étudiants retraités, quand nous passions de nos impressions de peintres, vers des débats sur l'absinthe devant Degas forcément, et toujours en cherche de ce que signifie réellement la peinture et être peintre. Je dois avouer que Deila en connaît un bout sur l'absinthe qui m'a donné quelque indice sur la qualité de l'enseignement des arts à l'université de Moscou, lequel nous laisse Français bien loin derrière le prof Kandinsky.

Je pus mesurer la période classique de Picasso près son Olga aux traits réguliers et harmonieux. Comment il avait su maîtriser les canons de beautés antiques et hyper contemporains, car j'étais moi-même posté si près de ma Deila qui est le canon de la régularité classique d'aujourd'hui, piquetée et en pointe des traits les plus fins qu'un peintre puisse rêver de dérober à la nature féminine.

Combien je comprends ce peintre ! qui eut la chance de survenir au moment qui l'attendait. Car il ne fut jamais le fruit d'un hasard, mais la marche consciencieuse de l'art qui a érigé son panthéon de maîtres, avec à la droite du Père Vincien, son fils Picasso en rédempteur de l'art.

Puisqu'il a révélé la vraie nature de l'art ou de la peinture qui est la jouissance et non l'image fixe. Finalement, l'art sauve plus sûrement l'Humanité par la jouissance ou par le plaisir : ce qui est une drôle de manière de religion. Un salaud de peintre ! et bastant du reste...

Demian West

Wednesday, October 29, 2008

Monday, October 27, 2008

John Mac Cain


John Mac Cain par Demian West

Thursday, October 23, 2008

Tuesday, October 21, 2008

Friday, October 17, 2008

Y a-t-il un journal dans Agoravox ?

Il y a peu, on disait "Qui ne connaît pas Agoravox ?" en exagérant la notoriété du site et conformément aux comportements des start up et des bulles informatiques. Aujourd'hui, on se contente de regarder l'effet de traîne de ce qui semble une esthétique de la disparition de ce journal, qui vire à la collection de pensées marginales et ésotériques, qu'il faut bien reconnaître assez délirantes.

Mais pas sur le mode des fanzines des années 70 ou underground, non ! il s'agit manifestement d'une sorte de dérive, qui était déjà perceptible dès le dispositif de création du journal en 2005. Car, il faut cesser de rêver, ce sont tous des robots qui gèrent ce journal au jour la journée.

C'est clair ! il suffit de s'inscrire comme rédacteur avec une adresse e-mail, tout ce qu'il y a de plus bidonske, et vous voilà inscrit rédacteur et commentateur, sans aucune vérification de vos compétences de jardinier ou du docteur ès bricolage nucléaire pour bien-discuter de couture, par exemple.

En fait, vous êtes prêt à verser à grandes louches d'épicier de la grande distribution votre journal personnel et intime balancé au lecteur qui croit y lire le fameux journalisme nouveau. Quand c'est de la feuille de chou sortie recta par le trou personnel et que souvent elle ne sent pas bon. Il suffit de lire pour s'en rendre compte des traces brunes des chemises qui s'y expriment genre Stalina qui a fait un beau voyage dans les Allemaignes des années 30.

Jugez-en ! depuis ses débuts, on s'y bat dans ses forums autour de l'islam et des choses de curetons de choc laïc, et sans laisser depuis des années qui sont une véritable guerre de tranchée, qui n'a pas bougé d'un pouce moussu. Tout simplement, parce que ceux qui s'adonnent à ces joutes férocement excessives viennent pour ça, et qu'ils sont heureux que ça ne change pas. Ils viennent pour la baston, dirait le joueur de hockey qui aime outrement décompter les tombales du score au tableau d'honneur des mortesmédailles.

Et, pour gérer ces équipes, il n'est d'utile que quelques robots informatiques qui laissent ronfler ces luttes d'intestin. Et pour attirer le passant vers les encarts publicitaires, qui doivent rapporter peu en matière d'infos citoyennes. On me le concèdera aisément.

Les mêmes robots décident aussi de la censure programmée. Car il suffit qu'un auteur ciblé par les programmes apparaisse, et aussitôt il se voit amputé de tous ses membres de commentaires et son compte rédacteur vitement détranché, puis il est interdit de site, ce qui est un achèvement de politesse webique. Ce que tous et même ses contradicteurs finissent forcément par le voir, et ce qui réconcilie tout le monde contre ces robots-mêmes qui ne voient toujours rien d'humain, même 40 ans après "2001 Space Odissey" et son sémillant Karl à la voix chaude de parrain de l'espace, et pour cause...

C'est un dispositif tellement bête ou robotique, qu'il suffit à l'interdit bientôt dissident du journalisme citoyen --ce qui la fiche mal au salon d'Edwige-- qu'il aille vers son compte e-mail orange pour créer une nouvelle adresse au nom de jesuisunautre@wanabouh.frrrrrr pour tenter à nouveau d'être rédacteur sur Agoravox et ça marche fissa, comme une lettre au pote robot, qui n'y voit que poudre odieuse qui le zappe par toutes ses narines bluffées à la coke de Gstaad.

Mais auparavant, il y faut bien virer ses cookies de sa machine à troller, certes.

C'est là qu'on se rend bien compte, que le proprio du site est dépassé par sa machine-même. Tiens ! on dirait un titre d'une oeuvre dada de Marcel de la famille Duchamp, de très bon lieu.

Car le proprio n'est pas un robot, il doit se reposer, faire ses courses, visiter ses familles recomposées et post-divorcées etc. Il doit aussi surveiller ses employés qui doivent bien rester insensibles ou aveugles face à la censure qu'ils diffusent et qu'ils la couvent pour sauvegarder la boutique du magasin et toutes apparences de journal.

Il reste que la critique littéraire et artistique, encore libre en France, nous autorise vastement et largement à dire qu'il n'est plus beaucoup de susbstance de journalisme dans cette Agora-là. Puisqu'il ne fût jamais de coutume en France que le journalisme ou la libre pensée fussent cadrés par des robots dictés ou programmés vers la pensée unique et première. C'est-à-dire vers une pensée mécanisée sans raison seconde ou sans jugement moral ou éthique, qui saurait finalement corriger l'impression première et trop brutale.

Quand le journalisme ne porte plus la nuance, c'est qu'il a disparu.

Demian West

Sunday, October 12, 2008

La peinture du soi Van Dyck

Ce fut un après-midi quand le soleil de l'été indien tranchait au rasoir des peintres les couleurs solarisées des boulevards parisiens éclatés en des terrasses vertes et ivoires des flâneries heureuses. Au bout du boulevard Haussmann, le musée Jacquemart-André fait sa sphynge oedipienne étalée au soleil du XVIIIème siècle renaissant. Là, on peut aller voir et mourir à l'exposition Van Dyck du plus grand portraitiste entre pays flamand et l'Angleterre des Stuart au XVIIème siècle.

Je ne suis pas le narrateur objectif, car j'y étais avec la filmique Deila Vogur qui est un portrait elle-même dans le portrait barocco. Elle portait sa tête de modèle qui se sait ravager la place de Paris; et elle sut mettre les tourbillons qu'il y faut dans cette galerie survenue depuis les miroirs des siècles et donc dans ma tête de peintre tétanisée par la leçon des grands.

Ce fut un éclatant moment de la vie artistique, qui se sait effacer toutes les pénombres. Quand on passa devant chacune de ces têtes, qui ont traversé les siècles dans une effrayante modernité de notre temps : C'est qu'elles semblent non pas d'hier mais de ce matin, on sentait presque l'odeur charnelle sortie du lit, quand les innocents ne sont pas tout à fait réveillés de leur nuit de vérité. Les mains sont grandes dans ces tableaux grands eux-mêmes, et on fut étonné de tant d'espace déplié pour des portraits si intimistes, mais en pleine démonstration de leur puissance sociale.

Van Dyck est l'artiste des noirs savants et protestants. Il y place des moires habitées qui tournent abondantes comme l'air et les fraises d'amidon blanc géométrisé autour des visages denteliers. Tout l'effet pictural est réservé au visage qui rayonne d'une fraîcheur si dehors du tableau, qu'on y sent l'air que souffle le bourgeois dominateur; puis le regard vague des aristocrates conscients d'eux-mêmes jeté sur le dessus du vent populaire; aussi le sourire mutin des femmes libres avant l'heure dans les coins escachés des appartements pleins de chambres vertes et roses probablement libertines.

Les cheveux sont buissonnants et bordéliques comme le nez un peu rubicond mais jocond du couperosé roi dandy Charles, qui pose tout de même à la Keith Richard avant l'ère. Tous les détails y sont : Ce peintre Van Dyck s'est auto-représenté avec des doigts très fins de l'artiste ou du sybarite efféminé, quand il sut plâtrer les doigts des marchands pour leur en mettre plein les mains du métier viril, et de significations politiques dans cette peinture. Car tout y est composé en des motifs d'une composition régulière et ordonnée comme un stéréotype de l'homme de pouvoir marchand ou politique confondus.

Hormis que l'aristocrate de naissance regarde hors du tableau quand le négociant vous toise à droit fil jusqu'au bas de votre colonne vertébrale qui en vibre comme la tige de métal souple, et en passant par vos yeux qui le voient ici et maintenant. Ca vous choque comme un râteau que vous prenez en pleine façade de votre boutique de maître velléitaire.

C'est grand, c'est bien foutu et par un salaud de peintre tellement il est bon, comme dirait Picasso. Et on en sort dans un état de mutisme survolté de révolte de toute cette charge d'art, qui demande à sortir par tous les doigts des pinceaux qui appellent dans l'atelier des vieilles huiles musquées, comme une charge de hussards sur les champs catalauniques.

Je pris Deila par le bras et nous allâmes nous affaler sous le soleil vert des monstres de la circulation parisienne, pour nous étourdir plus encore de plaisirs entre un déca et un jus de fraise extravagant. Deila avait sa mèche blonde sur son front blanc comme la steppe habillée pour l'hiver par Yves Saint-Laurent. Ses grandes lunettes noires démontaient le mythe de Lou Reed et nous rejouaient au naturel la neuve Garbo qu'elle est sûrement, comme l'avenir le dirait.

Je divaguais sur la musique doucement ultrasonique de son accent slave et mon regard maraudait sur son petit pull noir dont je suis amoureux aussi, et soudain je me pris de savoir jusqu'où descendaient ses jambes pliées comme le livre entr'ouvert des recettes des plaisirs indiens dont on fait les temples à l'amour. Cette glissade ne cessa plus comme la sensation d'avoir vu, ensemble, la meilleure peinture du monde : et nous sommes allé peindre, chargés de ces sortilèges des peintres anciens qui renaissent par nos espérances de les suivre dans leurs oeuvres.

Dans le musée, il y avait un grand miroir vénitien voilé par une sorte d'usure de teinture magique. Il évoquait les traversées des mondes coctaldiens, quand les âmes qui dorment entrent dans les miroirs soudainement aqueux pour visiter ou retourner dans le monde des songes, où nous flottons et volons bellement comme les mots entre les esprits.

Et dans ce miroir merveilleux, on peut s'y voir et vivre aux XVIIème et XVIIIème siècles, qui sont là restés à l'intact avec toutes ces âmes qui nous ont précédés, dedans les portraits et dans l'âme du mobilier et partout dans les haut coins des tentures et des mondes intérieurs de ce palais et des maisons de vie. Là, nous étions unis pour l'éternité par la magie des arts picturaux et visibles, auxquels nous avons tous deux voué nos vies entières.

Demian West

Thursday, October 09, 2008

La crise ! Coluche au cinoche.

Il n'est nulle part mais il est partout, derrière le gris aveugle des écrans saponifiés qui tentent de manipuler les masses inertes. C'est l'homme de la foule qui est le maître de ses dépôts de toutes ses économies qu'il a dû poser dans des banques qui s'entrechavirent pendant une crise mondiale aux allures de théâtre excessif, presque d'amateurs.

En effet, depuis plus d'une semaine que les médias nous annoncent des nuées d'épargnants faisant la queue devant leur banque rétive, on n'en voit pas le moindre lopin d'une queue qui traînerait sur les trottoirs où l'on peut toujours voir l'homme de la rue dans ses activités ménagères cryptées et inchangées. C'est donc que la panique de la bourse des médias ne prend pas.

D'aucuns diront : Pas pour l'instant ! quand à la telly des journaux flasheurs, les journalistes éclairés pas les spots des ambulances professent cet oracle depuis si longtemps qu'il en est devenu sans effet d'influence ou de suggestion velléitaire. Tout pareil au dispositif plastique de toute bonne oeuvre de Warhol vouée à démonter les stars et le système des médias : La répétition ennuie et désamorce le message contenu et diffusé par les images...

Car c'est probablement d'un bras de fer assez nouveau qu'il s'agit. Puisque nous voyons bien deux forces qui se font une opposition ferme et fixe. Et la première, les médias, veut contraindre la seconde et dernière, la foule. Et ce qu'il en ressort nettement, c'est que ça ne marche plus. Peut-être ce dispositif n'a-t-il jamais fonctionné, et nous en sommes rendus à cette évidence : Que les gens n'écoutent pas les médias pour gérer leurs propres intérêts en lesquels ils ont placé tout leur coeur et donc leurs billets d'amour bien vert qui trust-en-God.

Et cette foule est un grand ensemble qui se sait non-agir de sa façon inerte, comme un esprit de la foule qui ne communiquerait pas ou d'une façon si invisible ou intuitive que globale ou universelle, peut-être métaphysique. On dirait que l'individu y prend toute la mesure des gesticulations médiatiques, qu'il a certes pu décrypter depuis des décennies qu'on se fiche du public en lui annonçant hier, et par des foudres d'analyses cumulées, ce qu'il ne se passera jamais le lendemain.

Il reste que je ne confondrai jamais l'homme de la foule avec les intervenants agités des journaux du web dits "participatifs". Car là, s'y expriment des troupes de charlatans et de vendeurs de leurs propres discours sur eux-mêmes, que le monde n'attendait jamais et tout pour néant, ou pour distraire l'après-midi des maisons de passes ou de repos qui n'en demandaient pas tant de ces niaiseries et de ces grossièretés jetées à la rue du web. En revanche, l'homme de la foule parle peu mais il n'en pense pas moins, comme il dirait.

D'ailleurs, c'est bien dans ces journaux éphémères que la foire à la panique est la plus vive et même emportée, quand dans la rue tout est calme, et on peut circuler y a rien à voir ! Hormis, le film "Coluche", qui sort dans quelques jours, et que là ! nous tenons certainement une vraie nouvelle de quelque importance "informative" (ce qui est déjà un gros mot), et probablement "panique" au sens que le libératoire Topor donnait à ce mot et au mouvement artistique "Panique"qu'il avait créé et fédéré avec des pointures du coup de pied au culier par la provoc.

En procédant à la réincarnation filmique de Coluche, le flegmatique Antoine de Caunes et l'excellentissime Demaison-Coluche frappent un grand coup dans la clinique des films pèpères qui bricolent l'événement. Là ! c'est du sérieux ! dirait Sarkozy pour ouvrir le bal des journaux à grands tirages de couvertures à soi.

L'homme de la foule ce n'est pas le paniqueur ni le paniqué, non plus que le bourseman excité par la chaleur du gouffre à gaufres des rôtisseries des neufs et cheap hamburgers aux rats dans Wall Street district. L'homme de la foule c'est le spectateur hâtif d'aller voir le film événement, qui met enfin en rôle le véritable homme de la foule que fut Coluche. Et que cet homme-là osait dire des trucs qui seraient traqués comme la dernière folie de nos jours, une folie vouée immédiatement à une trépanation de la zone humoristique de ses tripes de cerveau, heureusement non encore localisée.

Courrez voir ce film dans lequel Deila Vogur, la muse enchérie de Demian votre humble narrateur, joue une top-modello qui est un canon chargé jusqu'à la gueule de la caméra aussitôt ravagée et fondue par tant de beauté germanopratine, déjà perceptible dans la bande annonce qui brûle. (C'était la minute promo glissée par notre monde des profits pas petits, O mes frères et soeurs !) Tout le monde s'y met à courir vers le revival Coluche comme une manière de retour vers le paradis perdu et l'Âge d'or.

A l'inverse, d'autres s'y prennent mal comme Lederman l'ex imprésario de Coluche et d'autres avidités familiales, qui se jettent déjà contre le film pour en ralentir le succés annoncé, en bons petits boursicoteurs et spéculateurs sur le scandale et prendre le film en otage. En d'autres termes, pour qu'il en tombe des petits gains procéduriers ou événementiels, et donc pour bien-profiter du retour de Coluche qui savait faire. La crise !

Nous vivons une époque de grands bouleversements de créances païennes. Alors n'ayons pas peur d'être l'homme de la foule qui osait dire aux prophètes bibliques : "Mangeons et buvons car demain nous mourrons. " Et profitons en pour tenter quelques dernières folies, qui passeront bien avec le reste de la médecine. En d'autres termes coluchiens : "Foutons leur au cul !"

Car demain tout reprendra son cours merveilleux des anesthésistes gaffeurs et aussitôt amnistiés. Ceux des paumés qui auront changé leurs économies en lingots d'or les revendront à perte ruinés, et l'homme de la foule qui n'aura pas bougé, pas paniqué, ce sage retournera à son anonymat nocturne du plus grand sommeil encore de ses lourdes masses inertes. Quand les moucherons médiatiques ne les piqueront plus, puisque la crise ne sera plus de saison.

Demian West

La Maison de Balzac à Paris.

Au 47 rue Raynouard dessous le Palais de Chaillot, on s'arrête devant un porche qui donne sur le vide et sur une vue parisienne étrangère. On baisse les yeux vers le petit jardin d'un vert piqueté de petits lieux de tables et de chaises couleur bronze au milieu de bosquets sur le vieux pavé du XIXème siècle intact. On entre dans la dernière maison que Balzac occupait à Paris, dans sa déchéance de l'écrivain ruiné mais au bord de sa postérité à compte illimité ouvert.

C'est un escalier d'une bonne jetée raide vers le bas que l'on prend et pour bien prendre la vision de cette maison au toit d'ardoises bien ordonnées et luisantes de la lumière des journées d'octobre en plein krach de pluie du soleil aussi. Balzac vivait là au second étage qui donne sur le jardin. Dessous, deux niveaux donnent sur l'autre façade plus noble sur une petite cour pavée et vers un passage du vieux Paris, et restauré comme s'il était flambant neuf de ses réverbères aux teintures nocturnes des bourgeois encanaillés.

Deila et Demy sont entrés dans l'appartement de l'ogre, comme pour y être dévorés par son air chargé de toutes les vies illustres que le solitaire Balzac fréquentait, probablement pour mieux inventer ses figures exhaustives de la "Comédie Humaine". Nous sommes dans un des trois musées littéraires de Paris, après la maison de Victor Hugo et le musée de la Vie Romantique. Les salons sont rouge comme les salons des expositions du Louvre, où tout l'art du XIXème siècle s'est montré, a été débattu par le cruel dandy Baudelaire, et s'est couvert des médailles de la frime des arts officiels du tierce Napoléon.

Dans cette charmante maison de l'ogre qui nous paraît désormais un gros chat bon vivant, nous pouvons bien-voir des portraits des personnalités des connaissants de l'auteur. Il y a des oeuvres du bon Riesener, comme on en voit au Musée Delacroix, dont un portrait de Théophile Gautier qui est d'une facture quasiment hyperréaliste ou pré-raphaëlite dans sa conception si méticuleuse qu'inspirée par une lumière rasante, qui sait exalter les coloris les plus délicats de la carnation du poète d'"Emaux et Camées".

Deila, qui est déjà très bon peintre et si jeune, a remarqué abondamment les textures des robes et des tissus chargés des moires de ce XIXème siècle ingresque, qui est désormais à deux siècles du nôtre. C'est dire qu'il s'est éloigné plus profond que tous nos sauts mémoratifs, et vers des impressions que nous devons désormais quémander aux peintures, comme on se tournait il y a plusieurs décennies vers le XVIIIème siècle.

Nous entrons dans le bureau écritoire de Balzac, peut-être son gueuloir, où comme Flaubert, il aurait balancé à très haute voix ses textes pour en entendre les effets sonores les plus impavides en détails et en reliefs attablés. On l'entend presque les dire, à tout le moins les écrire, quand on voit ce bureau gratté et surchargé de ses coups de plumes trempées au canif, et dont les griffures sont noircies comme les gravures d'un Rembrandt au naturel.

Il y a des objets rares dans des vitrines aux allures de monstration d'emblèmes sacrés de l'amitié et des arts. On y voit un vidrecome : c'est-à-dire un versoir à vin pour recevoir ses amis quand ils sont de retour : De l'allemand "wiederkommen". C'est donc un objet aussi rare que l'amitié et nombreuse, et que le mot franchement disparu dans les limbes de la consommation des alcools profonds des poètes trop étreints par l'ivresse.

Dans une petite pièce plus avant, on est au centre de la "Comédie Humaine" dont on peut admirer les personnages en rang de gravures sur bois orfévries en des hauts bien noirs et des creux en réserves blanchies. Ce sont des figures d'une pantomime grotesque à la Daumier mais en plus gai. Car il y a des airs italianisants dans ces déformations de la caricature pour fracasser l'arrogance des puissants et pour adoucir la misère des déchus de la vie parisienne, qui en connut des combles, aujourd'hui encore.

On termine la visite devant les plâtres des sculpteurs qui tentèrent de prendre le contour massif de cet auteur pantagruéliquement dévoreur de la vie, mais qu'il sut bien la digérer et pour nous la rendre tout par son esprit du détail si toujours d'invention de formules littéraires surabondantes.

On sort de cette bulle du temps, par l'escalier c'est-à-dire par la porte dérobée, par laquelle Balzac pouvait fuir ses créanciers, qui sonnaient à la porte emparadée devant dont l'architecture en parement de belles pierres blondes servait probablement à tromper leurs espérances et créances en cet auteur voluptuaire qui ne vivait que pour son oeuvre... et bastant du reste !

Cette visite fut un bon prétexte pour une conversation sur la gestion de la carrière artistique par les artistes-mêmes. Et devant le Palais de Chaillot sous les mots gravés d'or de Valéry jouant avec l'azur sétois autour la Tour Eiffel éternelle, Deila et Demy ont pris leurs aises à la terrasse de café. Là où les parisiens s'ébattent pour faire accroire qu'ils bossent et qu'ils se ruent vers leur besogne de contemplateurs narcissiques de la ville lumière.

J'étais ce chanceux qui peut à loisir, au plein coeur de ce Paris-là, s'envoler plus haut encore vers d'autres continents heureux juste en entrant dans les yeux adamantins de la femme inouïe et aimantée, qui sirotait souverainement son jus de fraise, ce qui ajoutait encore à cette divine cueillette de fruition en Paradis.

Demian West

Tuesday, October 07, 2008

La Presse flambe...

Ces jours-ci et sur le net on ne peut être sûr que d'une seule chose : c'est qu'on vient d'atteindre la scène de la farce totale. En effet, depuis que la crise financière surpeuple les médias - lesquels s'en goinfrent comme de paroles pour se boursoufler et occuper tout l'écran ou le moniteur - on assiste à un déchaînement d'expositions de scénarios délirants, et forcément sur le mode catastrophique du gore.

Qui de mettre en une des photos en noir et blanc, surtout noir, avec des effets de gros lettrages massy en mauvaise surimpression de krach, qui se répéterait uniquement pour survendre le papier de la planche à journaux. Qui encore de rameuter tous ses rédacteurs pour vite ficeler je ne sais quel numéro spécial gouffre, comme un polar bâclé du grand soir dont on vous assure qu'il est apposté juste au lendemain. Qui d'annoncer pis encore, tous conseils qui se précipitent résolument au rebours de ce qu'il conviendrait, et manifestement pour installer une scène du désordre scandaleux qui est vraiment trop bon pour les affaires de la Presse instantanée.

C'est une débauche de Presse papier tout comme de la Presse internet : quand dans les temps placides et creux, elles se font une guerre jalouse dans les couloirs orduriers du web. C'est pourquoi, quand nous voulons nous informer : nous nous sentons nager à contre-courant ou dans un fleuve de béton qui prend. Soit dans une époque d'irresponsables qui jouent à la roulette webique des annonces fausses et grandiloquentes qui trompent, qui bluttent et qu'elles pipent le lecteur volontairement à celle fin de l'accrocher par tous les fils de la peur.

Ceux qui écrivent ces attentats parliers contre le sens commun mettraient littéralement des vies par milliasses en danger. S'il n'était ce calme impavide de la foule sagement inerte qui écoute plus sûrement son argent ronfler dans le calme des dépôts préservés. Plutôt que cette foule confierait ses économies et son matelas à des experts ès hâtiveté de parleries... et tout pour néant.

Souvent, l'inertie du sage paysan sauve des gesticulations épileptiques des intellos du zinc du café du commerce qui donne vastement sur la rue de la maleplace. C'est là que sont les bureaux et sièges troués des journaux citoyens participatifs du grand bordel qu'ils souhaitent, qu'ils veulent et qu'ils tentent de l'installer partout.

Franchement, pensez-vous un seul instant même quand vous seriez trop pris dans la vôtre névrose de web addict, que quiconque prêterait une manière d'oreille attentive et sérieuse à ces faux experts improvisés dans leurs galetas d'oisifs juste reliés à leur ADSL, qui serait leur seule légitimité pour fiche un système mondial par terre ?

Sur le net, n'importe quel étudiant en sieste digestive de ses tripes peut vous pondre un article pompé de moitié dans la Presse du cirque Boursorama, et qu'il peut proposer cette bouillie pour tchat à des journaux à l'esthétique d'agonie comme Agoravox. Et qu'ils seront publiés dans la journée par des comités d'experts en dépêches de faux-derches inconnus ou anonymes.

S'agit-il encore de Presse ? ou de pyromanie verbale pour mettre le feu en tout bon lieu où l'on craindrait qu'il s'éteindrait et que l'audience partirait aussitôt, comme Virgile vit la Justice quitter le Monde. La Presse participative ou citoyenne craindrait-elle l'eau pour se laver à tout le moins ?

Tout ce qu'on peut constater : c'est que ces officines, aux teintures de vautours jamais repus de crashes et de kraches, distribuent la terreur et qu'elles jouent donc sur le court terme, et sans la moindre prise en compte d'une société qui voudrait s'espacer dans le futur. Les journaux de la peur aiment les lecteurs terrorisés.

Leurs instances semblent des nihilistes écrasés par leur besoin d'argent frais publicitaire. Et qu'ils ne voient pas plus loin que la nuit qu'ils espèrent passer dans leur confort de petits agitateurs de Presse expérimentale, paumée à des milliasses d'années-lumière de la vraie Presse, qui se sait nous informer des événements tels quels du jour.

Finalement, cette Presse participative du net confond les analyses prospectives avec des discours post-médiévaux de prophètes occultes et manipulateurs pour leur seul profit. Sartre disait que les mots sont des pistolets chargés : la Presse citoyenne ou participative n'aime jouer que d'une seule balle dans le barillet à roulette. Et cette balle, aussi définitive que la plus grande menace toujours calquée sur le crash des Twin Towers, claque comme un discours le plus bref et sans avenir. Quand la balle a atteint sa cible, soit quand le journal a annoncé ou menacé du pire lendemain, on sait bien qu'il n'y aura plus de second ni de tierce coup.

Alors, le lecteur en vient naturellement à ne plus croire en ces annonces exagérées et donc toujours avortées. Et c'est la Presse qui perd, car le lectorat doutera naturellement de tous propos qu'elle diffusera à l'ensuite. C'est tout l'oeuvre du journalisme dit "citoyen" : qu'il détruit systématiquement la foi ou la créance que le citoyen aurait en la Presse.

Finalement, cette crise de la finance manifeste plus encore une crise de la Presse qui est probablement plus grave encore, puisqu'elle touche et ruine l'esprit.

Demian West

Ukiyo-e ou l'art japonais de restituer la sensation de la femme au musée Cernuschi.


Photo Deila Vogur


Hier, on était pris dans le vent qui tournait autour du musée Cernuschi comme des diableries hirsutes dans les pinceaux japonais. Deila et Demy allaient voir l'expo des courtisanes, mais au Japon à Paris. C'est une coutume de notre époque d'évoquer les courtisanes quand on ne peut saisir toute l'esthétique du destin de Carla Bruni-Sarkozy ou des oeuvres de Jeff Koons à Versailles. Aussi, on doit bien expliquer que le public entend des pratiques assez louches par cette terminologie, qui ne sait pas cacher un très fort parfum d'envie. Le public va vers l'art pour vivre ses fantasmes qu'il n'ose jamais dans sa vie. Car il sait qu'il y a danger à laisser sa libido continentale envahir l'espace du réel.

L'exposition est intimement grandiose, et certaines oeuvres sont couchées-là dans une pénombre qui attire le regardeur à des rapprochements pour coller le nez à la vitrine comme les petits enfants les soirs de Noël, quand l'interdit de déballer ses cadeaux culmine à la répression sensuelle. Pour notre part, nous sommes adultes et nous entendons bien en abuser. Aussi, Deila et moi nous avons apprécié tout cet or posé en des effets très savants, qui donnaient autant de valeur au parergon ou cadre entourant ces oeuvres d'une finesse cultivée achevée.

Il est inutile de se perdre en des considérations qui se voudraient un cours magistral sur l'Ukiyo-e historique, disons simplement qu'il s'agit de peinture japonaise qui se sait nous montrer tous les dispositifs picturaux qui mettent en oeuvre les plus fines sensations communiquées au regardeur. On y voit des kimonos qui sont autant de tableaux dans le tableau assez barocco ; aussi des textures si rares qu'en les regardant on éprouve des souvenances de sensations qu'on a peut-être connues, mais dont on se souvient étrangement. C'est le pouvoir de l'art.

Il y a des toisons, des chevelures, des perruques, des plumes électrisées, des soies et des carnations blanches érotisées toutes représentées par des saillies du pinceau si fines qu'elles semblent une trame hasardeuse ou ordonnée du papier lui-même. Des arbres à pinèdes y sont des partitions de génies romantiques adulateurs de la Nature. Et tous les coloris sont nuancés comme les plus exquises formules de nos parfumeurs mondifiés jusqu'en orient. C'est simple, il est des couleurs qu'on ne saurait plus dire parce qu'il faudrait mêler et mélanger les mots eux-mêmes.

Les figures de femmes extrêmement raffinées sont posées dans des cloisonnés aux traits en pleins et déliés qui évoquent ou plutôt qu'ils sont le mouvement dans la composition : un dispositif repris par Gauguin. C'est donc une perfection que l'art japonais sut atteindre, comme les Grecs avaient inventé les dispositifs subtils de l'entasis ou des déformations souplesse qui donnaient la force et la vie qui respire et se gonfle courbement à leurs monuments, pour qu'ils soient semblables à des athlètes bandant leurs muscles au vif. Là, au Japon c'est toute la boutique des sensations infinitésimales et vastes comme la vague, qui sont mises en peinture pour en faire une sorte de bibliothèque ou une barque solaire et mémorative qui sait voyager au-travers du temps, pour nous rejoindre et nous informer de ce que ces hommes ont su sentir au contact de ces femmes, plus oeuvres d'art que l'art lui-même.

La réalité est encore plus puissante. C'est la leçon que j'ai reçue près de Deila, qui paraissait une icône d'actrice des années 20 ou 30, dans son ensemble noir aux moires de lettrines d'architecture parlante, et sa tête hyperblonde sertie par un col d'oiseau emparadisé en automne, et accentuée par un rose de lèvres sur sa soie de la plus nippone distinction picturale. En visitant plus avant la collection permanente Cernuschi, nous avons, au contact vibrant et fécond de tous ces objets de l'histoire des arts japonais et sous un bouddha immense et massif, devisé de l'importance de la composition et des dispositifs picturaux.

Deila sut rappeler le lieu le plus précieux dans l'oeuvre : qui est la place de l'air qui sait tourner autour des objets ou qui sait créer la perspective atmosphérique. Ainsi de cette maîtrise de la profondeur de l'air, que Vinci puis Monet mirent en oeuvre et Chardin dans ses natures mortes. C'est le lieu de l'art de peindre les sensations. Car la peinture est une invention qui se doit de nous communiquer des lopins entiers de la vie qui passe, et pour qu'elle soit conservée à l'intact.

A la vérité, la peinture sait dépeindre le réel dans sa totalité, quand elle exprime nos sensations et leurs truchements par les dendrites mystérieuses de nos cerveaux, qui sont probablement très éloignés de la réalité brutales que nous ne connaîtrons jamais. L'art est un rêve fabuleux, car nous rêvons le monde dans lequel nous passons sans jamais l'atteindre vraiment. C'est que nous sommes ce vent divin que les artistes japonais nous donnent à voir dans ses effets de tourbillons qui tournevirent, tout comme on les voit et comme on en sent le parfum des sensations, dans les dessins scrutateurs de Léonard de Vinci et la pensée contemplative de Héraclite le prime philosophe occidental.

Demian West

Saturday, October 04, 2008

La Valeur sûre.

C'est quand le sol semble se dérober sous nos semelles bien planes d'atomes glissants qu'on est tout prêt à se rendre compte de ce qui compte vraiment. C'est mieux d'avoir de l'argent, car la misère sait fâcher les meilleurs amants quand ils traînent au lit d'une bohème entretenue comme un luxe qu'on ne saurait plus se payer à deux à table. Vous pouvez toujours essayer la formule, on y trouve vite une sorte d'usure qui amène tous prétextes habiles pour que le plus petit accroc dans la couture entre-deux s'achève en une chicane d'abord indéterminée puis définitive. C'est selon les coups qu'on les donne ou qu'on les reçoit, comme on dit tantôt à la gazette des tribunaux.

Ainsi, à l'issue de la crise financière après l'adoption arrangée du plan Paulson, les problèmes d'argents seraient-ils désormais mis de côtés dans le fauteuil pouilleux de la salle d'attente sous le poster décollé des Tournesols de Van Gogh, comme on nous le conseille à la télé. Des experts nous ont bien affirmé qu'il fallait attendre six mois dans ce sas pour savoir si nous devions soit arracher nos économies aux banques lourdement fermées au petit matin, soit tout transformer en or garanti ou en immobilier difficilement vendable. Mais il y a toujours beaucoup d'espoir en réserve, car six mois c'est plus qu'il en faut pour agir même pour le plus buissonnant paresseux enraciné dans la jungle amazonique.

C'est aussi un bon moment du temps, pour bien réfléchir à ce quoi nous tenons vraiment, hormis la rampe de la ravine ou de l'escalier qui monte, on ne sait pas encore le vrai sens que cette histoire va prendre. Pour ma part, je ne manque jamais de me référer à l'amour à la love quoi ! Car cette énergie ou félicité douce et éjouissante est plus abondante que l'argent puisque plus immatérielle d'aucuns disent irréelle, dès lors qu'on n'en connaît jamais la source de ce Nil intérieur, on peut toujours en tirer des piscines replètes jusqu'au green. Vrai, que l'énergie qu'on en reçoit est bien plus féconde en oeuvres de soi-même, en conjouissances aussi, et en surprises jamais attendues ni prévues, même par le plus fou des sages en errance sidérale et que ce promeneur-là des Amériques-Indiques est très rare quand même.

D'un autre côté, quand on a rencontré l'amour, il vaut mieux le manifester et par des dons, le rendre tangible quoi ! En d'autres termes, il faut montrer les valeurs invisibles du tout cash, pour qu'on puisse bien les compter, surtout pour l'avantage de la partie sollicitée qui aime bien voir. Car les mots sont souvent prodigues en effets, mais aussi facilement venteux que les gesticulations d'une langue versatile et changeante du serpent, et donc plus voluptueuse que voluptuaire. Ainsi, pour garder l'amour il faut le montrer comme on le fait paraventure dans les peintures de "La petite marchande d'amours", représentée par le peintre néoclassique Vien pour Louis XVI et sa Marie-Antoinette qui, historiquement, perdit la tête pour son mari tout de même. C'est un fait avéré même pour les complotistes du net en pleine révision de l'histoire des chutes de corps majestueux.

Souvenons-nous que la cour était raffolée de ces tableaux où l'on voyait une marchande sortir des petits angelots ou des amours ailés d'un petit panier, pour les vendre aux dames aisées et pré-romantiques déjà, dans leurs appartements aux marbres et à l'or fin de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Juste avant la révolution qui sut frapper le grand coup, qui engloutit tout le rêve dedans le panier dessous les vacillités exorbitées de la guillotine.

Et nous voilà, par ses détours controuvés des soupirs tranchants de l'amour, à nouveau rendus aux portes du négoce et des coffres à bijoux des vieilles familles, mais toujours en des valeurs sûres puisque dans le même temps elles sont du sentiment. Et donc aller vers les affaires du trésor ce n'est certainement pas aller au rebours de l'amour. D'autant que là où est notre trésor on y trouve également notre coeur, disait la sagesse babylonique. C'est comme la vieille histoire crapuleuse du chauffage par la cheminée ou par la chaudière pétroleuse si liée aux nécessités de la chaleur humaine par le simple et le prime contact charnel : Il y a toujours un combustible qu'il faut aller chercher à la cave coquine, après l'avoir extrait du sous-sol, ou trancher du bois même le scier à la sueur du front d'Adam et de nos actions qui craquent comme le feu des banques qu'elles doivent alimenter par la grande gueule.

Il faut donc compter sur tout ou faire feu de tout bois. Et surtout il faut miser sur le métal malréputé vil pour les philosophes, pour conserver le plus abondant fil d'or qui se sait vêtir les âmes des plus illustres amants de théâtre shakespearien aux robes tachetées de poison fécond, que nous sommes tous dans nos rêves solitaires à deux. C'est que nous sommes pris dans un monde qui se bat encore contre l'opacité du réel, dont nous ne pourrons jamais faire quelque économie. Et si nous admirions bien le concept même du paradis, il serait une sorte de chambre d'amour bien protégée dans un coffre du luxe éminemment aphrodisiaque dans la soie et l'or entretissés.

On dit que l'argent est aphrodisiaque ! et toute top-modello, qui aime shopper les vitrines en débord sur les boulevards, vous le confirmera en actes immédiatement, ainsi que leurs amants les plus francs et donc les plus chanceux dans cette affaire de love. Pourquoi pas un voyage de noces à Genève plutôt qu'à Venise ? ne serait-ce pas plus franc du collier avec les perles et tout. Le top-modello est une guéparde aux jambes si longues qu'elles la placent bien au dessus des brumes courbées des marais quémandeurs, et qu'elle est si légère qu'elle s'envole aussitôt que fouette la molécule schlinguante du médiocre à l'affût. Vrai qu'on aime tous l'argent parce qu'il garantit l'amour plus que la pauvreté qui n'en donne qu'une illusion très brève et toujours décevante. Un amour de vacance paraît plus riche et curatif.

Finalement, la pauvreté fait l'économie des objets destinés à incarner l'amour, comme elle ferait l'économie des corps en somme et quand ils sont indispensables aux frottements et donc à la combustion des sensations que veulent les sentiments. En d'autres termes, la misère entrave le don quand l'amour et la richesse le favorisent. Il en sort encore des valeurs sûres du panier des amours.

Demian West

La Presse dépressive.

Plus que jamais, il est de saison d'inciter à la panique. En effet, toutes les informations données par des médias en quête d'audience sont servies sur le mode des paniques festives et ludiques. Tout pour accrocher le client pas ses émotions qui le clouent dans son fauteuil devant la telly ou devant le moniteur.

C'est le point commun et de ralliement entre les maîtres des médias et leurs troupes qui ne demandent qu'à être poussées vers là où elles se précipitent d'elles-mêmes. Il n'est que de constater que, sur France 2, Pujadas annonça le non vote du plan Paulson comme une victoire de l'esprit de ruine. On sentit presque des souffles de joie jetés vers les jours à venir, qui assuraient d'être agonisants comme il faut au prime time. Puis en fin d'annonce, il donna en une phrase écourtée, que le plan serait probablement voté dans une reprise au lendemain. Mais sur un ton carrément déçu, que l'affaire s'acheva-là sur un monde apaisé.

Et sur le net se fut la grande foire de la reprise de cette nouvelle déjà dépassée : le plan était refusé. Au vu du nombre des articles qui titraient sur cette non nouvelle, et dès la lecture des premières phrases fanatisées, on comprenait aisément combien les internautes se réjouissaient de la chute du système américain et de la déconfiture de la civilisation occidentale dont ils ne sentent plus. Sinon pour laquelle raison devraient-ils se réjouir d'événements catastrophiques qui toucheraient leurs familles, les gens qu'ils aiment et toute la population qui ne leur a jamais causé aucun préjudice.

Alors, qu'il y a d'autres raisons de se réjouir. Les élites ont su dévier le tir et rétablir une situation propice à faire bientôt des affaires juteuses, comme on dit. Dans l'immobilier, les prix vont baisser et donc les acheteurs sont d'ores et déjà favorisés. Les établissement dont les valeurs s'effondrent en raison de la crise financière vont être rachetés par d'autres puissances et peut-être l'Europe a-t-elle là une carte historique à jouer.

Il reste que les annonces grandiloquentes de la chute du monde occidental sont ridicules, si l'on juge une cartographie apaisée du monde. Car la Chine devenue la première puissance mondiale ne saura jamais faire poids seul contre tout le monde occidental, qui est la plus grand puissance que le monde ait jamais connue. Ainsi, les droits de l'homme règnent encore et pour longtemps.

Enfin, les puissances de l'islam ont trop d'intérêts en jeux en Europe et dans tout le monde occidental. Aussi, quand bientôt l'occident aura su trouver l'alternative au pétrole qui se dessine déjà et heureusement, les pays de l'islam devront négocier avec l'occident et s'enrichir sur d'autres modes : le commerce est civilisateur et pacificateur.

Car au fond, le 11/9 fut probablement l'apogée et la fin du terrorisme et jamais l'annonce de la chute de l'occident. Puisque les terroristes ne pouvaient faire plus fort que d'effondrer les Twin Towers, sinon à user de l'arme atomique : ce que personne ne fera dans un monde où chacun veut que son monde continue de tourner ainsi qu'il l'a toujours connu, que l'on soit Staline ou simple balayeur à Plouc-la-ferme.

Et tous les pseudo journalistes du journalisme citoyen qui prétendent que l'occident est ruiné, comme ils prétendent que les USA auraient eux-mêmes explosé les tours emblématiques de leur puissance, ces faux journalistes sont comme des personnes qui se seraient réjouies en bas des tours de les voir ainsi vaciller et tomber.

D'une certaine façon, ils n'informent pas, mais ils agissent par l'effet de suggestion pour ruiner la confiance en un monde conservé, préservé et prospère. Finalement, on voit bien qu'ils sont atteints de dépression et qu'ils expriment leur malaise par leur Presse dépressive et moins citoyenne.

Demian West

J'accuse deux fois !

Prospective du journalisme citoyen censeur

Dans son projet préalable, le journalisme dit "citoyen" voulait donner la parole à chacun dans une société ouverte. Et à l'ensuite de péripéties sur plusieurs années, le paysage qu'offre ce journalisme a bien changé. Aujourd'hui, on assiste sur Agoravox à une pratique de la censure ciblée personnellement, systématique et sans aucune raison contre des propos modérés a priori et qui sont une simple expression de la pensée critique.

Quels sont les effets d'une telle censure ? tout d'abord cette pratique manifeste quotidiennement sa pratique même. Et donc elle dénonce, par ceux-là-mêmes qui ne le voudraient pas, leur pratique dont ils prétendent mensongèrement qu'ils ne la pratiquent pas, tout en la montrant à chacun et chaque jour.

Il s'ensuit que les auteurs ou rédacteurs qui voudraient encore agir ou s'exprimer dans cette ambiance troublée sont quasiment contraints d'agir dans ce sens hypocrite et donc de simuler qu'ils ne verraient pas ce phénomène, pour sauvegarder leur possibilité d'être diffusé et ne pas se heurter à leur direction, et quand ils ne sont pas rémunérés ni obligés.

En revanche, ils perdent donc beaucoup de leur intégrité et de leur moralité à tout le moins d'écrivant, sinon journalistique. Car le propre du journaliste est qu'il refusera de voir un confrère censuré ou tout simplement qu'un auteur le soit, sans critiquer immédiatement une telle pratique non conforme à la liberté d'expression. Les plus affiliés d'entre les rédacteurs vont jusqu'à tenter de légitimer et justifier la censure d'un auteur pour garantir la liberté d'expression, ce qui est non sens qui leur échappe par la raison de la mauvaise foi évidente.

Ainsi, la censure produit-elle lentement ses ruptures et un effet de séparation du corps qui censure d'avec la société ouverte. Et une pensée unique et autoritaire ou paranoïaque s'impose entre les murs qui pratiquent l'exclusion de ceux qui s'expriment librement. Et tout ceci se pose dans une atmosphère de non-dits qui deviennent une règle répressive qui agit par toutes voies de la peur et qu'elle est une violence contre l'esprit, mais aussi à l'intérieur des murs qui censurent et entre censeurs et complices.

Par ailleurs, tous les auteurs qui publieraient encore dans cet espace de dérive sectaire en viennent à être résolument déconsidérés ou plutôt dévalorisés par leur propre mutisme que la société ouverte pourra forcément interpréter comme une forme de lâcheté qui est toute à l'inverse du journalisme et de la citoyenneté véritables. De la même façon, les contenus des articles seront en tous points conformes au climat hostile à la pensée libre, qui a tout droit de s'exprimer et que ce droit lui est refusé arbitrairement. C'est le corollaire auto-suggestif qui sait incliner la pente des censeurs plus encore vers le bas, et qui, finalement, agit à basse note et sourde pour le censuré.

Car à la fin, le journal s'achève ou s'appauvrit entre personnes et rédacteurs d'une même pensée toute conforme à la pensée du fondateur qui aura su pixelliser son portrait en plaçant chaque rédacteur selon son gré et sa ligne idéologique. C'est la pente de toutes les entreprises humaines autoritaires et finalement despotiques, qui usent de la censure et qu'elles se présentent souvent sous des apparences mensongères, lesquels masques s'effacent à mesure que le vrai visage se dévoile par le biais des pratiques journalières.

J'ajoute que tout ce raisonnement est imparable puisque vérifié par l'histoire même de toutes les disciplines qui s'expriment dans le champ des humanités et depuis aussi loin que la liberté d'expression s'est imposée. Il y est question de phénomènes quasi physiques ou naturels, comme de l'eau qui sait aller partout où l'espace se libère et aidée par la pente vers le val buissonnant où tout l'esprit de réflexion peut enfin s'écouler librement.

Ce texte sera censuré sur Agoravox autant de fois qu'il paraîtra et sous des avatars divers pour tromper les censeurs : il sera toujours censuré parce qu'il fait peur à la direction qui censure et à la communauté des rédacteurs complices et puisque mon texte dit la vérité qui doit être tue sur Agoravox. Finalement la censure que ce texte va subir est la preuve même de ce que j'affirme, et c'est pourquoi je remercie mes censeurs d'être si conformes à la mécanique de leur pensée qui s'annule d'elle-même, comme l'histoire de la censure le dirait.

D'une certaine façon, ce texte offert aux ciseaux d'Agoravox se veut le "manifeste de la fin du journalisme citoyen" qui a déçu toutes espérances en ses promesses de liberté et de don d'expressions à tous et à chacun, désormais introuvables sous la menace perpétuelle de la censure.

Demian West

Tuesday, September 30, 2008

Le Classique Jeff Koons

Les oeuvres de Jeff Koons à Versailles ont provoqué naturellement des réactions hostiles et de soutien indéfectible à l'artiste contemporain. Il appert que ce fut exactement l'effet attendu par une telle manifestation. A tel degré que c'est une habitude prise par l'art contemporain et depuis le début du XXème siècle, et donc depuis les primes oeuvres de cet art.

On en conviendra donc aisément qu'il s'agit d'une réelle convention qui concourt à la survenue et à l'exposition réussie de cet art. Si bien que les contempteurs servent les auteurs mêmes qu'ils veulent critiquer. Ne nous cachons pas cette réalité que Jeff Koons était forcément ravi par les réactions hostiles qu'il a su susciter. Car à l'inverse, il en aurait perdu sa légitimité d'artiste contemporain, s'il avait provoqué des seules réactions favorables.

Il y a une sorte de formule manipulatrice dans cet art et sur le mode humoristique. Mais, les critiques s'y laissent toujours prendre, puisqu'ils réagissent de manière impulsive et toujours avec cet espoir d'un retournement de l'opinion contre cet art. Ce qui est de toutes les façons illusoire. Et même un baromètre des libertés. Car si l'art contemporain était généralement rejeté, ce serait le signe d'une régression vers le monde de l'ordre classique mais inerte.

En effet, tous ceux qui se réclament du classicisme hostile à l'art contemporain n'ont guère vécu dans un monde classique, mais dans ses restes ou dans des environnements qui ne correspondent plus aux mentalités qui les ont habités jadis. C'est une culture désormais muséale. Par ailleurs, les classiques contemporains ne sont guère choqués lorsqu'ils font leurs courses dans des supermarchés emplis de mauvais goût dans les rayons, et selon leurs propres critères de jugements. C'est simple, il leur suffit de sortir de Versailles et le kitsch est déjà à l'oeuvre à la rue même, et sans qu'ils en soient choqués, comme ils l'étaient dans les salons à Versailles.

C'est donc bien une sorte de rejet de l'art qui se manifesterait sous couvert de désir d'art classique. Car c'est bien le statut d'oeuvre d'art qui choque. Puisque ces objets du kitsch ou du mauvais goût sont parfaitement acceptés partout ailleurs. Et plus avant, c'est la personne de l'artiste qui est en jeu, puisque l'objet est baptisé "oeuvre d'art" par son seul fait de son choix créatif.

D'une certaine façon, c'est cette liberté du baptême des objets par l'artiste qui est rejetée par une frange activiste de la population, quand la majeure parties des gens a baissé les bras ou plutôt a reconnu la valeur ajoutée des objets dans notre culture prothétique. Qui ne sait pas que sans les objets et notre faculté de les acheter, nous serions condamnés à vivre réellement ? et à prendre conscience de notre état malheureux de personnes jetées dans la réalité sans plus d'autre ressources que de mourir à la fin.

Les objets de notre culture sont des bulles qui nous aident à respirer hors de la réalité. Ils sont une nature recrée et non hostile. Et c'est pourquoi, le kitsch néo-Disney de Jeff Koons manifeste un discours finalement hyper classicisant mais au vif. Puisqu'il voudrait créer une sorte de paradis kitsch et ouaté qui renvoie évidemment au programme du classicisme justement Versaillais : la recherche des origines et de l'âge d'or, quand la nature n'était pas hostile. Tout comme dans les parcs à thème de Disneyland avec leurs animaux audio-animatroniques qui ne dévorent jamais les visiteurs venus s'éjouir la journée.

Il ne faut pas s'y tromper, le classicisme versaillais c'était un spectacle de conjouissance extrême qui voulait extraire l'homme de la nature hostile, et vers un monde des objets uniquement rassemblés pour notre jouissance dans un beau excessif et surabondant. Il n'y a donc aucune contradiction dans la présentation et la monstration des oeuvres de Koons dans ces lieux de l'excès et depuis les origines du classicisme. D'une certaine façon, l'art contemporain provocateur a su rejoindre le discours classicisant, et parce qu'il est entré dans sa phase conventionnelle de la provocation, ce qui est très classique.

Demian West

Monday, September 29, 2008

Le Faux Journalisme Citoyen

De la même façon que toutes les entreprises collectives, les organes du "journalisme citoyen" cèdent aux pressions des fluctuations naturelles entre haut et bas. C'est ainsi que les débuts sont toujours montants, quand les phases au milieu semblent une croisière parfois vive, et vers des fins toujours inertes et du désenchantement.

Quand Agoravox a commencé à enfler de ses rédacteurs, la direction s'est vite jetée dans des chiffres qui étalaient des milliers de troupes. Mais chacun des rédacteurs était accepté et inscrit par un robot logiciel qui ne faisait pas le tri entre l'intervenant actif et le passant qui voulait seulement accrocher un badge aux couleurs citoyennes sur sa poitrine muette. Car au fond si peu ont parlé dans les colonnes du journal.

C'est que très vite, on vit des groupes surtout affairés à se gonfler les batteries par des multiplications de pseudonymes qui permettaient de faire illusion et de, finalement, tromper le lecteur dès les premiers mois de ce "journalisme" expérimental plutôt que réellement citoyen. Car au fond, le propre du citoyen en temps normal serait plutôt de lire que de parler en enflant le torse comme au pire grotesque des guerres et des fanfares.

Il y avait des rédacteurs qui écrivaient des articles régulièrement, et ils se groupèrent en un comité de rédacteurs. Et là, sous couvert de confidentialité et de mots de passe étrangement exclusifs de citoyens, ont débattait des projets à vocation d'installer cette nouvelle presse. Mais aussi, on y vit qu'il s'agissait, comme dans toute entreprise commerciale, d'installer les bases de conquêtes qui sont clairement de la mauvaise foi. Car d'emblée, on sentait bien qu'il n'était jamais question, ou comme d'un acte de trahison du clan, de demander des comptes à la direction de Carlo Revelli, ni même de critiquer un tant soit peu cette direction perpétuellement personnelle.

Quand ça commença à sentir le roussi, et parce que la direction ne savait plus comment modérer ou limiter un intervenant artistique, aussi citoyen que ses voisins et que je connais bien, le comité inventa le règlement de compte interne. Avec accusations de toutes les tares jetées sur l'individu qui n'obéissait pas aux règles de l'allégeance si installée que tous la confondaient avec la civilité, quand il s'agissait d'obéissance à une autorité non légitimée pour exercer un pouvoir citoyen : puisque non élue par le Peuple, ou par une de ses parties.

C'est ainsi que le malentendu naît et qu'on confond la liberté avec la servilité.

La pente naturelle fut qu'on évinça et sans raison l'artiste forcément, et parce qu'il agissait en personne réellement libre, indépendante, et en autarcie : ce qui était la condition de son discours libre et pléthorique comme une manifestation de sa grande force de vie, ce qui n'est toujours pas une tare dans une société qui voudrait bien se porter.

Il y eut d'autres péripéties et même électorales. Et dès qu'une poussée de fièvre agitait l'opinion dans le journal qui ne maîtrisait plus rien ni la justice en son sein, on avait le bouc émissaire désigné, comme il convient pour toute société sans lumière ni texte constitutif sauvegardant les droits de chacun. C'est qu'un journal dit "citoyen" n'est autre chose qu'une réunion de gens qui veulent tous s'exprimer également comme à la rue, et finalement, ça se termine en bagarre généralisée. Sous couvert d'échanges bien-mis en pages techniques et décoratives qu'on appelle le web 2 et des lopins de zéro.

La direction personnelle inventa le commentaire noté par chacun, les articles notés et toute la panoplie des mesures vexatoires qui devaient contenter les poussées pulsionnelles des personnes un peu perdues dans la société, et qu'elles n'avaient que cet organe de parole pour exprimer leur souffrance et par des accès d'une haine si régulière qu'elle finit par transformer ce journal en un champ médiatique d'une violence inadmissible.

Mais, on le constatait bien, la politique à court terme produisit une audience comme un blitzkrieg bref et sans espérance dans l'avenir. D'abord hausse des audiences en raison du pugilat autorisé qui attirait tous les frustrés de la société, puis chute progressive assurée par la lassitude et par le caractère répétitif et dépourvu de toute solution de débat sur ce mode violent.

Forcément, il y eut des critiques puis des réponses sous forme de censures et d'exclusions. A la fin, ceux qui étaient censurés s'en firent des titres de réputation de véracité. D'autres se sont jetés dans la révolte, et cette méthode prétenduement citoyenne parvint à transformer des agneaux en des loups qui se vêtaient de la vulgarité, ne serait-ce que pour être entendus par la règle ou la politesse des dents et des mâchoires qu'on constatait sur le journal.

Enfin, l'artiste s'y ennuyait tant qu'il délaissa le projet, pour des mois. Il savait que dans le même temps, il retirait à ce journal une grande part de transe de la dévoration. Puisque le bouc émissaire ne remplissait plus son rôle de détournement des vrais débats. L'échec devenait manifeste, car les meilleurs partaient. Et donc, la théorie secrète de Revelli qui voulait que chacun qui entrait dans le dispositif ne pouvait plus en sortir, elle se révéla morte.

Tant il est vrai, que les fondateurs de ce journalisme sont persuadés de la dépendance qu'ils créent et par des dispositifs techniques autant qu'informationnels. Et tout ceci est une illusion entretenue par ceux-là-mêmes qui y croient. Depuis des mois, l'audience baisse et les mêmes dialogues se répètent comme un vide qui se voudrait remplir un espace vide.

La raison est que le journalisme citoyen n'a pas de réalité citoyenne autre que toutes les activités dans la République. Il n'est qu'une activité de loisirs et rien de plus. C'est pourquoi, il ne s'exprime que sur le mode ludique. Par exemple, les dérives et délires autour du 11/9 qui sont de la fantaisie, les joutes interminables entre faiseurs de bons mots juste agréables pour la lecture mais pas pour un débat sérieux, les exclusions et censures comme on sort des joueurs au football... rien de plus.

Et, il va de soi, que c'est un journalisme plus proche des amuseries de la télévision, et si loin des articles de la Presse papier qui parle quand même d'événement, d'idées et de faits vérifiables. Le "journalisme citoyen" c'est le journal de l'homme de la foule qui veut s'amuser et se plaindre même du beau temps. On ne lui demande pas d'avoir fait des études ou de lire des livres gros et sans illustrations, non ! on lui demande de discuter le bout d'étiquette des grandes surfaces et au bistrot du coin.

C'est donc dans la dénomination inaugurale que les concepteurs de journaux citoyens ont trompé le citoyen. Car ils ne pouvaient sérieusement se convaincre qu'ils allaient trouver de l'information vérifiée en s'adressant à l'homme de la foule. En revanche, ils avaient besoin de la foule pour exister et se répandre en conquêtes économiques comme des apprentis Disney, qui voulaient amuser le monde selon les exigences les plus simplistes et les plus populaires.

Et c'est la raison de la contradiction énorme qu'on trouve entre un projet réellement citoyen et des entreprises marchandes qui doivent faire de l'argent à tout prix, et finalement en offrant des spectacles violents qui ravissent les peuples cruels et désenchantés qui tournent vite en spectacles d'esclaves.

Et c'est là qu'est l'imposture.

Demian West