Wednesday, July 18, 2007
La Joconde Inouïe au Clos Lucé à Amboise
Au Clos Lucé à Amboise, la Joconde revient en force. Jusqu’au 6 janvier 2008, on pourra se baigner dans son sfumato et dans toutes atmosphères peintes par Léonard de Vinci le métapeintre soi-même. Qu’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’un nouveau chapitre ajouté au roman de métro "Le Code... etc.". Non, il s’agit bien d’une exposition qui dépasse les bornes de la coutume vincienne. Car on y présente tous les états de la Joconde, que des peintres cosmopolites se sont appropriée pour en faire des oeuvres tant iconodules qu’elles en devinrent iconoclastes.
Jetons le décor du Clos Lucé. C’est un petit castel de style renaissance invraisemblable de préciosité et de raffinement ourlé dans la pierre. On y entre à quelques marches du château d’Amboise de François Ier et des Orléans. Mais avant tout ce fut le lieu où le méga Léonardo vécut et où il laissa son dernier souffle. Et dans le lit qu’on peut visiter, assez impressionné pour le coup de l’histoire universelle qui expira juste-là, dans un plumard si banal que tout en plumes et bois.
On sait que Léonard ne quittait jamais sa Joconde, ou ce fut elle qui ne le quitta plus. Car, il avait commencé cette peinture de charme à 51 ans. Ce qui donne un certain ascendant sur la jeunesse qui pose. Il a donc peint cette épouse de M. Giocondo, ce qui veut dire "heureux" ou en bon français du XIXe siècle "jocond". C’est la raison de ce sourire d’épouse contentée, qui porte son troisième enfant comme une madonne soit une "nativité", comme on dit en bon praticien de la théorie et de l’histoire des arts. En fait, tout le monde des arts, qui cause et qui peint, a sué sur le sens à donner à cette oeuvre définitive de la peinture et de la communication iconique.
On en dira simplement ce qui accorde tout le monde dans la standing ovation. C’est un miracle de peinture ! Il y a le sfumato unique qui bave de virtuosité millénaire. On n’y discerne plus le coup de pinceau, même traqué aux rayons X de la mort. Rien que de l’huile et quelques pigments qui savent nager dans le mensonge ou l’illusion comme les dieux olympiens eux-mêmes, quand ils veulent nous rendre fous. C’est le style de Léonard qui s’exprime dans cette atmopshère lissée comme une caresse du vent universelle. L’image et le portrait sont une photographie peinte à la main de la personne ou de la femme universelle et éternelle. En tant qu’elle baigne dans une atmosphère vive et si fermement fixée dans la matière qu’elle l’informe ou qu’elle la spiritualise.
C’est donc l’esprit même de Léonard qui est pris dans cette huile résineuse et plastique ou mouvante. Bien sûr, Léonard a mis trop d’huile et ça craque un peu aux endroits les plus passés et caressés. Mais le bois tient bon. Par ailleurs, la belle Monna Lisa a perdu de sa prime fraîcheur. Les joues sont moins roses et plus jaunies, comme si tout tournait à l’or qui cuivrait les anges dans les fêtes et les processions florentines.
Quand on va au Louvre on ose parfois se poser contre le public qui va à la Joconde comme on marche à genoux au Vatican. On y rencontre des marathoniens qui viennent des Australies pour un coup d’oeil du flash de quelques secondes, et voir l’amante qui nous regarde enfin. Nul doute que ça doit rendre fous quelques illuminés subitement frappés du syndrome de Stendhal en plein Louvre. Et qu’ils voudraient se convertir sur-le-champ à cette neuve religion, mais laquelle et de quelle déesse ? Vénus probablement, mais sur un mode assez chrétien ou italien, sinon de l’empire des sens romains.
C’est pourquoi, on peut comprendre tous ces pasticheurs de la Joconde. Duchamp le dada la barra de son LHOOQ très cochon. Aussi, la vit-on grimée de moustaches daliniennes comme suggérant un pubis souriant et buissonnant de la fantasmatique surréaliste. Depuis, on la poste dans toutes les versions warholiennes et people, pour bien montrer que Marilyn n’a qu’à bien se tenir à la voûte du firmament dans l’au-delà des stars déjà bien comblé jusqu’à la cave. Il arriva même qu’un obscur italien volât la Joconde, pour la garder quelques temps dans sa garçonnière. Et pour des accordailles forcées qu’il dut abandonner avant l’écrasement ou la castration définitive par la belle ultime. Pire encore, on accusa Apollinaire de l’avoir volée. Et il ne s’en remit jamais, car il voulut être naturalisé français, sans plus pouvoir obtenir cette nationalité française après le soupçon. Il s’engagea donc en 14, pour prouver son amour de la France et il se prit sur-le-champ un éclat d’obus et de gaz qui l’achevèrent lentement, quand la grippe espagnole lui mit sa dernière fièvre.
C’est grand merveille qu’il fallut tant de portraits du Christ pour asseoir une religion. Quand, un seul portrait d’une femme, assez peu connue, a su rassembler le monde entier et des siècles autour du culte vénusien plus sûrement perpétué que celui de la chrétienté. Cette Aphrodite ne sait-elle point entretenir et le désir et la pulsion dans nos canaux libidinaux qui font les plus belles peintures ? Et l’esprit ne sait-il point voyager par le biais de ces peintures, comme sur la barque solaire des antiques Egyptiens qui avaient vaincu la mort ? C’est probablement l’énigme que nous a posée la souriante sphinge vincienne...
Demian West
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