La fondation de l’Hermitage à Lausanne, en Suisse, présente le parcours singulier du plus séduisant des peintres de la seconde moitié du XIXe siècle. En effet, jusqu’au 28 octobre, on pourra passer "De la réalité au rêve" avec Henri Fantin-Latour, aux périphéries de la nébuleuse impressionniste.
On le sait, le XIXe siècle vit naître les groupes d’artistes d’avant- garde. Le modèle fut la constitution du goupe des impressionnistes, après la constitution de l’école de Barbizon soit l’École de 1830. Ces structures furent bâties selon des modes hiérarchiques assez traditionnels. Quelques hautes figures dépassaient naturellement de l’ensemble. Et principalement, les fondateurs y prenaient la part des lions, à l’instar de Monet et de Renoir ou Manet. La structure y était quasiment militaire, comme le terme "avant-garde" le présuppose amplement.
À la périphérie de ces courants, on trouvait des individualités touchantes et discrètes, dont Fantin-Latour. Le plus paradoxal fut qu’il peignit les grands portraits de groupes de ces avant-gardes nouvelles. Aussi, il s’installa seul dans ses collections d’œuvres délicates, et vouées à l’exploration picturale des fleurs et des natures mortes immarcescibles. Ses œuvres nous disent qu’il peignait comme s’il avait l’éternité devant lui. Un peu à la manière d’un peintre flamand qui serait perdu dans un monde impressionniste. Tout comme Chardin, son maître, fut un Flamand perdu au sein de l’Académie si admirative de ses morceaux de vie silencieuse.
Par ailleurs, la peinture de Fantin-Latour annonce les grandes recherches plastiques de l’art en soi, ou l’art abstrait. C’est-à-dire, qu’on sent, d’ores et déjà dans ses natures mortes, une volonté de construction abstraite de la forme pour la forme, vers l’harmonie des masses colorées. Tellement on voit qu’il étudiait le rapport des proportions entre les masses pour qu’une harmonie imparable monte par le biais de la composition. Bien sûr, on connaissait les œuvres de Lubin Baugin, qui donnaient à voir des natures mortes assez rationnelles au XVIIe siècle français. Mais, les pétales des roses de Fantin-Latour ont cette délicatesse qui exprime plus le sentiment de l’harmonie des Grecs, ou de la symmetria qui devait suggérer le Beau, par le doux équilibre apaisant du rapport des proportions élégantes des formes et des couleurs.
Par d’autres voies, assez proches de Gustave Moreau, Fantin-Latour inventa de nouvelles mythologies. Il imagina une nouvelle rhétorique de la restitution ou de la représentation des mythes, assez fébrile ou vibrante. Tant et si bien qu’on y sent son toucher sensible, à la pointe de son crayon lithographique ou de son pinceau. Et sans que jamais, il cherchât à faire de l’imitation de Manet, ou de tout autre goût qui serait immanquablement à la traîne des phares alexandrins des groupes impressionistes ou réalistes. Certes, il s’opposa à Courbet, mais pour savoir tracer une voie bien singulière, au travers des fleuves immenses qui allaient bientôt tout emporter.
C’est une excellente raison d’aller à la Fondation de l’Hermitage, qui est, dans le même temps, un lieu admirable pour jeter un regard nostalgique sur les étendues turquoises du Léman et sur la marine suisse. Et par-dessus l’épaule des œuvres de Fantin-Latour, qui ne sortent pas souvent des cartons et des salles obscures des musées assez ingrats pour l’individu isolé, comme celles d’un génie encore négligé pour peu de temps. Nous vous invitons donc à rester plus longtemps près des roses "intellectuelles" de Fantin-Latour, qui sont inoubliables dès lors qu’on a inspiré leurs fragrances picturales avec nos yeux neufs.
Demian West
Wednesday, February 07, 2007
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