Dans la rubrique des scandales, et plus intimement dans la salle des pas perdus des arts contemporains, nous avons tous entendu ce flot de paroles surgies autour de l’artiste Rindy Sam qui a osé embrasser un tableau blanc de Cy Twombly. Depuis quelques jours, les débats sont ouverts entre le tribunal et la presse spécialisée. Et tout au bout de la table de la nappe blanche des polissonneries, il y a le public qui se marre.
En effet, il est de bonne conversation avec sa concierge de ne plus évoquer le temps pourri qu’il fait en août. Pour aussitôt en mettre une nouvelle couche de blanc aveuglé sur l’art contemporain qui nous prend tous pour des vandales. Du moins dès qu’on ose l’embrasser dans un coin de sa toile. On notera que, pour cet art des musées trop lissés, il n’est même plus question... de questionner l’art. Dans le sérail, on sait depuis des lustres que l’art contemporain aime à paraître énigmatique, fermé, mystérieux, en un mot : inaccessible. On évoque même (tenez-vous bien au pinceau nous retirons l’échelle) : de l’art contemporain et de son "non-public". C’est un lieu commun de l’art d’aujourd’hui, tout comme je vous le dis.
On attend naturellement des vamps du cinématographe qu’elles se défilent toujours au seuil de la chambre à coucher, qui est quand même le lieu de l’art. En art contemporain, c’est tout pareil. Les arts actuels adorent être aimés, pour disparaître aussitôt qu’on prononce le terme "art". Car ce qu’on retient de l’affaire, c’est qu’une femme belle et séduisante n’a pu se retenir de baiser la surface d’une oeuvre, qui est une manifestation de l’artiste. Et donc le tableau, qui est un peu de l’artiste lui-même, aurait été violenté par cette femme, mais assez doucement comme le lait ou le miel. On le reconnaîtra si aisément qu’on l’envie même. D’ailleurs, on n’a pas constaté de trace de violences dans le rouge qui est mis. Pourtant, l’auteur Cy Twombly se dit terrassé par cet outrage. Et que pis encore, il parle de "viol". On comprendra qu’il n’aime pas tant les manifestations de la love. Ce qui est une sorte d’émasculation de l’art par lui-même, sinon de l’auteur étrangement absent. On ne voit que le commissaire de l’exposition et ses banquiers dans l’ombre derrière.
Et tout ceci fleure lourdement le bon vieux coup de pub réciproque qui se terminera vraisemblablement au banquet de la Gazette des tribunaux. Là, où toutes les affaires s’arrangent autour d’un verre. Ce qui est un comble pour une affaire de rouge sur fond blanc.
A la vérité, on a traîné cette jeune femme devant le tribunal, et pour un seul baiser. Et tout ceci se passe en France chrétienne à l’autre bout de la Chine et de ses talibans exterminateurs de baisers à la Doisneau. Certes, Rindy Sam est un peintre et pas très bon, même pas bon du tout. Elle nous pardonnera nos critères trop gravés à l’acide des concours. Mais alors, quel geste duchampien ! Puisque ce qu’elle a fait, toutes les avant-gardes du premier XXe siècle l’ont tenté et enseigné. Tout d’abord, il faut provoquer la manifestation quasi psychanalytique du propre déni d’art des académies, par les académiciens eux-mêmes si installés que stérilisants. Ensuite, il serait utile de démontrer le caractère répressif d’un art de quasi prêtres voués au célibat d’avec leur public, bien détranché de la scène du lit. Jusqu’à ce que Rindy Sam sut introduire à nouveau la vie ou de la spontanéité dans la scène artistique. Tout comme Dada, Fluxus et Kaprow le créateur du happening le firent en leur temps.
Et ce n’est pas étonnant, à notre époque, que des personnes, non issues du milieu des arts picturaux, s’expriment enfin par des performances spontanées ou préparées qui semblent plus de l’art contemporain que l’art des musées qui est blanc comme intouchable. On pense aux actions des néo-écologistes, comme la très fameuse et turbulente Zara Whites qui s’est exposée quasiment nue ou simplement vêtue de signes de boucheries sur son corps. Dans ce qui parut un véritable happening de profanation de la rue en Hollande et du Marché international aux bestiaux dépecés. C’est-à-dire, en des actions d’Agit Prop des nouvelles avant-gardes, qui sont en tous points conformes aux critères des arts contemporains.
Le pire est que Rindy Sam est désignée par la presse comme réputée coupable. Quand elle est surtout "coupable" d’avoir bien senti l’appel que Cy Twombly a posé lui-même sur cette toile, si blanche qu’elle demandait une marque indicielle pour enfin l’animer d’une vie contingente. Et cette affaire exprimerait presque qu’un acte vif ou qu’un simple baiser pourrait basculer toute la sphère d’un art devenu trop polaire. Si polaire qu’il ne reconnaît plus l’effet qu’il fait sur le public qui l’aime.
Il y a fort à parier, que Rindy Sam tienne là une excellente occasion du skandalon pour se tailler sa place au soleil dans le monde des arts, mais certainement avec l’assistance d’une bonne communication et d’un avocat télégénique. Quant à Twombly qui n’était pas si connu en France, désormais il l’est ! Et par le biais de ce baiser qui lui donne plus qu’il lui prend.
Demian West
Friday, August 17, 2007
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