Du 21 octobre 2007 au 27 janvier 2008, le Museum of Fine Arts de Boston déroule le tapis pourpre d’une exposition vouée aux "Symboles du pouvoir napoléonien - Et l’art du style Empire de 1800 à 1815". C’est donc du grand velours qu’on nous déroule sur les murs tous vert et or comme les feuilles du plus puissant Robur des monarques alexandrins.
C’est par ce vert que nous commencerons ce voyage pérégrin dans l’Empire. Cette couleur devint une sorte de leitmotiv de fond dans la peinture de David sous la Révolution. On se souvient du Marat assassiné et son fond vert qui relève de l’abstraction décorative et du grandiose dans le moyen format. C’est un emprunt à la peinture anglaise qui jetait son influence considérable dans l’époque néoclassique vouée au duetto passion-raison, qui s’achevait avec la chute de Louis XVI et de la Révolution qui tomba aussi sur le roc Napoléon.
L’Empire venu, il fallait démontrer l’hégémonie dans des signes manifestes venus de l’Antiquité, soit de l’âge d’or. Après les campagnes d’Egypte, l’Europe entière découvrit plus amplement l’art des Pharaons par le biais de la nouvelle science des archéologues que Bonaparte avait invités à ses conquêtes. Puis, on assista à une débauche de décors construits de pyramides et d’obélisques et de sphinges faisant irruption dans la modernité. Les architectes Percier et Fontaine déclinèrent les attributs orientalisants, en des débords d’ajouts sur le style néoclassique le plus rigoureux et puriste.
Dans le mobilier, les meubles créés par la dynastie Jacob évoquent les formes des sièges curules et des appartements romains, sobres et austères du dorique avec des ajouts d’appliques en bronze ou en bois dorés sur l’acajou. On y trouve des abeilles et des ruches indicielles de la communauté des individus ouvrieux et sacrificiels au tout et donc à la nation. Tout exprimait l’ordre par des symboles riches et voluptuaires. Des aigles et des renommées, ou des figures armées de foudres de gloires jupitériennes, assuraient qu’on était en pays d’Empire quasi éternel. Et les oeuvres du peintre David n’évoquèrent plus tant les premières heures de la République romaine, mais un Empire définitif et espacé sur tout le monde connu, jusqu’au limes des barbares extérieurs comme on le dirait des Ténèbres.
Il reste que ce style Empire fut une sorte de préscience formelle d’un autre empire plus industriel qui venait. Les décors en appliques sont devenus un élément de la gabegie bourgeoise quand on découvrit l’aluminium à bon marché sous Napoléon III. En effet, les chaînes de la manufacture, puis de la fabrique, multiplieront ces décors du kitsch, jusqu’au dégoût du manque de goût. Par ailleurs, les premières machines à vapeur de l’industrie seront décorées par de fausses colonnes empruntées aux temples grecs. Ces décors antiques furent bien apposés dessus les machines pour cacher les nouvelles formes mécaniques du nouvel empire libéral et capitaliste. Ces formes des machines étaient supposée laides car mécaniques, de "moechus" soit "débauché".
Aussi, quand nous voyons ces meubles et ce style Empire des années 1800, nous comprenons que leurs formes simples ou géométriques furent déjà des machines ou des mécaniques en soi du pouvoir. En effet, le néoclassicisme a décliné les formes pures platoniciennes que sont le cube, la sphère et la pyramide. Et il se trouve que les machines des temps modernes se sont constituées selon ces même formes, dont l’élégance a été révélée par le design créé au Bauhaus dans les années 1920 en Allemagne.
Cette constitution d’un monde et d’une cité platonicienne presque atlantéenne, c’est-à-dire selon des formes géométriques et paradigmatiques ou philosophiques, sont certainement les plus évidents signes du pouvoir de l’Empire - et des philosophies maçonniques aussi - qui y contribuèrent. Et qu’elles sont toujours actives au XXe siècle si l’on en juge par le grand axe Décumanus à Paris, selon les trois postes que sont la Géode sphérique de la Villette, puis la pyramide du Grand Louvre et enfin le cube immatériel de la Grande Arche de la Défense.
Demian West
Monday, August 27, 2007
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