Jusqu’au 25 mai 2008, le Musée d’Art et d’Archéologie de Columbia aux Etats-Unis s’ébroue et piaffe dans le Paris du XIXe siècle du grand Honoré Daumier. Il fut un lithographe surabondant et peintre aussi. Enfin, ses bustes caricaturaux des députés de l’Assemblée sont exposés à Orsay toute l’année.
Il s’agit probablement d’un artiste le plus populaire en France, en raison de ses innombrables lithos décrivant les arcanes ombrageux des coutumes du monde de la Justice. Il faut tout de suite préciser que le petit Daumier commença en garçon de course pour un cabinet d’avocats. Et qu’il avait déjà ce don très précis pour l’observation.
Il fréquenta sa société avec une telle assiduité tétanisée, qu’il fit aussitôt de la prison pour avoir caricaturé le roi Louis-Philippe. Et qu’il en prit tout de même pour six mois. Ce qui le guérit profondément de jamais recommencer d’une manière si frontale, en ces temps de la censure venue d’en-haut. Quand elle vient d’en-bas au XXIe siècle des journaux citoyens.
Daumier mit en scène l’escroc Macaire pour dénoncer tous les travers de la société marchande et des services frelatés, aussi de tous négoces des trafiquants d’espérances. On le vit illustrer Balzac forcément. Et avec la veine d’un Rubens qu’il admirait. Et dans les temps de la dictature bourgeoise du second Empire, il inventa Ratapoil qui tirait toutes les malheureuses casseroles de son temps, si propice aux riches et si impitoyable pour les pauvres qu’on pense immanquablement à une sorte d’apartheid souverain.
Daumier lui-même finit dans la misère coutumière des artistes véritables. Si Corot ne lui avait prêté ou offert une maison à Valmondois où il s’est éteint loin de Paris. Il était proche de Millet, ce qui se sent dans sa peinture massive aux teintes luministes presque à la Rembrandt. Et qu’il semble avoir pris ces teintures dans la période dite "visionnaire" de Millet. Aussi, il peignait des pauvres dans des statures de héros, tous pareils aux futurs gueroïs de la Russie soviétique, et toujours selon les critères bien tournés par Millet.
Son plus ardent modèle fut probablement Fragonard et sa touche légère et hâtive, pour dire l’essentiel. Mais Daumier n’était plus dans le XVIIIe siècle des fins plaisirs. Il avait été jeté malgré lui, dans le grand siècle du partage des richesses du monde entre d’une part les bourgeois, et d’autre part le prolétariat ferré dans le labo du grand Marché capitaliste que fut Paris au XIXe siècle.
D’une certaine façon et avant Manet, il sut montrer combien les figures parisiennes tenaient de la noblesse antique dans leurs vêtements noirs et dans leurs contraintes sociales. Et conformément au propos de Baudelaire qui avait bien senti le caractère définitif de la cruauté, que le XIXe siècle avait installée dans les échanges au plein des mégalopoles désormais perdues en roue libre.
Daumier était cet artiste véritable qui n’ajoutait pas du sens à son art descriptif. Au contraire, il a bâti son oeuvre entier tout autour de la description dénonciatrice. Tout comme un auteur littéraire l’aurait fait avec la force primitive et brutaliste des mots. Car ce sont bien des histoires du XIXe siècle que Daumier nous donne à voir. Et mieux que si nous y étions. Puisque nous en comprenons même des éléments qui perdurent encore de nos jours au XXIe siècle. Quand la société du Marché a tout vaincu et qu’elle s’est étendue sur le monde entier et même l’internet.
Demian West
Tuesday, August 28, 2007
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