Hier, votre humble narrateur s'est introduit dans le complexe MK2 dans le 13è arrondissement à Paris, pour y voir le nouveau crime cinématographique et shakespearien de Kenneth Branagh. Le complexe était fermé, car il était trop tôt, et je ne sais par quel biais j'étais parvenu à l'intérieur, quand un cerbère me hèla en me demandant qui j'étais. "Demian West ! mais je crois que nous ne nous connaissons pas". La séance de flûte commençait mal sinon en traversière du champ miné. Hormis que la belle-amie que j'attendais -- et qui était la vraie raison pour oser voir un film de Kenneth -- fut venue. Donc nous allâmes voir "La Flûte Enchantée" de Mozart par Branagh.
J'avais, bien sûr, apprécié la version de "La Flûte" par Bergman dans les années 70'. Une version miraculeuse qui m'avait définitivement scotché à mon âge mental, depuis lors. Bergman y avait tout mis : l'opéra ; les décors baroques, et tous les symboles maçonniques -- qu'on pouvait aisément décrypter, pour en citer quelque lopin faussement dévoilé pour impressionner dans les dîners-de-vilains.
Je ne saurais dire quelle intention prit Kenneth Branagh dans ces plus démagogiques instincts, pour qu'il voulut mettre l'opéra si bas que chacun puisse y trouver la version de sa propre cantine. Tellement Branagh a su fourrer dans ce mythe initiatique -- qui va de l'enfance vers l'idéal des vertus citoyennes -- un bazar de citations visuelles si embrouillées qu'elles ôtent toute viande solide à ce plat de roi. Puisque c'est un des meilleurs opéras du monde qui est ainsi mis en pièces : entre des visions des tranchées de 14-18 et leurs fameux poilus aux brushing savants (car nous sommes quand même à l'opéra). Vers des vues d'un Château de Chambord envahi par des prolétaires désoeuvrés, comme dans un bordel bourgeois, et peu maçons pour le coup de maillet.
Pire encore : des femmes, bien-charpentées, y battent leurs hommes sur la tête, comme elles planteraient des clous ou des crucifiés à leur bois, quand elles ne nous clouent pas à notre bois de fauteuil. Et tout du long du film, qui en devient une apologie de la mysoginie, très éloignée du livret de Schikaneder. Au point de non-retour : on entre dans le temple initiatique gouverné par un Zarastro, censé être un prêtre des mystères d'Isis et d'Osiris, qui prend ici des allures de Staline. Mais d'un Staline en chantier : en chemise détroussée du Stakhanov, il achève la fantaisie néo-communiste de Branagh, par la construction d'une statue de Tamino et Pamina, en héros ou "gueroï" de l'Union Soviétique qui tiennent la flûte enchantée comme ils tiendraient, à bout-de-Marx, la faucille même de Georges Marchais, en moins drôle.
Ah ça ! On y rit nerveusement, quand on voit ce couple en figurine kitsch dessus la pièce montée, et pâtissée en château de Chambord, pour le mariage du couplet à Chantilly. Franchement : Branagh voudrait grand mal à Mozart, qu'il n'aurait pas autrement brisé, au hasard, des os dans la fosse communiste du cimetière "Saint-Marx" (vous ne rêvez pas c'est écrit dans tous les guides touristiques) à Vienne.
Pire encore : ce sont des chanteurs d'opéra qui tiennent les rôles-titres, mais filmés de si près, que le tout prend rapidement des airs de mauvais jeu absent, comme on en voit dans les films porno. Quand les acteurs, certes excellents dans leur office de flûtiste très spécialisé, ne joueraient un rôle que pour donner prétexte à la jouissance sensuelle. Il est vrai qu'elle est bonne...la musique dans le film promo de Branagh !
La flûte de Branagh semble donc un peu pipée : soit Kenneth voulut outrer le public ou la critique, pour s'ouvrir net les pires veines du buzz ; soit il aurait confondu l'art du cinéma avec le collage de ses fantasmes qui voudrait règler son compte à son oedipe coincé dans la Branagh ; soit il voudrait mener le cinéma à son état ultime, vers la bande son, par-delà le visible et qu'on devrait y aller pour le voir les yeux fermés...
Ce film serait donc un probable désastre pour ceux qui découvriraient "La Flûte Enchantée" de Mozart, par ce biais-là. Pour les autres : accompagner ce nouvel enterrement de Mozart causerait simplement une dépense inutile comme une bulle en ces veilles de fêtes, et qu'on s'y casse vite une flûte à ce chantier-là.
Demian West
J'avais, bien sûr, apprécié la version de "La Flûte" par Bergman dans les années 70'. Une version miraculeuse qui m'avait définitivement scotché à mon âge mental, depuis lors. Bergman y avait tout mis : l'opéra ; les décors baroques, et tous les symboles maçonniques -- qu'on pouvait aisément décrypter, pour en citer quelque lopin faussement dévoilé pour impressionner dans les dîners-de-vilains.
Je ne saurais dire quelle intention prit Kenneth Branagh dans ces plus démagogiques instincts, pour qu'il voulut mettre l'opéra si bas que chacun puisse y trouver la version de sa propre cantine. Tellement Branagh a su fourrer dans ce mythe initiatique -- qui va de l'enfance vers l'idéal des vertus citoyennes -- un bazar de citations visuelles si embrouillées qu'elles ôtent toute viande solide à ce plat de roi. Puisque c'est un des meilleurs opéras du monde qui est ainsi mis en pièces : entre des visions des tranchées de 14-18 et leurs fameux poilus aux brushing savants (car nous sommes quand même à l'opéra). Vers des vues d'un Château de Chambord envahi par des prolétaires désoeuvrés, comme dans un bordel bourgeois, et peu maçons pour le coup de maillet.
Pire encore : des femmes, bien-charpentées, y battent leurs hommes sur la tête, comme elles planteraient des clous ou des crucifiés à leur bois, quand elles ne nous clouent pas à notre bois de fauteuil. Et tout du long du film, qui en devient une apologie de la mysoginie, très éloignée du livret de Schikaneder. Au point de non-retour : on entre dans le temple initiatique gouverné par un Zarastro, censé être un prêtre des mystères d'Isis et d'Osiris, qui prend ici des allures de Staline. Mais d'un Staline en chantier : en chemise détroussée du Stakhanov, il achève la fantaisie néo-communiste de Branagh, par la construction d'une statue de Tamino et Pamina, en héros ou "gueroï" de l'Union Soviétique qui tiennent la flûte enchantée comme ils tiendraient, à bout-de-Marx, la faucille même de Georges Marchais, en moins drôle.
Ah ça ! On y rit nerveusement, quand on voit ce couple en figurine kitsch dessus la pièce montée, et pâtissée en château de Chambord, pour le mariage du couplet à Chantilly. Franchement : Branagh voudrait grand mal à Mozart, qu'il n'aurait pas autrement brisé, au hasard, des os dans la fosse communiste du cimetière "Saint-Marx" (vous ne rêvez pas c'est écrit dans tous les guides touristiques) à Vienne.
Pire encore : ce sont des chanteurs d'opéra qui tiennent les rôles-titres, mais filmés de si près, que le tout prend rapidement des airs de mauvais jeu absent, comme on en voit dans les films porno. Quand les acteurs, certes excellents dans leur office de flûtiste très spécialisé, ne joueraient un rôle que pour donner prétexte à la jouissance sensuelle. Il est vrai qu'elle est bonne...la musique dans le film promo de Branagh !
La flûte de Branagh semble donc un peu pipée : soit Kenneth voulut outrer le public ou la critique, pour s'ouvrir net les pires veines du buzz ; soit il aurait confondu l'art du cinéma avec le collage de ses fantasmes qui voudrait règler son compte à son oedipe coincé dans la Branagh ; soit il voudrait mener le cinéma à son état ultime, vers la bande son, par-delà le visible et qu'on devrait y aller pour le voir les yeux fermés...
Ce film serait donc un probable désastre pour ceux qui découvriraient "La Flûte Enchantée" de Mozart, par ce biais-là. Pour les autres : accompagner ce nouvel enterrement de Mozart causerait simplement une dépense inutile comme une bulle en ces veilles de fêtes, et qu'on s'y casse vite une flûte à ce chantier-là.
Demian West
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