Le 13 décembre, le Time a encadré le portrait de la personnalité de l’année 2006 sur ses murs en couverture du magazine. On y découvre un ordinateur avec son moniteur tout réfléchissant des idées géniales et des traits de la saillance de cet homme génial, si qu’il incarne la réussite même à notre époque. Et cet homme c’est : Vous ! ou You ! c’est vous qui voyez...
Aussi collectivement : car le Time a tout bien considéré que ce seraient les communautés de blogueurs, et donc chacun d’entre eux, qui viendraient de basculer le monde, et par des transformations désormais irréversibles. La connexion dendritique n’a-t-elle pas mis en liens tous individus entre eux, et sans plus trop d’égards pour des élites qui faisaient le monde et l’espèce, jusque-là et selon la coutume ancienne ? Aujourd’hui, on voit sur le Net les plus triviales assemblées régner sans honte et partout dans le même temps, worldwide et night & day : ce serait la neuve démocratie, selon le bordel d’une chambre d’étudiant américain et consultable librement en image de fond sur YouTube ou sur MySpace.
Mieux encore : les commentateurs du Web fracassent tous les protocoles de la vieille étiquette vigoureusement décollée des planches piquetées de vers du saloon à papa. Comme le faisait Steve Mac Queen dans le Wild West, qui ressemble trop aux espaces dévastés de la nouvelle frontière Internet, pour qu’on n’aille pas voir par là si l’homme de l’année y était encore en débat disputeux avec les cowboys de l’amour vache. Vrai, les historiens n’ont-ils pas considéré que la période du Wild West, qui allait de 1860 à 1890, était en fait une véritable guerre civile ? Comme un effet de traîne de la Civil War des années 1860 qui fit la sécession entre le Nord et le Sud ? Puisque cette période du Far West vit s’installer, dans le pire tumulte, l’ordre et la loi dans ces territoires à peine explorés, et par des personnalités irruptives souvent polémiques et singulièrement à risque. Ainsi, des aventures de Wyatt Earp à Dodge City - qui fut la pointe du réseau du chemin de fer et du droit occidental. Et que ces gunfights furent symboliques de toute cette transformation lentement romantisée par le cinéma.
C’est un peu des interrogations qui se précisent aux Etats-Unis, quand des pandits du Web tel Jaron Lanier évoquent à escient que la personnalité de l’année prend parfois les traits de pseudonymes rassemblés par toutes queues en des effets de meutes qui seraient comme un début de la résurgence d’autres mouvements plus collectivistes, et du XXe siècle. Lesquels nous mèneraient du lynchage "in the west" aux manifestations des foules prolétaires ou révolutionnaires qui savent basculer toutes les places du pouvoir, avant d’en installer d’autres formules. Toujours est-il que tous y perçoivent une révolution qui est à l’oeuvre, et qu’elle sait changer le monde autant qu’elle peut changer la façon de le changer.
Ainsi, ce miroir en couverture du Time signifierait-il aussi qu’on ne devinerait plus assez qui pourrait vraiment incarner une personnalité remarquable, aujourd’hui aux yeux du public. Quand Bush joue les terreurs qui mordent le sable irakien. Quand le président iranien lui répond sur le même ton des coquelets duellistes, qui s’affrontent sur la place du prime time au centre du village global. Aussi, quand la Corée use d’une diplomatie média qui sait lâcher tout le lexique du nucléairement incorrect. Enfin, quand toutes ces éminences mondiales qui devraient naturellement tirer cette couverture du Time à soi par toutes marques d’excellence, quand ces élites glissent si aisément dans l’errance. Et donc, qu’elles lâchent cette une prestigieuse (sinon la tribune pour le siècle qui vient) pour la laisser à de simples inconnus innombrables, qui viennent subrepticement de rapter la planète entière, et par une porte à peine dérobée. Et pire ou mieux encore : depuis chez You, devant votre moniteur (Oui ! Vous !) de la personnalité de l’année 2006.
Demian West
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