Tuesday, April 24, 2007

Boris Eltsine a rendu l’âme russe




L’ancien président russe Boris Yeltsine est mort à 76 ans, d’avoir été trop bon vivant. Il était le personnage emblématique du passage de l’ère soviétique à la société de marché en Russie. Tout droit issu de l’appareil ou de la fabrique des grands héros de l’Union soviétique, il s’était extraordinairement accoutumé aux avantages de la société libérale qu’il avait installée, après le sas politique Gorbachev. Plus Politburo encore : il sut laisser toute la boutique vide et la queue devant à son protégé Poutine prélevé au KGB. Car pendant ces entregents communistes et libéraux, les affaires continuent.


Il faut reconnaître que Eltsine savait jouer de ses panoplies d’images très humaines, qui allaient du politicien réaliste et brutal au camarade assez franc et si près des gens qu’il buvait avec eux un coup de trop avant d’aller aux harangues populaires si enivrées à sa gloire. Ce qu’il reconnut dans ses mémoires épais qui lèvent le coude. Souvenons-nous, on le vit tantôt sur un tank et face à la Maison-Blanche et surtout face aux photographes de l’Histoire elle-même. Comme une peinture ou une statue du courage des soviétiques contre eux-mêmes. A cette occasion ce fut pour contrer des putschistes oubliés depuis, quand tous les esprits ont retenu cette image d’Epinal du plus grand résistant gaullien de l’opéra de Moscou.


Du grand art d’agit prop néolibéral. Et qui nous a bien enseigné que la persistance des grands Etats en Asie se sait primer sur les masses et les destins des individus moyens ou petits. Et que, pour mener ces masses et pour les gouverner, il y faut des natures d’Hercule ou de dragons exagérés et outranciers qui sont, dans le même temps, des personnages du théâtre énorme. Ces vastes natures terribles apprennent à manoeuvrer et à manipuler des vagues et des masses populaires infinies, par le biais de feintes transmises par la tradition politique en ombres chinoises.


Vraiment, tout était effet de manche chez ce briseur de glaces. Quand il fracassa le protocole US par un éclat de rire qui sut faire l’économie de longs palabres diplomatiques. Ou quand ce rire achevait quelque contrat comme une signature singulière et vive apposée entre les deux grandes puissances, entre l’ours et l’aigle chauve. Vrai, Clinton sut lui donner la réplique pour le grand bêtisier des fous rires, certes impromptus, mais juste là où il fallait pour la bonne prise dans le drink. Ainsi, Eltsine était-il tout l’inverse d’un Mitterrand figé dans son masque si pharaonique que jamais ridé par aucun sourire, selon les conseils pratiques d’une sage Catherine Deneuve qui ne vieillit jamais.


A l’inverse, Eltsine a donc bien veilli et profité (on s’en doute), en Falstaff inoui de la politique des ogres qui paraissent des bonshommes. Et finalement, c’est probablement ce théâtre et cette bonhomie feinte qui sut mettre de l’huile dans le pire rouage incontrôlable du passage incertain du communisme à son contraire. Car, il y fallait un Polonais doux et amer comme l’épée du dogme, Jean-Paul II, et un Russe un peu versé dans la vodka pour bricoler cette machine-là du XXe siècle, et finalement désamorcer cette bombe froide qui fit long feu pendant 70 ans.


Demian West

No comments: