Wednesday, May 30, 2007

Les Masques Papous à Branly

Le nouveau musée du Quai Branly est un espace un peu étranger qui nous ouvre aux arts premiers de la Papouasie et plus précisément de la Nouvelle Irlande, jusqu’au 8 juillet 2007. En effet, il est bienvenu que les cubes futuristes de l’architecte Jean Nouvel accueillent ces arts du masque. Car l’architecture du musée Branly renvoie aux constructions de l’abstraction des années 20 et 30, qui devaient elles-mêmes beaucoup aux arts appliqués des Indes. Les arts appliqués orientaux et les arts premiers influencèrent directement l’art occidental, après les expositions universelles à Paris autour de 1900.

Toutefois, la persistance de la géométrie dans l’art du XXe siècle est venue de plusieurs sources. D’une part, la mécanisation et la rationalisation des formes s’est imposée par les nécessités de la société industrielle. Mais aussi, il est un biais plus primitiviste. C’est Baudelaire qui appela au retour des formes primitives ou premières, après qu’il avait vu les portraits d’Amérindiens par le peintre Catlin au mitan du XIXe siècle. Le divin poète et critique d’art eut la vision de l’aristocratie très antique de ces sauvages qui aimaient les couleurs franches et les formes synthétiques ou abstraites. Car les qualités formelles de leurs parures lui semblaient bien plus parlantes à l’esprit que les oeuvres ordonnées de l’art académique. Ensuite, le symbolisme de Gauguin acheva cette sorte de retour polynésien à la vie sauvage. Par un voyage que l’artiste fit vers le Pacifique et aussi au-dedans de l’Occidental qu’il était, et qu’il sut se transformer en barbare retrouvé.

Dans le même temps, à Paris, on aimait à simplifier les formes des décors. L’Art déco s’était inspiré des études et de la géométrisation du monde floral, d’abord curviligne dans le style de l’Art nouveau en coup de fouet. Puis la nouvelle synthèse vint aux formes plus quadrangulaires du style Art déco. Finalement, les cubistes ont su imposer le carré qui était le module et le motif central dans les assemblages des décors de l’artisanat indien et oriental.

Mieux encore : on sait que la culture indienne dravidienne vient des peuples de la mer et de l’océan. Par le biais de Mohendjo Daro, c’est-à-dire de la capitale très antique de la Grande Désse Mère, et découverte au bord de l’Indus. Aujourd’hui, nous savons que la culture indo-européenne est venue en partie des voyageurs ou des explorateurs primitifs qui s’espaçaient dans tout le cinquième continent, soit dans l’océan Pacifique. C’est le continent de l’élément aquatique, presque sans terre et sans enfer, et donc sans divinité souterraine. La sagesse des peuples en a gardé le souvenir d’une culture paradisiaque d’îlots toujours verts, et sans vraie mesure du temps. Les rites qui s’y pratiquaient sont assez semblables à nos happenings contemporains conceptuels et shamaniques. Car les artistes actuels en ont repris les termes et les recherches liées aux forces magiques de la suggestion. D’ailleurs, ne sont-elles pas si liées aux pratiques psychanalytiques ?

Ces formes des arts primitivistes ne laissent que des traces. Souvent, il nous reste des masques qui sont censés représenter non pas des individus vifs ou morts, mais plutôt leur présence. Comme un effet de la magie initiatique qui est l’origine même des arts depuis la préhistoire. C’est pourquoi, le jeune initié papou ne verra-t-il son masque qu’une seule fois dans sa vie, avant qu’il soit caché pour toujours dans la hutte initiatique. Quand ces masques et parures animiques ne sont pas tout simplement détruits, après la cérémonie des sociétés secrètes Tubuan où l’on sacrifie quelques porcs rôtis aux esprits.

A la vérité, les objets de l’art des origines sont des cristallisations symboliques des entités invisibles. Ils sont comme la mémoire de leur gestalt ou la forme qui imprègne le clan. Et ces gestalts et imprégnations sont à nouveau activées par la cérémonie Malagan des deuils. Là, on y cause tabou-tabou ou des interdits qui savent jeter de savantes frayeurs, comme des regards de Zeus soi-même. Et parfois on se pense au plein d’une bande dessinée de Hergé, en Tintin tout collé à la vitrine de la momie de Raspar-Capac, en plein vertigo des "Sept boules de cristal" . Dans ce musée, on voit des poupées chargées de la force magique des ancêtres que l’on a jamais eus. C’est donc la grande exposition de l’étrangeté comme on va au train fantôme. Ce sont les vrais masques exposés et faits de plumes de grands animaux emparadés, de bois d’essence spirituelle, et de cornes de bêtes sorties des buissons gras qui ont d’abord fasciné les expressionnistes allemands, puis les surréalistes, et avant tout la peinture de Picasso.

Dans les premières années du XXe siècle, Picasso complètement fauché avait invité ses amis, dont l’écrivain Max Jacob, dans son atelier. Ils poussèrent la porte et le premier cri de terreur de tout l’art contemporain. Car ce qu’ils virent était tout simplement scandaleux. Ce fut le premier choc des avant-gardes. Et bien qu’amis de Picasso, ils se pâmèrent d’effroi tellement le scandale éclata dans l’atelier même, et pas dans une galerie devant la presse convoquée selon la culture du rang d’oignons. Ils venaient de découvrir "Les Demoiselles d’Avignon" peintes par Picasso. Enfin, on dira plus justement qu’il les avait dépeintes. En effet, le tableau montrait des prostituées aux visages taillés à la serpe ibérique du primitivisme le plus radical. Le tout fut arrangé par des influences venues des masques des arts premiers de l’Espagne et de l’Art nègre.

C’était la marque ou la griffe de ce style international sinon mondial des hommes prélogiques qui venaient de fracasser la porte du sanctuaire des arts classiques. Picasso avait retrouvé le lien perdu avec ces peuplades primitives des origines. Des cultures qui pensaient sans rationalité et sans concevoir une séparation entre le monde des morts et le continent des vivants. Quand le monde était un et sans dualité. C’est aussi un art en forme de sagesse du cinquième continent du Pacifique Sud, qui est le pays de la mer où l’on ressuscite sans nécessité d’un passage initiatique par les enfers souterrains, comme dans l’orphisme et le christianisme. Car à l’inverse, l’Occident plaçait le voyage des morts dans un enfer sous la terre. C’est à Branly qu’on rencontre cette culture radicalement différente de la nôtre, et qu’elle fait toujours son plein effet de masque hypnotique, en plein Paris, entre la tour Eiffel et la statue de la Liberté.

Demian West

Papouasie-Nouvelle-Guinée :

http://www.youtube.com/v/LgjmVr0vk68

Sur les Demoiselles d’Avignon :

http://www.youtube.com/v/N0uqcawUGa0

Tuesday, May 29, 2007

La Mort du Fauve Immendorff

L’indestructible Jörg Immendorff est mort. Il avait commencé à peindre comme un sale gosse de la peinture qui fait des taches à l’université où le prof Beuys s’attaquait à l’institution. Puis, Immendorf se sentit l’âme de la tradition. Mais plutôt de la coutume des barbares allemands qu’on appelait de l’art dégénéré : les Nolde ou Macke et les Franz Marc.

A l’époque, et après la leçon de Gauguin, ces artistes cherchaient à retrouver la barbarie primitive pour recommencer la civilisation qui se suicida en 1914. On cultivait le naturisme et les modes proches de la nature dans l’art aussi : gravure sur bois et dessin brutal sans raffinement cultivé. L’oeuvre d’art devait exprimer l’individu et ses sentiments irrationnels. C’est pourquoi, on y voyait des maisons tordues et des personnes déchirées, comme dans "Metropolis" de Fritz Lang ou dans le "Nosferatu" de Murnau.

Dans les années 70 et après la vague conceptuelle et abstraite, Immendorff et ses complices braqués Baselitz et Lupertz constituèrent l’école post-moderne des néo-expressionnistes. Plus tard, on les appela les "nouveaux fauves", comme Matisse et Vlaminck avaient succédé au symbolisme de Gauguin. Ces noms balancent encore la couleur à plein pot. En des annonces de statues en bois brut, que ces artistes taillent au hachoir si rugueux des Afriques germaines. Immendorff et ses potes furent des infréquentables qui se révoltèrent contre l’abstraction et contre l’art conceptuel qui les ennuyaient, franchement dit. Il s’amusaient plus au dessin et aux images, qui étaient leur vrai truc bien gras mais tout bouleversé et strident.

Voyez ! Baselitz peignait des sauvages allemands à l’envers, la tête en bas. Avec plein d’insinuations qui fâchent. Et pour vendre ces oeuvres farouches sitôt sorties de l’atelier, aux golden boys en débords infinis de tune. Immendorff illustrait carrément des sortes de cafés berlinois, sortis à droit boulevard du réalisme des années 30 de Grosz ou de dada. Avec des figures réelles des déformations médiévales qui courent encore dans les rues de la GrossStadt des prostituées et des arsouilles. Ce fut le retour dur du réalisme critique mêlé à l’expression des pulsions du peintre qui doivent sortir par le pinceau.

Il a peint d’autres séries de cafés dont le Flore à Paris. Et, il y ajouta toutes sortes de délires illustratifs de nos villes traversées par des individus en errance, et dans des couleurs violentes si sombres que jamais trop réfléchies ou rationalisées. C’est du brutal et il y a de la bière dedans.

Car, la peinture allemande est dure avec l’Allemagne qu’elle maltraîte. Et pis encore, longtemps après la Guerre mondiale quand ça vira au masochisme dans les années post-68. Dans les années 80, on se lâcha partout. Et, les néo-expressionnistes explosèrent enfin dans la sphère people de l’art. Bagues de pachas turcs aux dix doigts et grosse Mercedes caressée aux chromes, Immendorff frimait en nouveau riche avec Baselitz et Lupertz, dans les boîtes de la longue nuit allemande de l’après-guerre. Ils ont tout goinfré en persillant du scandale partout, comme des stars de rock sorties de la fabrica Mick Jagger. Vrai ! Immendorff fut même surpris dans une chambre d’hôtel avec 9 prostituées. Pour la photo de l’actualité des arts, où il sut quand même tirer la glossy couverture à lui. Soit à sa réputation qui persista comme le soufre du plus institutionnel Méphisto.

Ce qui laisse entendre qu’en Europe nous avons nos Amériques, qui n’ont rien à envier aux Indiens. Et que nulle convention ne saurait jamais les réduire, par le fait de l’art qui autorise tous les excès libératoires. Immendorff était cet artiste allemand de l’après-guerre qui voulait s’exprimer sans frein et sans égard pour les limites et la maladie. Ce très grand peintre savait se lâcher : ce qui n’est pas si aisé. Il vient de s’affranchir de la dernière limite.

Demian West

Expressionnisme :

Extrait de "Metropolis" de Fritz Lang. "Moloch".

http://www.youtube.com/v/P6cF_1zQ5MU

Sunday, May 27, 2007

Les Photos de Atget à la BNF à Paris

Vous avez jusqu’au 1er juillet pour courir à la bibliothèque François Mitterrand. Où l’on peut flasher sur les photos de monsieur Eugène Atget qui était le photographe de Paris et sa banlieue, au XIXe siècle. Le fonds photographique est important, car il rassemble des vues depuis la banlieue des zoniers, jusqu’aux intérieurs haussmanniens les plus baroques et secrets.

Bien sûr, d’aucuns dirent qu’Atget fut d’abord un jeune marin raté. Puis, qu’il s’essaya au théâtre et qu’il n’y rencontra jamais son public. Aussi, qu’il se fit porter peintre un peu malhabile, et tout pour se ruiner encore une fois. Ce qui fait beaucoup d’échecs pour entrer ou s’installer dans la vie. Et à Paris qui reste cruelle pour les perdants. Finalement, il opta pour la photographie et dans ses prétentions les plus banales revenues de tout. Il se fit donc documentaire pour les préparations des tableaux de peintres, et pour les institutions et archives publiques, entre autres. C’est ainsi qu’il monta sa petite entreprise d’anonyme lichette sur les boulevards parisiens.

Il décida donc de s’effacer et de photographier tout : d’abord les lieux de Paris, puis les gens et leurs petits métiers, aussi les enseignes et les décors savants et parfois des forains de la zone espacée dans le 13e hyperbohème et poétique. Atget a quadrillé Paris, comme on le ferait pour établir une juridiction du réel, qui enregistrait, en outre, toutes les démolitions et les nouvelles constructions. Il est donc devenu un must des historiens et des curieux. A la fin, et après sa mort en 1927, Man Ray et les surréalistes le "découvrirent" comme l’un d’entre eux. Car ils virent, dans ses photos, des reflets dans les vitrines qui en disaient plus long, comme entre les lignes de la vision. Aussi, ils y virent des premiers autoportraits de photographe. Car, Atget se plaçait ostensiblement dans les reflets des vitrines afin qu’on le vit témoigner. Ce qui était considéré comme un défaut sinon une faute, selon les conventions en usage dans le métier. On y perçut donc un geste artistique qui venait en contrepoint des conventions photographiques, et pour créer un art.

Par ailleurs, Atget préférait utiliser un matériel désuet pour son époque. Ce qui contraignait les sujets à de longues poses qu’il recherchait. Et ce qui floutait les personnages sur la photo. Enfin, il savait jouer du sténopé, c’est-à-dire de l’objectif ou du trou primitif des appareils photographiques, qui laissait un flou un peu merveilleux de clair-obscur au noir et blanc définitif. Où la photographie savait rejoindre les effets précieux de la gravure à l’eau-forte ou à l’aquatinte.

Les problématiques artistiques engagées par le travail et la démarche d’Atget sont d’abord d’avoir su tirer la photographie documentaire vers son statut d’oeuvre d’art, émancipée de sa seule destination utilitaire. Aussi, on y discerne l’espacement de la charge artistique contenue dans le sujet. Vers des réflexions autour des transformations du sujet dans le temps, qui paraissent s’imposer plus encore à mesure que le maître-instant de la prise de vue s’éloigne de nous et de notre temps. Finalement, c’est la nature même de l’artiste et de son destin qui est troublée par ce regard étranger. Car Atget vivant n’était considéré qu’en artisan servile, quand mort il devint l’artiste assez surréel. Mieux encore : une amie du photographe surréaliste Man Ray, Bérénice Abbott, emporta l’héritage aux USA. Où les photographes américains surent prendre toute la leçon d’Atget.

Le petit père photographe et maraudeur des rues s’est éteint dans son dernier appartement dans la rue Campagne-Première à Paris. Exactement là où Michel Poiccard meurt d’un shot qui l’arrête "à bout de souffle" comme une citation par Godard. Poiccard-Belmondo a le temps d’expirer un : "Tu es dégueulasse" à Jean Seberg qui l’avait donné à la police, mais tout pour son bien. Dans la vraie vie, on retrouvera l’actrice morte comme une énigme enroulée à l’arrière de sa voiture, dans le XVIe arrondissement en 1979. Pourtant, on disait d’elle qu’elle prenait si bien la lumière et pour la meilleure photo au cinéma.

L’art, c’est aussi une photographie si précise et nette de nos destinées, que celles-ci paraissent encore plus floues et incertaines. Nos vies ne sont-elles point mêlées de fictions et de réalités toujours en correspondances des temps ?

Demian West

Saturday, May 26, 2007

Edward Hopper à Boston

Cet été, jusqu’au 19 août à Boston aux USA, on accroche aux cimaises le peintre le plus emblématique de la scène américaine. En effet, mieux qu’une énième rétrospective de Norman Rockwell ou d’un illustrateur pittoresque des States, on expose enfin, au Museum of Fine Arts, Edward Hopper, le plus énigmatique poète du quotidien.

Tout le monde se souvient de la nuit flashée au néon du "Nighthawks" qui est son tableau le plus fameux. Un café la nuit, ourlé de son néon autour des figures hâves d’un couple homme/femme séparés à jamais unis, dans cette longue nuit de la peinture si fixement ourdie. Car c’est un tableau rigoureux comme tout l’oeuvre de Hopper. Sa construction est géométriquement parfaite, c’est-à-dire classique. Puisqu’on ne saurait rien en retirer, ni rien y ajouter sans détruire l’ensemble même. Hopper travaillait beaucoup les esquisses, car il était un illustrateur à l’ouvrage. En douce, il avançait ses réalités tranchantes qui firent son réalisme singulier, hors de toute mode fugace ou fugitive. Dans ses oeuvres, le dessin est ensuite habité par des à-plats de couleurs puissants et lourds de la matière picturale qui vibre mais fixement. Car, son pinceau ne s’attarde guère en des effets trop tactiles.

Aussi, ses tableaux évoquent-ils la manière des cloisonnés de Gauguin le symboliste, qui cernait des grandes plages de couleurs vers l’abstraction. En revanche, les sujets de Hopper sont la scène américaine conformément au génie du lieu. On y voit des rues et les angles de rues, aussi les fenêtres ouvertes sur des individus isolés dans la grande ville qui est le lieu du péché en pays protestant. On y voit encore des stations d’essence, ou des maisons en bois devant des plages Amrica bleues comme la Grèce.

"La Maison près du chemin de fer" (en 1925) est devenue la petite maison inquiétante de Norman Bates dans "Psychose", au style épuré au couteau du grand Hitchcock. A la vérité, Edward Hopper est le fondateur du regard cinématographique devenu un art du cadrage imparable. Tout son oeuvre paraît un story-board du film du premier XXe siècle américain, et muet tout en couleurs criardes. Car les individus, pris dans ses pièges picturaux, se taisent tous, et semblent comme arrêtés dans une Amérique au bord de la "Twilight Zone", un peu en germe du maccarthysme.

Comment ne pas voir dans ces oeuvres d’allure presque antique, nos nouvelles statues grecques inchangées depuis leur lissage ? Plus encore, on y sent des réminiscences de l’"art métaphysique" de Giorgio de Chirico. Ses visions italiennes de places d’architectures cadrées à l’équerre. Aux tons si chauds qu’ils ont vidé la place de son humanité, hormis sous la forme des mannequins surréalistes. On y sent la synthèse baudelairienne qui va à l’essentiel. Comme Manet sut, en quelques à-plats, retrouver la violence de la peinture espagnole.

Aussi, Hopper est-il le précurseur du Pop Art warholien puis de l’hyperréalisme des années 1970. Les oeuvres de Hopper annoncent des vues new-yorkaises de Richard Estes, des voitures de Don Eddy. Les peintures des photoréalistes sont autant de citations de photographies que des manifestes du regard subjectif et résiduel du peintre, qui persiste malgré la mécanique de l’appareil photo. Mieux encore : l’hyperréalisme, à ce degré d’épure, atteint souvent à la plus philosophique abstraction. Puisque les enseignes et néons, bien cadrés, finissent immanquablement en des oeuvres de l’art abstrait. Il faut rappeler que, Théo Van Doesburg voulut appeler l’"art abstrait" à sa naissance et dans le Bauhaus des années 20-30 de Gropius et Kandinsky : l’"art concret". Finalement, ce fut le plus grand apport de Hopper. Il a su nous montrer que : plus on s’attache à rendre la réalité la plus tranchante et concrète, et plus on atteint à la surréalité, qui devient une irréalité parfois inquiétante ou névrotique. Selon la théorie développée par Freud dans son essai : "L’Inquiétante étrangeté".

Le casanier Hopper travaillait et vivait à New York jusqu’à sa mort en 1967. Il était un homme sans histoire, un peintre sans aventure. Un peu comme l’illustrateur Magritte qui peignait dans son salon sans jamais faire de tache ni de polissonnerie sur la nappe. Et pourtant, l’étrangeté de Edward le plaça hors du temps, comme un grand maître tellement unique qu’il a créé une école sinon un siècle.

Cette exposition est la rétrospective de Hopper, qui n’a lieu que deux fois par siècle. Vous pourrez donc y voir les carnets de croquis, les aquarelles et les peintures à l’huile du "maître dont le réalisme était sa poésie". J’y vois une formule qui ressemble beaucoup au "réalisme poétique" de Prévert et de Pierre Mac Orlan qui fut l’auteur de "Quai des Brumes". Un roman qui manifestait la poésie la plus fantastique qu’on trouve dans la réalité banale. Tant et si bien que ce roman est devenu un mythe du cinéma. Vers ce fond d’atmosphère des destins étrangers et solitaires du couple Gabin-Morgan, qui se rencontrent furtivement dans des ports près des bateaux qu’ils ne prendront jamais. Cette brume-là c’est l’essence même du Nighthawks...

Demian West

Friday, May 25, 2007

L'Ecole des Bords de l'Oise

Jusqu’au 16 septembre 2007, le musée d’art et d’histoire Louis Senlecq de l’Isle-Adam présente la plus importante rétrospective du peintre paysager Jules Dupré. Autant dire que cette manifestation appelle les plus fervents amateurs des paysages de la vallée des bords de l’Oise. Et dans des lieux où vécurent le grand Daubigny puis Théodore Rousseau. Et enfin Van Gogh soi-même à Auvers-sur-Oise, où l’on présente, au château, une exposition corollaire sur la naissance de la société de loisirs et des bateliers et canotiers, autour des impressionnistes.

On le sait, Daubigny fut le premier peintre à naviguer pour peindre sur l’Oise, dans son bateau-atelier dit "le botin". Il eut un plus fervent disciple en l’artiste Claude Monet qui usa de la même technique batelière pour approcher et prendre au piège pictural les couchers de soleil sur l’eau et tous reflets d’argent rares du matin. Aussi, Daubigny était un ami fidèle de Dupré qui s’installa sur les bords de l’Oise, après son voyage en Angleterre en pays de Turner. Ce furent des voyages et des influences qui formèrent tout autant Monet. Comme auparavant, le Grand Tour en Italie formait les connaisseurs du XVIIe siècle, dont Corot le dernier des Classiques. On le voit, ces points communs ont tissé une ligne de force de la nouvelle peinture de paysage, entre 1830 et jusqu’à la fin du XIXe siècle. Depuis, l’Angleterre et les Pays flamands vers l’Oise, puis de descendre vers Barbizon. Où Corot, Rousseau et Dupré s’installèrent en Seine-et-Marne pour y fonder avec Millet l’Ecole de Barbizon des paysagistes naturalistes. Ils connurent tous la consécration universelle dès la seconde moitié du XIXe siècle.

Toutefois, c’est à Auvers-sur-Oise que Van Gogh s’éprit de la peinture de Dupré, qui a donc sa part majeure dans la surhumanité du génie visionnaire de Vincent. Et, à voir les oeuvres de Jules Dupré, on ne s’étonne guère de l’effet créateur que son sentiment de la nature avait su dégager et transmettre par ses tableaux pleins d’une fraîcheur aquarellée. Mais chargée aussi des matières puissantes de l’artiste sûr et délicat. Pour qualifier son oeuvre, on parle aisément de "portraits de paysages". Tellement on y sent des vapeurs psychologiques immenses jetées derrière l’horizon. C’est du bon travail de peintre qui entend la nature et qui la restitue en y ajoutant, à pleine toile, son sentiment intime de la nature.

Cette exposition rassemble tant de vues et de merveilles insoupçonnées que l’idée d’une "Ecole des bords de l’Oise" s’est imposée. Et c’est donc l’apport de cet événement à l’histoire de l’art. Vrai, Dupré fut un artiste discret dont on commence à mesurer, plus amplement, l’importance dans le courant de l’école française du paysage au XIXe siècle. Avec Troyon, Rousseau ou Diaz de la Pena et d’autres, ils incarnent des blocs et piliers vifs du patrimoine culturel de l’Ile-de-France et plus encore : du plus beau pays de la France définitive. Car, dans cet arc entre l’Oise et la Seine-et-Marne, on vit s’espacer tout ce qui fit le plus grand genre de la peinture de paysage. A la suite de l’Anglais Constable qui fut le créateur du genre. Puisque, durant le XIXe siècle, on passa du grand genre de la peinture d’Histoire à l’hégémonie de la peinture de paysage. Comme la nouvelle expression majeure des vertus et de la noblesse du sentiment humain. Ce fut une sorte de premier mouvement écologiste qui montait en réaction à l’avénement de la société capitaliste et industrielle.

Dans l’exposition, joints à la centaine de tableaux de Dupré, on verra des oeuvres de Rousseau et de Corot et jusqu’à Vlaminck qui achèvent le désir de peinture paysagiste du visiteur le plus affamé. Et dans les belles salles du château d’Auvers-sur-Oise, la suite de l’exposition s’espacera en une charmante virée entre Oise et Marne dans la guinguette du meilleur cinéma des années 1930, avec Gabin et sa "Belle Equipe".

Ensuite, on ira voir la fameuse "Maison du pendu" peinte par Cézanne, (un "pendu" qui était plutôt un Breton qui se nommait Pen Du). Enfin, il est toujours troublant de monter l’escalier vers la chambre où Van Gogh expira, après son dernier coup du tube rouge. Et de s’attarder le regard en des détails de carrelages ou de décors, comme si rien n’avait bougé ni changé en ce lieu : ce qui est vrai.

Demian West

Exposition : "Au fil de l’Oise de Dupré à Vlaminck. Bateliers, peintres et canotiers " à l’Isle-Adam et Auvers-sur-Oise.
http://musee.ville-isle-adam.fr/index.php ?p=2


http://www.youtube.com/v/GyUiG4LRjfk

Thursday, May 24, 2007

Montaigne retrouvé

Ce mois de mai, Jean Balsamo, Michel Magnien et Catherine Magnien-Simonin ont présenté la dernière version des "Essais" de Montaigne à la "Pléiade" chez Gallimard, bien sûr. C’est un chef-d’oeuvre d’édition ! En effet, nous pouvons lire à nouveau la version la plus sûre et aboutie des "Essais", qui sont le joyau de la littérature française et universelle.

Jusqu’à présent et depuis un siècle, les éditeurs et philologues avaient décidé de consacrer, à une vaste échelle, la version de l’exemplaire dit "de Bordeaux". Et parce qu’il s’agit du seul exemplaire qui nous soit parvenu de l’édition de 1588, aussi annoté des ajouts et des repentirs de Montaigne soi-même. Pourtant, on dut constater que l’édition de 1595, qui est posthume à l’auteur, était bien plus complète car travaillée par le texte même de l’"exemplaire de Bordeaux". On suppose même que l’édition posthume de 1595 a été conçue par Montaigne, et par le biais d’un exemplaire imprimé/manuscrit perdu. Et que l’exemplaire égaré devait probablement être plus riche encore d’annotations que l’"exemplaire de Bordeaux". C’est la conclusion de Jean Balsamo, qui a justifié ce nouveau travail de présentation du livre absolu, d’après l’édition posthume de 1595.

L’"exemplaire de Bordeaux" est désormais jugé trop hybride, entre le texte imprimé et les ajouts manuscrits, pour qu’il soit encore considéré comme un objet abouti. Désormais, on le comprendra plutôt comme un moment du laboratoire de l’écriture, qui a été trop sanctifié durant un siècle. Et donc, au détriment de la restitution du vrai Montaigne original que Rousseau, Pascal, Nietzsche et Proust lurent, pour en être tous transformés d’un coup, de ces deux milles pages jamais identiques.

Dans ces trois livres des ""Essais", on fait la rencontre avec un homme simple et vrai. Certes, Montaigne est nourri des auteurs antiques et surtout latins, dont il lâche des citations toujours justifiées par le contexte mesuré. Mais, il va marchant comme dans la galerie de la pensée contemporaine. Il a sa bibliothèque sous la main. Et il choisit souvent Plutarque, dont il donne toutes anecdotes distrayantes. Et qu’elles nous informent au passage sur la sagesse et la folie des hommes qui n’a pas de fond.

Michel Eyquem de Montaigne a créé le genre et la technique littéraire de l’"essai". Il s’agit d’une sorte de dialogue libéré avec soi-même. Et pour dégager autant la réflexion, que pour construire l’individu comme une sagesse qui s’incarne. Ainsi, a-t-il élaboré les meilleurs outils littéraires, pour amener la méthode scientifique de l’ère moderne. Et ceci, bien qu’il fût l’auteur et le style maniériste par excellence. A la vérité, de 1571 à 1592, on voit bien se constituer une sorte de matière d’homme moderne, dégagé ou émancipé des obligations religieuses et de tous dispositifs qui enchaîneraient l’homme et même sa pensée.

C’est pourquoi on sent cette liberté dans ce texte premier et ultime, qui ne paraît jamais fixe dans sa forme et son style, qui sont toujours changeants et neufs. C’est un grand oeuvre de phénoménologie de la pensée, qui irait consciemment à sa propre rencontre. Et, par le biais du livre comme une barque solaire, cette pensée ou ce soi voyage à travers les siècles : à l’intact, au vif. C’est donc Montaigne vivant que l’on peut rencontrer et connaître, aujourd’hui, dans ces pages merveilleuses de richesses inépuisables de lectures... toujours recommencées.

Demian West

Wednesday, May 23, 2007

Oh le Beaubourg Beckett

Du 14 mars au 27 juin 2007, le Centre Pompidou décoince ses tubulures artistiques, pour jeter des univers mentaux et étrangers de Samuel Beckett sur tout Paris. C’est donc l’éclat promis par cette exposition consacrée à l’auteur irlandais, aussi simple qu’il fut le plus ardu qui bâtit le XXe siècle. En effet, on peut voir à Beaubourg des parcours manuscrits et tous documentaires visuels et sonores, autour de l’écrivain tout investi dans la recherche d’un nouveau langage pour un nouveau monde.

Ainsi qu’il l’écrivit dans un article fondateur en 1929, depuis Dante et Giordano Bruno, on a tenté de constituer une langue créatrice d’un monde uniquement littéraire ou spirituel. Souvent, cette quête prit le véhicule de l’errance entre les deux termes que sont l’Enfer et le Paradis, ou la naissance et la mort, sinon le réel et la littérature. C’est pourquoi, Beckett avouait préférer le purgatoire de la "Divine Comédie" de Dante. Plutôt qu’il planait aux visions antagonistes des cercles infernaux ou du paradis. Beckett plaçait sa recherche de l’esprit - qui est pure littérature - dans une attente infinie qui constitue le purgatoire de notre vie passante, en quelque sorte. Son essai sur "Proust" est donc un manifeste de la recherche littéraire, qui va du laboratoire jusqu’à sa station du gisant littéraire assez indolent sur son lit de mort. Car les personnages beckettiens sont tous des passants qui expérimentent la littérature en attendant la sortie par le dernier trou dadaïste.

Pourtant, il est étonnant de constater combien cet écrivain épris d’absurde et de vide a su remplir sa vie d’événements extraordinaires. Depuis la résistance à la gestapo, il engagea une psychanalyse disputeuse autour de la figure axiale de sa mère ; puis il obtint qu’on publia ses oeuvres complètes aux éditions de Minuit ; pour recevoir à la fin le prix Nobel de littérature. Ce qui ne semble jamais ni absurde ni vain.

Tout d’abord, Joyce le convia amicalement à créer ensemble une oeuvre, "Work in Progress", à quatre mains, qui deviendra "Finnegans Wake". Puis, Beckett écrivit ses romans, dont "Murphy" (1938) qu’il modela en double littéraire. Son doppelgänger certes cartésien mais qui vire à la folie. Ensuite de 1947 à 1949, il composa la trilogie de ses romans et monologues transformateurs du réel, par la solitude et l’incommunicabilité résiduelle. Le premier Moloch "Molloy" surgit de l’enfer dantesque d’après-guerre, puis "Malone meurt" avant "L’Innommable". Et ces trois romans manifestent la progression de trois états qui transforment l’individu en une entité dégagée des contingences. Et que cette personne tend finalement vers la littérature désincarnée. Puisque le soi s’achève en une boule parlante entre "je" et "il". Et que cette pensée ne s’achève pas en une connaissance fixe et ferme. Car il s’agit plutôt d’écrire ce qui est senti, et souvent dans l’ordre des révélations successives.

On pourrait y voir une ligne de force née de ce bien suprême libéré par les possibilités verbales. Quand on joue avec les mots, ce "bien" serait "Good" plutôt qu’il serait "God " : le bien plutôt qu’un dieu voilé, dans la pièce du théâtre de l’absurde "En attendant Godot" (1948). Car, Beckett démentait que Godot signifiât "dieu". Sur la scène, le maître Pozzo et son esclave Lucky sont des paumés qui attendent l’inconnu. Dans une sorte d’attitude du cogito hamlétien, mais tout ce qu’il y a de plus gentlemen ennuyeux. On y entend des accents du jeune prince shakespearien. Quand il débattait des questions ontologiques avec le crâne de Yorick le fou du roi, et dans sa tombe même.

Pire encore : "Oh les beaux jours" met en scène le couple Winnie et Willie. Une femme prise dans un lopin de terre et qui gave son mari grognon des bouts copiés/collés de sa vie, tout au long de la pièce. C’est un dispositif littéraire et visuel qui insiste sur l’absurdité et la contingence de la vie quotidienne. Et pour en extraire, de ce pessimisme radical, la présence nécessaire de l’esprit, soit de la littérature. Ou plutôt, du seul protagoniste qui est le langage quand l’amour est un leurre.

A la vérité et pour mieux se faire comprendre, Beckett a dû s’espacer dans les arts visuels. Et il a conçu une suite d’oeuvres d’avant-garde. Dans le "Film" en 1964, Buster Keaton "O" est poursuivi par "Oe" qui est son oeil même. Ainsi, cette oeuvre est-elle un questionnement sur la nature de l’existence ou du non-être, quand ils dépendraient de la seule perception. Existe-t-on parce qu’on est perçu ? Plus avant, le dramaturge oeuvra avec des artistes plasticiens dont le minimaliste Sol LeWitt. Enfin, il composa des pièces pour la télévision et la série "Quad" en 1981. Aujourd’hui, nous pouvons voir ces oeuvres filmées qui sont diffusées durant l’exposition à Beaubourg.

A la fin de l’oeuvre beckettien en 1989, l’individu devint une sphère parlante comme un mythe d’une intelligence qui se sait voyager à l’intact. Depuis l’Antiquité classique, cette sphère de la conscience nous est parvenue, jusqu’à paraître la plus improbable modernité de l’absurde, et finalement pour y être institutionnalisée. Aussi, quand tout était sclérosé, l’Irlandais Beckett écrivait en français pour "s’étranger". Puis il revenait à l’anglais, pour se "fantasier" à nouveau dans l’inconnu. Puisqu’il était ce virtuose constant de la langue qui pense.

Demian West

Sunday, May 20, 2007

Kiefer au Grand Palais : Monumenta




Cette année, une nouvelle manifestation intitulée "Monumenta" est initiée à Paris, par l’Etat et par le sortant Ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres. En effet, du 30 mai au 8 juillet 2007, sous la nef espacée de verre du Grand Palais en phare alexandrin de l’art contemporain, vous êtes conviés à rencontrer l’oeuvre de Anselm Kiefer. Le vaisseau de fer et de verre est laissé à la liberté des oeuvres exposées de cet artiste majeur de l’art postmoderne. Bien que de culture allemande et rhénane, il travaille en France à Barjac depuis 10 ans.

Kiefer a été en lien étroit avec Joseph Beuys, qui fut le plus grand théoricien des arts de l’après guerre européen. Ils ont fréquenté la Kunstakademie de Düsseldorf, et toute la révolte des années 70. C’est pourquoi, les oeuvres de Kiefer ne sont qu’une chaîne sans fin des mémoires laissées à la dérive de la Grande Guerre et de la Shoah. Dans ses oeuvres peintes et sculptées, on y voit des matériaux bruts mêlés aux sécrétions humaines symboliques de toutes natures violentées ou exhumées. Des cheveux, des terres et des boues grattées composent ces sortes de toiles, qui se montent en autant de livres et chapelets de bibliothèques sculptés, entre chair et cuir des souvenirs sauvés par les arts. Ce sont des mémoires qui remontent toujours comme la couche d’en-dessous. A force d’y gratter les formes cendrées de nos épouvantes spectrales. Et même, si nous n’avons pas vécu ces temps ruinés par la guerre.

Aussi, Kiefer aime-t-il a creuser plus encore les tombeaux des légendes nordiques, dont il est issu naturellement. D’une certaine façon, on peut voir en lui, une manière d’archéologue d’une atmosphère romantique, mais ténébreuse à la Füssli ; avec un peu de la lumière nordique contournant des faux "Songes d’Ossian". Et surtout, Kiefer s’amuse comme un gosse du lumpenproletariat, avec sa pelle et son râteau dans l’Allemagne année zéro. Oui ! Il aime à montrer que le roi est nu, et que les pouvoirs ont toujours couché à leur guise les mythes antiques. Les puissants n’ont-ils pas toujours mis du côté qu’ils voulaient, les arts pour peupler les nuits des cauchemars savants qui savent retenir les peuples dans la servilité bien-utile ? En Allemagne et depuis Arminius jusqu’au nazisme, on y suit la tradition des tortures ou bourrelleries qui travaillent au corps les oeuvres de Anselm Kiefer aujourd’hui. Finalement, on n’est pas artiste allemand, si impunément ou si sereinement, après l’énigme Wagnérienne.

L’artiste contemporain Kiefer se situe dans le mouvement postmoderne qui aime la représentation réaliste, entre tradition de l’expressionnisme violent et le citationnisme cultivé plus au sud. La couleur est assez absente pour signifier la pensée en soi et loin des parures distrayantes. A tel degré, que Kiefer introduit du texte dans ses tableaux-sculptures. Dans ce courant et en Europe, le tableau est un objet destiné à véhiculer plus sûrement des concepts, selon la programmatique de l’art conceptuel de Beuys. Mais, la partition entre le nord et le sud reste en vigueur, selon l’héritage de la renaissance. On le sait, le sud est plus enclin à la couleur et au festif, quand le nord est plus austère, et tout appliqué à de grandes cérémonies intimes quoique immenses de nostalgie. Et surtout par la force de la mélancolie qui est fondatrice de cette mémoire encline à la tristesse et aux médiations sur les ruines. Jusqu’à les provoquer parfois. On pense à l’oeuvre du philosophe suicidé Walter Benjamin et à son concept du sauvetage du passé par le biais des arts, et de son "aura" qui entretisse par-delà l’inaccessible.

L’année prochaine à la suite de cette exposition, le Grand Palais accueillera le grand sculpteur américain Richard Serra : soit du très lourd et massif Amrica. Et l’année d’après en 2009, nous verrons les étonnants sauvetages du temps passé par le français Boltanski, qui sait toucher du sentiment tout en lustre doux et raffiné à la française.

Demian West

Les vidéos :

Kiefer :

http://www.monumenta.com/2007/index.php ?option=com_content&task=view&id=109&Itemid=9

http://www.monumenta.com/2007/index.php ?option=com_content&task=view&id=95&Itemid=9

http://www.monumenta.com/2007/index.php ?option=com_content&task=view&id=79&Itemid=9

Monumenta :

http://www.monumenta.com/2007/index.php ?option=com_content&task=view&id=59&Itemid=58

Le Grand Palais :

http://www.monumenta.com/2007/index.php ?option=com_content&task=view&id=62&Itemid=58

Saturday, May 19, 2007

La Tournée Parisienne du Facteur Cheval




Jusqu’au 1er septembre 2007 à Paris, le Musée de la Poste vous déplie une invite à visiter le Palais Idéal du Facteur Cheval. Au 34 rue de Vaugirard métro-Montparnasse, on peut entrer dans la porte du temple hindou fantaisiste du plus déjanté facteur qui voulut être boulanger, puis architecte de lui-même et de ses rêves. En effet, Joseph Ferdinand Cheval s’enrôla dans la Poste pour traverser sa vie sans trop buter sur des cailloux, ce qui lui arriva pourtant. Et ce fut le début d’une aventure artistique unique ou singulière. Car, sur cette première pierre, il a su construire pendant 30 ans de 1879 à 1912 : le premier chef-d’oeuvre de l’architecture naïve.

L’art naïf est un courant artistique qui fut consacré par Picasso. Le faune de la modernité était déjà parvenu au faîte de sa notoriété, quand il aida des artistes qui ne prétendaient pas devenir des artistes. Tel le Douanier Rousseau dont Picasso a acheté et collectionné les oeuvres. Et pour leur donner, dans le même temps, toute leur dimension contemporaine. Le Douanier n’était-il pas le premier artiste qui osa peindre un aéronef ou les premiers avions, qui étaient jugés disgracieux par les peintres établis ? Aussi, le milieu artistique qualifiait-il la Tour Eiffel en monstruosité flanquée dans le paysage urbain de Paris, et malheureusement mise en plant dans le quartier du Gros-Caillou.

En revanche, Picasso soutint le Facteur Cheval. Et, André Breton ajouta encore à cet enthousiasme. Bien que Picasso parla peu, on sait qu’il voulait retrouver la créativité de l’enfant. Mais, après avoir réfléchi ou pensé l’art en tant qu’adulte. Pour Picasso, il ne s’agissait donc pas de dessiner comme l’enfant. Mais plutôt, il s’agissait de retrouver, dans un esprit d’adulte et un corps d’adulte, cette ivresse et cette liberté de l’enfant qui crée en démiurge : car il sait encore que tout est possible.

Souvent ces artistes naïfs ne s’imaginaient pas en habit d’artiste. Et pour des raisons complexes brassées par leurs inhibitions. Jointes aux pressions des milieux artistiques et familiaux conventionnels qui bétonnent les meilleurs fleuves des sentiments. C’est pourquoi Jean Dubuffet, qui était en lien avec le surréalisme de Breton, donna les éléments théoriques qui surent enfin définir cet art dit "singulier" ou "art brut". Plus étrange encore : certains artistes naïfs ou bruts, et des plus extraordinaires d’entre-eux, pensaient être habités par des êtres surnaturels qui peignaient ou sculptaient ou bâtissaient, au-travers de leurs mains, ainsi qu’ils seraient leur médium ou instrument. D’autres ne s’interrogeaient pas, ils bâtirent un palais ou un oeuvre entier d’une vie qui n’avait jamais été vu, ou créé ni même été pensé par quiconque, et même par les plus grands artistes reconnus en demi-dieux.

Lors d’une tournée tranquille, le Facteur Cheval a buté sur un caillou anonyme. Puis, il en a assemblé des lopins pour les cimenter en des rêves inouïs. Par ainsi, les rêves du petit facteur ont-ils influencé les plus grands artistes contemporains dont Walt Disney, qui a conçu le bestiaire magique et les châteaux féériques du XXè siècle. Mieux encore : Cheval a construit de la même façon merveilleuse, que Louis II de Bavière a su mettre les moyens pour révolutionner l’art de ses délires construits en faux décors peints. C’est-à-dire, tout vers la 3D d’aujourd’hui, et les mondes exhumés par le grand cinéma international.

On peut certainement y voir, que la force accumulée d’une idée obsessionnelle peut se cristalliser ou se générer en un monde espacé au-dehors. Et par l’effet de l’art le plus personnel et singulier et loin de tout milieu officiel. Et pour qu’à la fin le monde ancien en soit tout changé. Enfin, même si l’on est un petit fonctionnaire à l’instar de Kafka (en plus sombre), on peut trouver le levier d’Archimède qui peut mettre le branle à plus d’un hémisphère.

Ce Cheval-là s’est inspiré des gazettes aux images orientales, sans vraiment qu’il considérât les théories et les expositions autorisées dans le milieu artistique qu’il ignorait forcément dans sa Drôme désertique. Et il a mené son délire si vastement et si hautement bâti dans son jardin, qu’il en a montré au monde entier, qui il était : c’est-à-dire qui il voulait être. Le palais ainsi que la démarche sont une oeuvre d’art totale au sens wagnérien. Et c’est ce que Picasso avait vu, avant tous les autres. Enfin, Malraux consacra le Palais Idéal du Facteur Cheval de Hauterives dans la Drôme, en le classant aux sites des Monuments Historiques : ce qui n’est pas rien comme tournée générale du petit facteur.

Demian West

Pour voir la vidéo très intéressante, ici : http://www.facteurcheval.com/fr/video.php

Friday, May 18, 2007

Le Jour du Présid' Sarko

Enfin seul ! J’espère qu’ils n’ont pas vu que je voulais tout envoyer par dessus la fenêtre ouverte sur l’autoroute pleine de motards vers le salon d’honneur Elysée-Orly. Cinq ans, Je ne tiendrai jamais la rampe, je veux que ça change et tous les jours : autrement dit des terminaisons : je m’ennuie vite.

Et là, je suis Président pour un quinquennat à la quinine. Alors que c’est la conquête et la drague qui me font grimper aux rideaux de la cascade du parc-à-thèmes. L’ascension des escaliers quoi et par la face qui dérappe. Et puis, chuté là en para dans ce salon tout classy, je le sens bien que je suis le locataire ou l’invité, c’est pareil. Et puis, je le sens partout l’ancien colocataire. Il est là, comme une ombre qui fracasse en silence les portes derrière moi, et qu’il me retient, comme le plomb qui prend, de penser à toutes les conneries qui m’empêcheront d’en faire trop.

Hier c’était bien ! Ma journée qui commençait bien, avec des tapis rougis genre soviets sur les murs, le plafond rouge dans les yeux et même déroulés des langues vers le jardin, partout tout pour moi. Pendant, les abondantes protocoliques (je ne vois pas d’autre terme) je sentais en moi quelque changement étranger. Comme un truc à l’éclate de l’histoire qu’elle te parle dans une langue un peu homérique des écoles, à l’aveugle quoi !

Et pourtant j’ai tout paumé c’qui disaient dans le porte-voix de Malraux : tu es l’élu et tu dois te tenir droit. En clair, tu ne peux plus rien faire genre des essais pour voir, car tu dois plaire à tous le monde, c’est-à-dire à la France béante qui est l’interrupteur même des droits de l’hommenicky. C’est du nucléairement charnel. Sens-le ! Tu le sens le nimbe descendre sur toi ? et bien mon tovaritch, c’est nous de l’Olympe les Olympioniques, pas des pieds-nickelés, non les dieux de la déesse Marylin. Maintenant, tu fais ce que tu veux le chic’Présid’, mais c’est de la bombe ! Si tu faisais, même un peu, ce que tu leur as promis dans l’isoloir, genre festivités barbaresques et lepénistiques.

C’est drôle, je l’ai bien senti le truc-à-pudding me descendre et coller jusqu’au bas de ma colonne de juillet aux vertèbres vespérales, d’en-bas. C’était comme pendant mes séances de ça-va ça-vient (chaque jour selon l’ordonnance du doc’ Gynéco des fuites). Et je m’en doutais un peu, que le pouvoir c’était plus fort que le baisemain. Sinon, pourquoi aurais-je, Ô mes frères et soeurs, à ce point balanceNoché la sauce américaine dans ces élections ?

Bon ! un truc me chavirait quand même mes plus hautes instances de réflexions dans l’allégresse du moment sacré où j’étais : je n’avais pas tant vu de monde, quand je remontais le réveille-matin des Champs-Elysées. Ils étaient passés où les Franglais, sous le tapis rouge, ou quoi ? J’en ai même reconnus qui ont voté pour moi avec 53% écrit sur le t-shirt mouillé.

J’ai tout compris, et après avoir serré des paluchées des repris de guerre sous l’Arc-de-mon-triomphe, j’ai placé Kouchner sur le Monopoly de la Chic’Polit’. Ah ça ! je vais faire échec et mat au jeu des Kärcher en un coup qu’on l’appelle Kouchner. Oui ! On ne m’aura plus avec leurs conneries du Fouquet’s des lâchers de faucon maltais, qui m’ont fichu une sacrée présidentielle mon mari ! Je veux de l’intégral, moi, du respectable. Et tout droit issu de l’histoire vu dans le rétroviseur de ma jagwouah. Et je fais ce que je veux, puisque je suis l’élu et qu’il n’y en a qu’un l’unique. Même que je lui parle à moi-même, Monsieur le Président balanceNoché de Paris. Oui ? tu es beau sur la photo.

Mazette, je suis le Grand Maître de l’Ordre de la Légion d’Honneur, le collier et toute la boutique de chez Kärcher, perles et fils, joaillier à Genève "les prix sont affichés à l’intérieur". Demain, je vais tenter d’imposer une loi. Pour voir si ça ne froisse pas trop les roides des soviets, dans les quartiers de l’état d’urgence. Tu sais, le samu qui tourne en ronde-bosse en banlieue.

Et si ça marche, je tenterais peut-être de glisser une sorte de combinaison tzarriblement neuve. J’aimerais mettre en place les délires de not’ Bayrou le tiercelet, c’est le truc trop fort :" l’ouverture" genre grand écart des bras : c’est bon je télécharge le tout. De toutes façons, on a bien coincé les excités du front qui voulaient décoincer Le Pen à ma place, dans mon marbre à moi. Tu l’imagines pas ! dans ces décors rococo avec toutes ces belles coquilles et ces grotesques, comme dans la cantora de Néron soi-même de sa luxuriante splendeur de romano genre Sarko le Momo.

C’est moche, j’ai déjà perdu une journée du journal en couleur de ma Présidence. Et en plus, quand je dors j’en perds encore...Qu’est-ce que je vais faire demain ? Je m’ennuie vite.

Demian West

Thursday, May 17, 2007

L'Impressionnisme Style International à Giverny



Au Musée d’Art Américain de Giverny et jusqu’au 1er juillet 2007, les petits esthètes des champs peuvent jouir du printemps sur le mode artistique et impressionniste. En effet, c’est une agréable collection de peintures de la mouvance impressionniste qui est présentée dans une exposition, autour du groupe de 1885 à 1915, qui insiste sur la communauté d’artistes que Monet sut réunir près de lui dans l’hôtel Baudy.

Tout le monde connaît le jardin de Giverny, où Monet invitait Clemenceau et toute le Paris people de son temps. Comme il eut invité des êtres surnaturels dans un de ses tableaux les plus espacés en un jardin. Il avait créé sa manière lumineuse, en quittant l’atelier du maître académique Charles Gleyre. Avec son ami Renoir, ils créèrent la manière claire, quand ils allèrent ensemble dans la forêt autour fontainebleau chez les Barbizonniers, ou à Argenteuil puis en Normandie. Et pour y étudier les phénomènes naturels de la vision impermanente.

Bien que soutenus par quelque rare peintre académicien dont Henner, les impressionnistes ont créé et imposé un nouveau langage visuel, contre toutes les règles et les ordres convenus. Tout d’abord, ils ont brisé la grille de la perspective héritée de la renaissance (la série des "Gares" de Monet). Puis, en restituant toute la force de la lumière par la pratique du pleinairisme (ou de la peinture en plein air), ils ont montré comment la luminosité sait dissoudre le réel dans nos flux subjectifs.

Mieux encore, les impressionnistes ont lentement abandonné cette nécessité de représenter un référent ou un sujet. "Les Nymphéas" de Monet sont donc précurseurs de toute la peinture abstraite. Car, si l’on sait se perdre dans le tableau, on sent bien que seules les couleurs et l’harmonie musicale sont devenues le vrai sujet de l’oeuvre.

C’est à Giverny que Monet instaura un leitmotive très important dans la peinture : la "meule de foin". Il faut savoir qu’à cette époque, les meules de foin étaient aussi banales dans le paysage, que les poubelles d’aujourd’hui sont triviales dans les rues de Paris. Et aucun peintre qui se voulut digne de son art, n’aurait osé peindre un objet aussi vulgaire ou sans intérêt pictural. Cependant de nos jours, nous y voyons une poésie presque absolue, quand à l’époque ce fut un choc, comme si les peintres et le monde était devenu fous.

Plus tard, ce fut Kandinsky qui visita une exposition des oeuvres de Monet, désormais mondialement reconnu en ce début de XXè siècle. Et devant les meules, le jeune peintre russe eut la révélation de l’abstraction. Car, il ne vit plus la représentation d’un objet peint mais un nouveau langage ou la musique des couleurs assemblées. C’est après cette révélation, qu’il a peint les premières aquarelles abstraites de la peinture. Toutefois, nous savons, aujourd’hui, que les premières oeuvres abstraites sont aussi nées dans l’atelier deu symboliste Gustave Moreau qui s’amusait à peindre des sortes d’essais sur des bouts de papier qu’il pensait sans suite.

A Giverny, Monet sut réunir des intimes autour de l’hôtel Baudy et des disciples, comme Frederick Carl Frieseke, Richard Miller puis Louis Ritman, ainsi qu’une foule d’artistes qui espacèrent cette nouvelle vision en un style international. La postérité américaine des impressionnistes devint une mine de virtuosités invraisemblables, dont on ignore encore beaucoup des talents et des subtilités, en Europe. Enfin, il est à noter que ce courant a su intégrer sans la moindre nuance des femmes-peintres qui ont partagé cette renommée internationale, ce qui était le rare en peinture.

Demian west

"Giverny Impressionniste : Une colonie d’Artistes, 1885-1915." Jusqu’au 1er juillet 2007, Musée d’Art Américain à Giverny.

Wednesday, May 16, 2007

La Photo du XIXè siècle à Orsay




Au Musée d’Orsay à Paris, on a sorti des chambres noires 20 ans d’acquisitions du fond photographique. Pour mettre en perspective mais au rebours, l’avènement de l’art photographique depuis sa naissance dans les années 1830, jusqu’aux premières années du XXè siècle qui consacrèrent cette nouvelle expression. Car aujourd’hui, elle est devenue hégémonique par le biais des téléphones portables.

Tout d’abord, cette exposition a le mérite de la curiosité. Puisqu’elle sait dévoiler des rapports secrets qui mirent en liens la photographie et la peinture. On sait mieux, aujourd’hui, que des peintres usèrent de la photographie comme de plus sûrs modèles pour réaliser leurs oeuvres de plus longue main. Delacroix, Courbet et Degas prenaient des photos de leurs modèles féminins pour créer dans la solitude d’un confort plus assuré par la pose définitivement statique, quand elle fut capturée par l’oeil photographique. Réciproquement, des photographes dits "pictorialistes", dont Thiollier, tentaient de donner des teintures ou des poses picturales à leurs photos. Pour qu’elles conservent encore de la noblesse du plus grand art de peindre. Et pour diffuser de la légitimité artistique dans ce nouvel exercice qui n’était pas encore un art entier. Finalement, on jugeait la photographie trop réaliste sinon mécanique, pour qu’elle sache représenter de la sensibilité humaine.

Mieux encore, des artistes échangèrent des pratiques et des images, avec des amis écrivains tout appliqués à la création de revues d’art désormais mythiques. Ces communautés constituèrent de grands fonds photographiques qui sont des oeuvres entiers d’art, mais aussi des mémoires des avant-gardes du tournant du XIXè siècle au XXè siècle. Parmi ces maîtres de la photographie, Steichen et Stieglitz assurèrent le passage du pictorialisme à notre modernité plus expérimentale.

On le sait, la photographie ruina l’art des peintres réalistes et en conséquence tout l’art du portrait peint. Cette nouvelle machine, qui enregistrait les images à l’identique, produisit d’abord une terrible transmigration des peintres mineurs vers cette nouvelle activité. Certains réussirent dans leur nouvel art, quand d’autres y perdirent tout à la fois : peinture et photographie. Ce fut une mutation sociale ou culturelle assez semblable à celle que nous vivons aujourd’hui, à l’ère furtive du numérique changeant. Cette exposition nous offre donc une sorte de vision historique qui pourrait être utile à quelque prospective de notre futur, en tous les cas médiatique.

Plus avant vers la fin du XIXè siècle, des photographes devinrent des artistes-en-soi et consacrés universellement. Comme Nadar qui fit le portrait de toute la société people de son époque. Et, c’est même dans son atelier qu’eut lieu la toute première exposition inaugurale du mouvement "impressionniste". Un courant pictural qui sut faire la grande rupture d’avec le classicisme académique. Et donc vers l’affranchissement de la représentation réaliste qui gouvernait l’art de peindre depuis la renaissance. Les peintres impressionnistes disloquèrent la perspective et le sujet vers la synthèse musicale des arts et finalement vers l’abstraction. C’est-à-dire que l’art photographique rendit inutile toute représentation hyperréaliste. Et donc les peintres se tournèrent-ils vers l’imaginal et les formes et les couleurs "pures", par le biais du symbolisme qui initia tout l’art du XXè siècle qui fut idéel ou déréalisant.

Il reste que la magie de l’art photographique reste cette étrange présence de la temporalité si fixée dans l’image plane. Par exemple, dans les premiers autochromes ou photos en couleurs des frères Lumière au bord du Lac Léman, dont on a l’impression qu’elles ont été prises la veille d’aujourd’hui.

Demian West

"La Photographie au Musée d’Orsay, 20 ans d’acquisitions : 1986-2006" Jusqu’au 27 mai 2007.

Les Nouveaux Réalistes au Grand Palais



Il est un lieu commun de la politique post-électorale, qu’on s’interroge sur la véritable influence que la blogosphère aurait exercée sur les votes des Français. En effet, on lit partout, depuis Schneidermann jusqu’aux colonnes survoltées de Agoravox, des propos assez dépités à la suite des espérances déçues que l’internet n’a pu réaliser, à ce qu’on dit tantôt.

Tout d’abord, nul ne saurait préciser ou décrire le paysage politique que l’on aurait découvert, pour le cas où l’internet n’aurait pas appuyé ou au contraire amoindri une politique ou un candidat. Souvenons-nous que lors des élections présidentielles de 2002, on a assisté à une forme de nouveau mouvement subit et brusque en dent-de-scie. Par ailleurs, ce choc électoral paraissait assez conforme ou parent avec les sautes des tempêtes climatiques dues au réchauffement de la planète. Ainsi, on vit d’abord une extrême-droite écarter la gauche socialiste, contre toute attente. Et pour qu’elle se lance aussitôt contre le donjon central de la présidence même. Ce qui semblait impensable auparavant. Puis, Chirac obtint naturellement son plébiscite assez napoléonien, et, finalement, pour une présidence assez tranquille.

Si les modes des communications politiques et des médias n’avaient guère évolués, peut-être aurait-on vu en 2007, la poursuite de tels mouvements de hausse et de chute en manière de montagnes russes. Ainsi, on pourrait imaginer que les Français, un peu pris de panique devant les incertitudes favorisées par notre monde contemporain, auraient pu à nouveau tout mettre en oeuvre pour un nouveau plébiscite. Et probablement, pour consacrer une politique qui devait contenir des bouts d’extrême-droite, pour rendre les passions et les appétits plus solides. Car, on trouvait communément autant de protestation que d’attrait du risque dans ces manifestations un peu révoltées ou suicidaires, en tous les cas hors d’équilibre et incertaines. C’est pourtant une politique que Nicolas Sarkozy et même Ségolène Royal ont un peu tenté, et les électeurs avec eux. Puisqu’ils les incitèrent et les soutinrent, tout en rejetant le FN qui était la destination traditionnelle de tels votes qu’on cache honteusement. Et vraisemblablement Ségo-Sarko avaient-ils à l’esprit cette lame de fond en réserve de mémoire, qu’il fallait canaliser pour même en profiter. Et tout pour être porté au plus haut sur la vague du temps, si gonflée par cet esprit de plébiscite.

Toutefois, il ressort de ces élections, que le nouveau Président n’a pas été élu par un dispositif plébiscitaire. Mais, à y regarder de plus près, il a obtenu plus que la coutume des voix qui sont toujours proches de l’axe médian des 50 %. Ce qui veut dire que la tentation du plébiscite fut certes grande mais qu’elle fut retenue par quelque force qu’il nous revient de dégager ou de la trouver. Car dans ces conditions des présidentielles 2007, un plébiscite aurait pu instiller des tentations dans l’esprit même et l’exercice du pouvoir par le Président. Puisqu’une telle élection excessive porte naturellement à outrepasser un programme modéré ou plus consensuel. Le plébiscite est toujours un risque pour la plus sûre démocratie.

Aujourd’hui, nous voyons un Président qui met dans son gouvernement un peu du programme prélevé dans l’esprit de ces adversaires. Afin qu’il puisse mieux incarner la présidence de tous les Français. Sarkozy débauche Kouchner ou Allègre à gauche. Pendant que la droite courtise Bayrou et qu’elle promet tous rapprochements et toutes douceurs qui vont pourtant à l’encontre de ce programme d’une droite dure, que les électeurs attendaient. Comme si la droite était déjà engagée en un processus de dissolution dans l’opposition qui s’y infiltre par toutes voies démocratiques.

Notre thèse est que l’internet et la blogosphère ont agi de manière à soutenir les forces de progrès, dont le Centre et la campagne "Désir d’Avenir" qui sont cette opposition démocratique. Plus que les blogs auraient soutenu la droite sarkozyste et plus loin l’extrême-droite. Et que donc, si les internautes n’avaient pas agi à ce premier rang de veille démocratique, et massivement, on aurait peut-être connu un second plébiscite dans une présidentielle après 2002 en 2007. Mais avec des conséquences bien plus dangereuses, en raison de la jeunesse et de la nature plus vive du Président qui en aurait bénéficié, et que ceci se fut produit à droite ou à gauche. Car, il y faut une nature hors du commun et beaucoup de la sagesse qui manque aux jeunes même s’ils sont quinquagénaires, pour qu’ils sachent maîtriser les flux si abondants et donc incontrôlables quand ils sont lâchés par un plébiscite.

Demian West

Tuesday, May 15, 2007

Le Rôle de la Blogosphère dans les Elections 2007




Il est un lieu commun de la politique post-électorale, qu’on s’interroge sur la véritable influence que la blogosphère aurait exercée sur les votes des Français. En effet, on lit partout, depuis Schneidermann jusqu’aux colonnes survoltées de Agoravox, des propos assez dépités à la suite des espérances déçues que l’internet n’a pu réaliser, à ce qu’on dit tantôt.


Tout d’abord, nul ne saurait préciser ou décrire le paysage politique que l’on aurait découvert, pour le cas où l’internet n’aurait pas appuyé ou au contraire amoindri une politique ou un candidat. Souvenons-nous que lors des élections présidentielles de 2002, on a assisté à une forme de nouveau mouvement subit et brusque en dent-de-scie. Par ailleurs, ce choc électoral paraissait assez conforme ou parent avec les sautes des tempêtes climatiques dues au réchauffement de la planète. Ainsi, on vit d’abord une extrême-droite écarter la gauche socialiste, contre toute attente. Et pour qu’elle se lance aussitôt contre le donjon central de la présidence même. Ce qui semblait impensable auparavant. Puis, Chirac obtint naturellement son plébiscite assez napoléonien, et, finalement, pour une présidence assez tranquille.


Si les modes des communications politiques et des médias n’avaient guère évolués, peut-être aurait-on vu en 2007, la poursuite de tels mouvements de hausse et de chute en manière de montagnes russes. Ainsi, on pourrait imaginer que les Français, un peu pris de panique devant les incertitudes favorisées par notre monde contemporain, auraient pu à nouveau tout mettre en oeuvre pour un nouveau plébiscite. Et probablement, pour consacrer une politique qui devait contenir des bouts d’extrême-droite, pour rendre les passions et les appétits plus solides. Car, on trouvait communément autant de protestation que d’attrait du risque dans ces manifestations un peu révoltées ou suicidaires, en tous les cas hors d’équilibre et incertaines. C’est pourtant une politique que Nicolas Sarkozy et même Ségolène Royal ont un peu tenté, et les électeurs avec eux. Puisqu’ils les incitèrent et les soutinrent, tout en rejetant le FN qui était la destination traditionnelle de tels votes qu’on cache honteusement. Et vraisemblablement Ségo-Sarko avaient-ils à l’esprit cette lame de fond en réserve de mémoire, qu’il fallait canaliser pour même en profiter. Et tout pour être porté au plus haut sur la vague du temps, si gonflée par cet esprit de plébiscite.


Toutefois, il ressort de ces élections, que le nouveau Président n’a pas été élu par un dispositif plébiscitaire. Mais, à y regarder de plus près, il a obtenu plus que la coutume des voix qui sont toujours proches de l’axe médian des 50 %. Ce qui veut dire que la tentation du plébiscite fut certes grande mais qu’elle fut retenue par quelque force qu’il nous revient de dégager ou de la trouver. Car dans ces conditions des présidentielles 2007, un plébiscite aurait pu instiller des tentations dans l’esprit même et l’exercice du pouvoir par le Président. Puisqu’une telle élection excessive porte naturellement à outrepasser un programme modéré ou plus consensuel. Le plébiscite est toujours un risque pour la plus sûre démocratie.


Aujourd’hui, nous voyons un Président qui met dans son gouvernement un peu du programme prélevé dans l’esprit de ces adversaires. Afin qu’il puisse mieux incarner la présidence de tous les Français. Sarkozy débauche Kouchner ou Allègre à gauche. Pendant que la droite courtise Bayrou et qu’elle promet tous rapprochements et toutes douceurs qui vont pourtant à l’encontre de ce programme d’une droite dure, que les électeurs attendaient. Comme si la droite était déjà engagée en un processus de dissolution dans l’opposition qui s’y infiltre par toutes voies démocratiques.


Notre thèse est que l’internet et la blogosphère ont agi de manière à soutenir les forces de progrès, dont le Centre et la campagne "Désir d’Avenir" qui sont cette opposition démocratique. Plus que les blogs auraient soutenu la droite sarkozyste et plus loin l’extrême-droite. Et que donc, si les internautes n’avaient pas agi à ce premier rang de veille démocratique, et massivement, on aurait peut-être connu un second plébiscite dans une présidentielle après 2002 en 2007. Mais avec des conséquences bien plus dangereuses, en raison de la jeunesse et de la nature plus vive du Président qui en aurait bénéficié, et que ceci se fut produit à droite ou à gauche. Car, il y faut une nature hors du commun et beaucoup de la sagesse qui manque aux jeunes même s’ils sont quinquagénaires, pour qu’ils sachent maîtriser les flux si abondants et donc incontrôlables quand ils sont lâchés par un plébiscite.


Demian West

Praxitèle au Louvre




Du 23 mars au 18 juin 2007 à Paris, le musée du Louvre présente une exposition exceptionnelle des oeuvres de Praxitèle le sculpteur grec très-antique. En effet, c’est la première fois qu’une telle exposition prend place en France, et pour présenter la plus longue traîne de l’influence du premier sculpteur grec qui osa la nudité féminine — bien qu’idéalisée en des volumes hyperréalistes. En outre, il s’agit d’une invitation à l’univers citationniste qui a su nimber, tout du long de l’histoire, la légende du sculpteur qui a vu Aphrodite.


Dans les flashes savants et doux de l’exposition, on y voit des bronzes comme l’"Aphrodite de Cnide", non loin de pièces de monnaie antique et d’autres témoignages des réalités plus triviales. On dit que Praxitèle connut son apogée en 360 avant J.C., et qu’il tenta le marbre de Paros quand le bronze régnait encore dans la statuaire grecque. La plupart de ses oeuvres ont disparu dans la dispute des siècles. Et ce sont des copies romaines magistrales qui manifestent ce bilan contemporain des originaux, qui est la raison de l’exposition. Les Romains raffolaient des oeuvres de Praxitèle et en conséquence, elles connurent une célébrité incomparable dans tout le monde connu.


Par ainsi, dans le promenoir, on peut voir l’"Aphrodite de Cnide" qui fut le premier nu féminin de la sculpture. Et un nu qui paraissait achevé dès sa naissance même, dans la plus fameuse statue de l’Antiquité. C’est dire qu’on met toute sa science à se retenir de toucher ces formes parfaites. Plus loin, on voit l’"Apollon Sauroctone" et le "Satyre au Repos". Cependant, l’exposition voudrait démontrer que le style de Praxitèle nous échappe encore, en raison des seuls référents qui restent des copies. Finalement, les chercheurs tentent d’assembler les traits qui viendraient le plus sûrement et le plus directement des originaux perdus.


Le sculpteur a connu la plus grande postérité. Ainsi, au IIIè siècle avant J.C. on tenta plus aisément la manière praxitélienne plutôt que la copie conforme. Le style praxitélisant fut un modèle du classicisme : la "Diane de Gabies", l’"Eros de Centocelle", le style praxitélien de Pasitélès et Stéphanos à Rome.


Enfin, entre le XVIIè siècle et le XVIIIè, on su mettre en relation les fragments marmoréens et les textes de la littérature antique, pour amorcer les recherches et la découverte du vrai Praxitèle. Auparavant, les maniéristes, dont le Primatice, s’inspiraient de son style sans rien savoir du sculpteur. C’est ainsi qu’on parla de "contamination" du Praxitèle original par des ajouts stylistiques des époques successives.


La légende des peuples dit que Praxitèle aima son modèle Phryné, et à tel degré qu’au XIXè siècle de l’académisme classicisant, elle devint le modèle ou la femme la plus célébrée de Paris. Aujourd’hui au Louvre, on cherche encore son visage dans les blancheurs veinées des marbres rares de Paros.


Demian West

Wednesday, May 09, 2007

Le 8 mai 1945 sans Sarkozy




Il faut le dire, il est quelque chose de la vacance du pouvoir dans cette absence de Nicolas Sarkozy, durant la journée du 8 mai qui marque le souvenir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale.


En effet, celui, qui sera le prochain Président de la République Française, a jugé plus important de se reposer à bord d’un yacht, plus vraisemblablement armé pour les travaux et manoeuvres fastidieux sinon éreintants de la constitution de son futur gouvernement. Plutôt que Nicolas Sarkozy jugeât utile d’être présent au plein coeur de Paris et de la France, pour ajouter une année à la mémoire du 8 mai 1945 qui mit fin au plus grave conflit que la France ait vécu. Avant que cette journée festive fut rétablie par le Président Mitterrand, le Président Giscard d’Estaing avait aboli cette date chômée pour calmer le jeu entre l’Allemagne et la France, qui étaient tout oublieux pour mieux souder l’Europe ensemble. Ce que l’on doit comprendre pour que les ressorts de telles barbaries civilisées ne soient plus jamais remontés. Et donc, les années 1970 agissaient-elles par des motivations qui ne sauraient être parentes à l’identique de cette surprenante digression de Sarkozy. Puisqu’il s’est jeté à l’eau pour se reposer de ses obligations les plus manifestes qui n’étaient pas tant une fatigue qu’un jour de fête.


En outre, Sarkozy était le candidat soutenu par beaucoup de personnalités juives. Aussi, est-il étonnant que son premier geste fut de ne pas rendre hommage à cette date, qui pourtant avait su arrêter la persécution de la communauté qui vient de soutenir massivement la candidature de Sarkozy à la Présidence. Pourquoi une telle absence sinon un tel manque ? D’autant plus étonnant, qu’il y a quelque histoire familiale attachée à cette pensée qui exige le souvenir.
Par ailleurs, les exigences du premier discours de Sarkozy furent un appel au rassemblement sans concession de tout le Peuple et des territoires français. Quand, dès le lendemain, il quitta le territoire de la communauté française pour s’éloigner de son Peuple. Et, à une date aussi symbolique qu’elle avait su imposer la figure gaullienne dont Sarkozy se prétendait pourtant l’héritier politique sinon sentimental. Pire encore : il est impossible que Sarkozy et son entourage n’aient pas pensé ou même évoqué ces questionnements ou déductions, que d’aucuns seraient autorisés à les dire, à la suite même de cet acte et pour le comprendre. Alors que cette sortie paraît assez provocatrice de la part du futur Président.


A la vérité, dans les ex pays de l’est depuis la Pologne jusqu’en Hongrie, on ne pense pas tant au 8 mai 1945, en journée de liesse. Et pour la bonne raison, que ce fut la journée quand l’occident se mit en train d’abandonner bientôt les pays de l’est au fond de la poche de Moscou ou de l’URSS, tout pour Staline. Et pour des décennies de misère, de mensonge et de politique factice. Aussi, avons-nous senti la piquante observation d’un Poutine qui a certes félicité Sarkozy, mais deux jours après son élection : ce qui est un affront frappé du blizzard condescendant. Qui d’entre-nous ne saurait voir dans ce retard au congélo, un Poutine se montrant traîne-savate pour chauffer un Sarkozy personnifiant la revanche définitive du néo-libéralisme par toutes voies depuis l’est, jusqu’en France désormais ?


D’une certaine façon, ces acteurs de la géopolitique n’ont certainement pas manqué de voir un Sarkozy, qui se réfugiait sur un signe extérieur d’ultralibéralisme qu’on appelle tantôt un yacht d’un ami de 20 ans. La gauche et le centre en France n’ont pas évité d’y voir un manifeste de la future Présidence, qui s’annonçait toute orientée et en lien avec les exigences du pouvoir financier. Et que cette "vacance" du pouvoir populaire arriva juste après les élections par le Peuple Français. Néanmoins, on nous l’affirme depuis le yacht post-électoral : jamais, cette élection ne fut amenée par la bourse ou les stratégies du monopoly international.


Malheureusement, le Peuple n’y trouve pas vraiment son compte d’élection et dès le lendemain de celle-ci. Il est comme déçu, d’emblée, que Sarkozy ne soit pas venu au rendez-vous du Peuple, et pour favoriser d’autres réunions et intérêts plus intimes soit à couvert.


A tel degré, que Sarkozy a dû déclarer, depuis le yacht présidentiel, que cette virée impromptue n’avait rien coûté au contribuable. Ce qui n’est pas si sûr, quand on songe aux autorités ultralibérales qui ont prêté le pack jet-and-yacht. Car elles demanderont leur reste un peu plus tard. Puisque nous les devinons peu enclines à faire des prêts qui ne seraient pas suivis de quelque intérêt et capital, le jour de l’échéance venue.


Demian West

Tuesday, May 08, 2007

Sarkozy Président vu par les Médias Etrangers

Tout juste les Français viennent-ils d’élire leur Président de la République et dans la plus irréelle exaltation, et aussitôt les médias étrangers en font leur portrait le plus réaliste qui soit, au risque de griffer la photo suprême à la Une.

C’est CNN qui dévisse et ouvre le flacon du sirop amer. Selon le journal, les Français viennent de sonner "L’heure du remède de cheval". Le bureau de CNN à Londres ajoute que beaucoup de journaux voient quelque ombre de suspicion voiler la stature du changement brusque qui serait annoncé par cette victoire incontestable. Outre-Manche, on doute toujours des illusions d’optique qui favorisent les contes fantastiques.

A tel degré, que l’International Herald Tribune a fait une liste de citations collector des qualificatifs qui collent encore à la peau de Sarko : entre l’"arrogance" et la "brutalité". Mais, qu’il sut bien les retourner tous, pour focaliser l’attention sur sa figure et son ascension. Vrai ! on reconnaît aussi de ce pied-là, l’aisance du tribun Sarkozy, en habile représentant de commerce de sa propre boutique. Et qu’il sait vous vendre son style oratoire, tout teinté de l’ambition nue qui monte à cru. Dans le Herald qui se décolle du mur puis s’envole, on avoue qu’on pense Sarkozy un brin pragmatique et même calculateur à la Napoléon quoi ! Sinon carrément Louis quatorzième. Car, en Angleterre, on n’a plus vraiment peur du ridicule sur soi, depuis les flirts people arrangés du Prince Charles.

Le Guardian imagine un Sarko qui irait tout droit à la réalisation de ses projets, et si vite qu’on n’y verrait mais. Puisque les Français auraient élu le Président qu’ils devaient élire, à défaut de trouver celui qu’ils auraient aimé élire. On le constate, ce journal aime la nuance aristocratique qui sait snober amplement les rivalités populaires entre Français, qui se sont tout de même presque tranchés au sabre, pour faire cette issue radicale des élections exsangues au bord de la guerre civile.

Quant au Times, il prédit une rupture dans la politique. Et dans un article qui ajoute à l’exaltation comme on ne l’oserait plus en France. Voyez : le Times dit que Sarkozy réveillera le pays, oui ! Et qu’il le rétablira dans sa meilleure assiette, c’est-à-dire à la pointe des forces occidentales, et vers toutes coopérations utiles. Des mots qui nous font aussitôt craindre le pire pour la paix au moyen-orient, comme un plomb dans le mil de la colombe.

Plus lapidaire, la Suddeutsche Zeitung annonce, on ne peut plus sobrement et efficacement, que la France s’est postée plus à droite encore. C’est donc un vrai coup direct et franc du boxeur aux journalistes casuistes et bavards qui ne devraient pas s’en remettre tantôt. Aussi, le Frankfurter Allgemeine Zeitung a-t-il bien remarqué quelque changement en France, depuis hier. Mais, tout en s’interrogeant sur la façon dont l’Allemagne vivrait cette nouvelle donne. A ce stade éperdu de l’émotion européenne, le Spiegel se devait de refroidir les sangs allemands et rappeler un peu, que tout n’est pas rose dans la politique droitière de Sarkozy. Et donc, que ses exigences radicales et moralistes entraîneront des conflits sociaux et plus largement encore...

Enfin, c’est un tabloïd qui pose la vraie bonne question à mille euros du smic des travailleurs. Autrement dit, on voudrait bien savoir ce que le Président entendait par cette part de son slogan qui voudrait "remettre la France au travail". Le Sun se demande où Sarkozy aurait-il vu des emplois en troupes si nombreuses, qu’une période d’abondance serait ouverte juste par l’effet de ce vote et de cette élection ? Ce qui serait vraiment nouveau en France.

Demian West

Sunday, May 06, 2007

Paris Hilton en Prison




Paris Hilton vient d’être condamnée à 45 jours de prison ferme pour avoir conduit un véhicule quand son permis lui avait été retiré. C’est toute la sphère people qui éclate en gerbes de feux contradictoires. En effet, ce qui semble un fait-divers, comme on en rencontre sur tous les bancs des commissariats, tourne au débat de fond sur la dérive d’une société américaine qui mise tout sur le buzz, et plutôt négatif en dernier recours.


Paris est une héritière des palaces Hilton où tout brille de fond en comble jusque dans les médias. Elle se révéla au monde du box-office des personnalités people quand elle filma ses ébats avec son petit copain et qu’on put en voir le tout-cash sur le net. Ce fut le premier acte de cette ascension médiatique qui use de tous les matériaux et occasions pour faire tourner la boutique de la célébrité comme mode de vie. Récemment, elle avait bu un coup de trop et pire encore : pour la route. Elle en perdit son permis. Et, à ce qu’elle dit : sans vraiment comprendre la nature et la durée de la punition. Elle persista donc en prenant le volant après quelques jours, puisqu’elle s’appelle Paris Hilton et que la loi c’est fait pour les gens du-dessous.


On la retrouva sur la route à reprises, et franchement, le juge a vu rouge. Il vient de lui coller 45 jours de prison. Et pas de ces journées qu’on passe en bracelets chics électroniques au pied avec une interdiction chiquée de quitter le Palace de maman. Non ! Elle doit faire les vrais 45 jours, dans une prison normale : c’est-à-dire étroite, avec une seule fenêtre et une heure par jour, de télé, ou de promenade, ou encore une seule heure de visite de quelque ami qui resterait avec la paria Hilton.


Et ce n’est pas tout : elle sera interdite de téléphone portable, ce qui est comme de l’amputer, avant que la prothèse repousse à la sortie. Paris H. a eu beau mentir devant le juge, en affirmant derrière ses grands verres teintés qu’elle n’avait pas compris qu’il était question d’une interdiction de conduire de plusieurs mois, ses larmes n’y firent rien. A la sortie du Tribunal, des fans l’applaudirent et lui crièrent qu’ils l’aimaient. Ce qu’on peut comprendre, quand pour sa part, Demian West envisage d’ores et déjà de lui apporter les meilleurs chocolats parisiens au parloir, avec marqué dessus le ruban rose "et plus si affinités". Elle n’y échappera pas, car si elle ne se présente pas à la porte de la prison, à l’heure dite, c’est bien 90 jours qu’elle devra endurer dans cet univers de Cro-Magnon.


Toute la Presse est soit pour, soit contre l’événement 2007. Certains entrevoient quelque effet du buzz négatif qu’ils affirment plus prestigieux qu’un award. Et ça inquiète l’autre bord plus moral des Etats-Unis. Car si les peoples doivent désormais aller en prison pour crever le plafond, c’est toute la jeunesse qui s’égarerait en de tels modèles et exemples de bazar. Il reste qu’on ne parle que de la blonde Paris, comme si sa vie était le film même qu’aucun film ne saurait narrer d’aussi près de l’inouï. Avec tous rebonds imprévisibles de cette Star qui est confirmée pour ne pas dire consacrée par sa punition même. Trop forte Paris Hilton.


Demian West


Pour voir la vidéo sans commentaires : ici.

Friday, May 04, 2007

Microsoft archive les e-mails

Qu’y a-t-il de plus banal qu’une e-mail bien utile que nous destinons, après un court temps, à la poubelle virtuelle de notre ordinateur que nous vidons d’un geste alexandrin ? Peut-être le spam. Pourtant, ce sont bien un million d’e-mails que le dur géant Microsoft allié à la douce British Library voudraient rassembler pour en faire une base de données pour les chercheurs de notre monde du futur.

En effet, ces institutions, marchande et humaniste, ont considéré que l’e-mail était un mode majeur de nos échanges collectifs ou privés qui véhiculent la plupart de nos usages et habitudes. Aussi, nous assure-t-on que ce médium saurait rendre, dans quelques siècles éprouvants pour les nerfs de nos civilisations à venir, le portrait le plus ressemblant de notre XXIè siècle de nous tous quoi !

C’est bien vu. Car nous disons souvent plus de nous-mêmes et de nos réalités, autant quotidiennes que fantasmatiques, dans des papiers ou des immatériaux que nous pensons sans importance. Il s’agit donc, pour ce projet, de faire le tri entre les romances qui tournent vite au cinoche de gare, puis des plaintes de toutes natures vexées au bord de la crise de gros mots, enfin d’autres bourdes et gaffes administratives et pour qu’on s’en souvienne définitivement.

L’éminent John Tuck, de la British Library, a dégagé que les e-mails ont entièrement investi les mêmes registres réservés par les traditionnels courriers et modes de communications. Il a donc "harcelé" les instances en charge des e-mails,afin qu’elles acceptent de céder toutes autorisations de prélèvements. Et depuis, les cyberfacteurs effectuent des prises d’e-mails qui seront archivées : à destination des futurs chercheurs, à ce qu’on dit tantôt.

C’est nouveau. Car on n’avait jamais osé capturer autant de mots libérés dans la nature, avec un tel lasso robotique du géant Microsoft. Et peut-être s’agit-il, au passage, de dompter quelques adresses e-mails et leurs boîtes aux lettres qui s’ébruitent souvent aux frontières du possible ? Conformément à notre vie contemporaine qui en écrit de bonnes qui sortent parfois des virages bornés de conventions.

A la vérité, quand le manager du Windows Live Hotmail, Jo Wickremasinghe a mailé que c’était juste une tentative pour illustrer l’hégémonie de l’e-mail sur la communication globale et mondiale, il parlait encore de dispositifs dominateurs et centralisateurs. Et cette affaire d’hégémonie n’est-elle point la tasse de thé de Microsoft, comme chacun le sait ? Dès lors, on peut s’interroger quant à l’invite que Microsoft et Email Britain viennent de faire aux internautes maileurs : qu’ils envoient des e-mails pour les archiver. Cette proposition équivoque sera-t-elle suivie d’effets ? En d’autres termes, les internautes accepteront-ils de livrer leurs propres archives secrètes, inavouables par le fait ?

Car, une e-mail nous semblait frappée, d’abord pour être lue, puis pour qu’elle soit coffrée sous couvert de notre mot de passe le plus enchéri, et à la fin, pour que l’e-mail soit cruellement trashée à la poubelle comme il convient. Et finalement, on pourrait aussi s’étonner que les chercheurs aient demandé qu’on leur facilite les recherches. Ces investigations ne donnent-elles pas un plaisir plus intense qu’elles seraient plus laborieuses ? Il y a donc probablement quelque autre raison plus cachée dans ce dispositif de collecte des lettres d’aujourd’hui.

Pour autant : Vous, qui n’avez rien à cacher, vous pouvez envoyer toutes e-mails que vous estimez représentatives de notre monde contemporain, depuis votre boîte aux lettres vers cette adresse : email@emailbritain.co.uk

Demian West