Thursday, May 04, 2006

Les USA en partition d'Irak




La plus puissante armée du monde ne sait plus comment s’extraire du bourbier, dont elle a pourtant pris l’habitude d’y aller d’elle-même. Lundi dernier, on fêtait le troisième anniversaire de l’annonce par Bush, sur le USS Lincoln, de la fin des opérations militaires majeures en Irak. Et, Harry Reid, le sénateur leader des démocrates en charge de discours, se garda bien d’évoquer les échecs récents, qui n’étaient plus de saison pour la foule acquise à la cause, et qui était là pour entendre d’autres sons du canon.

Au même moment, Joe Biden, le sénateur du Delaware, qui est un grand critique de la politique et de la diplomatie étrangère de l’appareil Bush, donnait son discours au "World Affairs Council" à Philadelphie ; puis, il ajouta des communications au "Washington Times", ainsi qu’il confia quelques réflexions à David S. Broder, qui en fit son éditorial du" Washington Post" du 4 mai.

Joe Biden est également un démocrate du "Comité des Relations Etrangères du Sénat". Il dit craindre non-moins qu’une guerre civile en Irak, entre forces shiites et sunnites. Il faudrait donc revoir, et au plus vite, toute la stratégie et les buts que se seraient fixés les USA en Irak, et pour l’Irak aussi. Il propose donc, d’abandonner l’idée d’un gouvernement unifié sous domination shiite. Et, pour engager une sorte de partage de l’Irak en trois régions : au nord, les Kurdes qui réclament, pour eux, la plus grande indépendance ; au centre, les Sunnites qui préfèrent actuellement le désordre, plutôt qu’un pays sous contrôle des Shiites ; et enfin, au sud, les Shiites qui veulent conserver leur leadership gouvernemental, soient la défense, les affaires étrangères et le contrôle des ressources pétrolières.

La question majeure restant au partage de ces revenus pétroliers, qui couvent puis jettent toutes étincelles pour allumer ces communautés ethniques, entre-elles. Biden considère que si 20 % des revenus étaient réservés aux Sunnites, à confiner dans un territoire au centre de l’Irak : chacun resterait enfin chez soi, sans plus agresser l’autre. Et les USA pourraient, alors, songer à quitter cette poudrière ou ces sables mouvants, comme on voudra, et dès 2008.

Il insiste sur le fait, qu’il ne s’agirait pas d’une partition, bien qu’il évoque ce risque à mots couverts.

La constitution irakienne autorise cette nouvelle cartographie, des 18 provinces, en trois grandes régions fédérales. Mais, il faudrait laisser, dans la place encore chaude, une force résiduelle de type "over-the-horizon", et un "Groupe de contact" : pour s’assurer du bon-respect des engagements pris par toutes parties contractuelles, et pour s’assurer que les minorités incluant les femmes soient préservées.

En fait, il est très savoureux d’entendre que Biden va jusqu’à comparer ce processus, aux débats qui firent les "Articles de la Confédération", quand les 13 premiers Etats ont posé les jalons de la Constitution du gouvernement fort et central. On comprend qu’il ne saurait mieux tenter de convaincre son auditoire US, par toutes ses fibres les plus nationalistes. Et, dans le même temps, Biden assure qu’il s’agit d’un dispositif proche des " Accords de Dayton" qui surent mettre fin à la guerre des Balkans, vers une Bosnie unifiée.

Mais, comme la queue du chien sait toujours reprendre sa forme, il laisse échapper ses craintes d’un gouvernement irakien qui s’affaiblirait par un tel dispositif, et qui entérinerait une tri-partition de l’Irak. Ce qui est déjà une réalité sur le terrain, et qui justifie ces visions de l’avenir de l’Irak, selon les propres termes de Biden.

En conséquences, et à y regarder de plus loin, pour mieux voir ou plus vastement sur ce coup de dé, on entend bien quelque air de sauve-qui-peut que nous chanterait l’habile Biden. Cependant, que l’administration Bush s’exhibe à toutes caméras utiles des CBS et des CNN de toutes les heures et minutes, en ses danses hésitantes au sujet des plans A ou B ou C, tous vers l’Iran : si bien qu’on ne sait plus précisément quels seraient les deux termes de l’alternative.

Nous en sommes donc à la proposition Biden, qui ne dit pas qu’elle pourrait mener à la partition de l’Irak... ni que tout ce théâtre de la politique, se jouerait peut-être pour sauver, le plus habilement, les meubles sinon la face de l’aigle.

Demian West

No comments: