Tuesday, November 28, 2006

Enquêtes de Visions Citoyennes.

L'enquête d'investigation citoyenne paraît un idéal en aussi haut-siège qu'il serait bas, si l'on considère d'abord ses sources géographiques et sociales. Aujourd'hui, les promoteurs, de cet idéal, voudraient mettre en oeuvre un appareil qui saurait enfin scruter toutes les zones assombries ou couvertes de la société. A cette fin, ils devraient coopter des intervenants qui seraient infiltrés dans toutes les trames du tissu social. Aussi, pourrions-nous craindre, en bon et fidèle lecteur de Orwell, que ces caméras citoyennes voudraient s'espacer jusque dans le secret des familles, par le fait. Car si les vérités cachées devaient toutes être révélées, il est bien des intimités qui devraient être mises au jour, et d'une façon forcément impropre à l'idéal même de ce désir de vérité que ce projet impose comme sa légitimité.

Nous voulons dire que : si un tel appareil d'investigation était mis en oeuvre, et par des structures non-contrôlées par l'Etat -- qui puisse seul garantir une citoyenneté qui serait inscrite dans les livres et les formules de lois constitutionnelles -- ce serait un nouvel appareil qui doublerait celui de l'Etat, à cette échelle qui n'est plus journalistique mais sociale, et que cet appareil pourrait être préempté au profit de quelques-uns et pour des buts inavouables pour le coup. C'est donc bien un nouveau pouvoir qui tenterait, aujourd'hui, de se mettre en réseau virtuel puis réel.

C'est aussi le moment de se souvenir, que le monde s'en est ainsi déjeuné et constitué : qu'il reste toujours un lieu où la lumière n'y pénètre jamais, et c'est justement le bureau central du premier cercle, dans tous les appareils conçus selon ce type scrutateur. On nous sortirait donc et à nouveau, le vieux rêve révolutionnaire des Panoptiques, dans lesquels chaque citoyen était visible depuis le bureau du directeur (les Salines d'Arc-et-Senan de Ledoux). Et que ce rêve s'acheva dans l'architecture carcérale, où chaque prisonnier était asservi à la vision et au contrôle du directeur. Vers toutes prospectives orwelliennes...

Nous n'en sommes manifestement pas là : car Monsieur Revelli a ouvert son article d'annonce, de cette force d'enquête "citoyenne", par une reconnaissance implicite de l'échec de la méthode citoyenne que AgoraVox devait épandre massivement dans toutes les strates de la société ouverte. En effet le fondateur reconnaît, qu'on n'y vit dans ce journal, nul scoop qui sut faire trembler quelque bâtiment du journalisme classique ; nulle révolution vraiment rougie comme une coulée de lave plus blanc les rues de la GrossStadt qui est le pire lieu de perdition depuis le romantisme anglo-saxon qui exagère tout. Rien de tout ceci ! en revanche, nous y avons lu des articles et des effets d'annonces qui renoncent, épuisés dans leur formule vieillie, à tenir un public impatient, dans le monde internet qui fait encore des bulles qui s'éclatent orgiaquement en brûlant nos yeux irrités de leur savon irisé qui pique.

Et tout comme c'est notre office d'artiste provocateur, nous osons tout de même piquer quelques yeux ou demander au passage : Pour laquelle raison, une méthode qui n'aurait pas su prendre dans un mouvement social, pour laquelle raison cette méthode prendrait-elle plus tard ? même si on lui greffait prothétiquement des journalistes professionnels en mal de rédemption de leur vocation désenchantée.

Quand tous les intervenants citoyens -- nous parlons de ceux qui ne rêvent pas tout simplement de messianisme invraisemblable -- devraient-ils enfin reconnaître qu'on ne saurait faire un spécialiste, juste en connectant un citoyen à son ordinateur qui serait branché jour et nuit sur AgoraVox joint à Wikipédia. Non-plus qu'on saurait faire un écrivain en électronisant l'oralité d'un citoyen qui aurait bu quelque lexique du journalisme citoyen.

C'est là que serait, peut-être, cet écueil, malheureusement éternel, de ce projet qui a débuté dans un élan utopique et qu'il tente de recommencer tout le processus de la foi : c'est-à-dire qu'il tente de nous faire accroire en une espérance utopique, comme il convient à toutes idéologies. Car, c'est en quelque sorte un retour de l'idéologie que nous observons là, nous dirions presque comme une religion qui cherche une neuve religion ou une nouvelle raison de croire à nouveau, comme par exemple en ce credo-ci : Que l'internet nous sauverait tous !

Demian West

No comments: