Friday, September 07, 2007

Dessins de maîtres à Chicago

Du 4 octobre 2007 au 6 janvier 2008, le Smart Museum of Art de l’université de Chicago expose la collection des dessins des maîtres européens assemblée par la Yale University Art Gallery. C’est un ensemble prestigieux qui s’espace du Bernin à Degas en passant par les artistes du rococo le plus évanescent.
La collection complète de ces études d’artistes propose donc un survol entier des techniques qui préparent les tableaux. Et d’une certaine façon, c’est un monde en soi des arts, qui tiennent leur laboratoire loin des expositions oratoires et publiques.

Souvent, il arrive qu’on préfère des dessins de Dürer à ses huiles. Et c’est à raison, car il était avant tout un grand dessinateur. Aussi, cet exemple suffit-il à démontrer que le dessin est la base des arts plastiques. Puisqu’il est contendu à droit fil, depuis les jets volontaires du cerveau de l’artiste soi-même.

Qui n’a pas jeté sur le papier vaguement paumé sur la table, quelques dessins informes et pulsionnels pendant un appel téléphonique ? Qu’il nous jette le premier portable et son crédit. Ces dessins automatiques sont la preuve de la nature pulsionnelle et organique du dessin, en tant qu’il écrit ce que le cerveau pense, mais dans sa langue la plus primitive.

C’est la fille de Dibutade, l’antique plaste ou modeleur, qui inventa le dessin, selon la légende. Quand elle traça sur le mur, le profil de son amant pour en conserver le souvenir au vif. Tous les arts en tombèrent de ce profil réaliste, la peinture et la sculpture.

C’est pourquoi, il est capital pour un artiste, qu’il revienne régulièrement à cette pratique fondamentale du dessin. Aussi, Léonard de Vinci dessinait-il, chaque fois et en rite inaugural de toutes ses séances picturales, un profil d’homme dont on suppose qu’il était plus qu’une simple mise en train. D’une certaine façon, il s’agissait d’une sorte de code hypnotique, qui le mettait dans une assiette de ferme assurance entre sa main et son esprit qui la guidait. Ce petit croquis inaugural était comme un mantra ou une clé qui ouvrait puis qui laissait fluer les voies de la création inspirée, qui échappent aussi au créateur lui-même. Puisque l’artiste est le médium de l’inspiration, par aventure souvent libre ou hasardeuse.

Qu’aurait pu dire Vinci, si tantôt on lui avait demandé, comment et par quelle voie initiale il savait dessiner. Rien autre que de l’inné ajouté d’un peu d’acquis. C’est cette leçon de l’apparition spontanée de l’art par le dessin, qui fonde la grande religion de l’art moderne puis de l’art contemporain. Pour Dante, le dessin n’était-il pas "le signe de Dieu en nous".

D’aucuns, plus contemporains, diront que ce dieu-là a tous les traits de l’inconscient qui est aussi vaste que la divinité. Si nous en jugeons par la vastitude immense des paysages de la libido derrière la personnalité de surface. Et dont tous les desseins libidinaux apparaissent, peu ou prou et tôt ou tard, dans le disegno ou le dessin conceptuel allié à la sensualité dernière de l’art achevé.

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