Tuesday, September 04, 2007

Le Trollisme comme une des formes des arts contemporains

Il est un fait que tous lecteurs ont pu observer et depuis un couple d’années, le journalisme citoyen a développé un champ d’expression vaste et mondial, qui sait rassembler les discours les plus singuliers. C’est-à-dire que ses contributeurs ont coutume de parler hors de la sphère ordonnée du langage convenu, soit universitaire soit de l’information. Mais ce n’est pas ce fait auquel nous voulons faire épaule, aujourd’hui. Puisqu’il n’est pas moins apparent que, sur Agoravox, les trolls semblent plus actifs sinon plus virulents que partout ailleurs, à tout le moins dans le spectre de la blogosphère communément admis.

Le plus troublant est probablement cette mixité que nous voyons s’installer entre des débats vertueux et presque compassés sinon définitivement polis, et d’autres injections de mots fulgurés à la piquouze des trolls. C’est que l’appétit ne leur manque guère, et la nuit et le jour. Certes, depuis le début du XXe siècle, les trublions se sont régulièrement rassemblés en une sorte de fief des arts, mais tout collé à la boue des propos de bavettes les plus provocatrices. Et, il ne viendrait à l’esprit de quiconque de remettre ces acquis en cause. Puisqu’ils sont une garantie éprouvée, si jamais écrite que contractuelle, de nos libertés d’expression.

La règle internétique voudrait ou conseille tantôt, qu’on ne nourrisse pas le troll. Et pour qu’il s’éteigne de sa belle lividité cadavérique bientôt déposée sous un meuble des vieilles familles, comme les animaux savent mourir en silence. Mais, ce n’est pas si simple qu’impossible. Car, le troll a la faculté inouïe de nous (é)mouvoir par le biais de nos orgueils bien ou mal élevés en nous-mêmes. Aussi, le troll tire-t-il nos fils les plus naturels, qui tiennent à nos plus hautes conceptions de nos propos, et finalement de nous-mêmes. Ce qui voudrait dire, que pour échapper aux harpons et au doigté manipulateur des trolls, il faudrait nous résoudre à l’humilité qui est la meilleure pente lessivée vers l’oubli et donc vers l’anonymat le plus "horrifique".

Ce qui est assez contre-internétique, si l’on voulait écrire et diffuser son évangile selon soi-même. Le journalier citoyen n’est-il pas ce crucifié en puissance ? Puisqu’il détient une vérité qu’il doit imposer, par son art, au monde entier. C’est probablement, pour cette raison messianique que le rédacteur vire souvent au trollisme, en tant qu’il s’agit de l’action d’un individu qui s’opposerait à tous.

Il reste que, à l’image des grands provocateurs qui terminent bassement en vulgaires fondateurs de mouvements artistiques pour la gentry, des trolls agoravociens vont même jusqu’à passer au-travers du terrible crible du comité de sélection d’Agoravox. Et tout pour l’amélioration de la race trolline qui voudrait, finalement et par la fatigue ou l’épuisement civilisateur, concevoir une sorte de réconciliation. Et, sur le mode parodique du troll-qui-devient-rédacteur. Et cette rédemption avance en manière très équivoque d’une victoire ou d’une reconnaissance par l’adversité. Comme si le bébé troll aspirait à être absorbé par le placenta utérin même des publications autorisées. Autrement dit, l’achèvement aristotélicien du troll serait sa dévoration transformatrice par l’appareil qu’il avait souillé, auparavant, de toutes ses dents méphitiques.

Pourtant, nous plaiderons pour le troll en précisant ce qui apparaît de plus en plus, dans le principe même du buzz. Cette rumeur internétique est déjà une donnée incontournable de toutes les communications par le net. Et donc, ce buzz contient dans son principe même la nécessité d’une sorte de trollisme résiduel, qui serait le moteur de l’araignée diffusant son contenu sur sa toile. Aussi vrai que le buzz doit diffuser son contenu par tous moyens.

On ne le regrette pas, et même on s’avoue aisément satisfait de cette dialectique assez spirituelle. Car au fond, elle exprime bien que nul ne serait un troll si fixement et fermement. Puisque le rédacteur fut un troll. Et que la plupart des trolls deviendront des rédacteurs par l’effet de l’accoutumance de l’un à l’autre. Et c’est bien une forme des arts plastiques que de pouvoir exprimer, dans un médium ou dans un média contemporains, cette plasticité ou cette mouvance qui induit que rien n’est jamais acquis, et pas même dans la culture ou dans la personnalité. Comme si nous étions certainement le troll d’autrui, ainsi que nous serions plus sûrement encore le troll de nous-mêmes par aventure d’écriture vivante.

Demian West

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