Saturday, September 06, 2008

Le "rouge" Valentino aux Arts Décoratifs



Jusqu'au 21 septembre et face aux objets et ordres de l'Empire au louvresque musée des Arts Décoratifs, on peut baigner dans le luxe du couturier italien "Valentino". Je m'y suis rendu avec Deila, avant son shooting chez un grand photographe vénitien versé dans les glossy covers.

Le musée est une architecture blanche régulière et modulaire qui sait jouer des escaliers monumentaux. Dans ce cadre élégant on se sent des âmes de princes nonchalants et voluptuaires. N'y entre-t-on pas "A rebours", comme Des Esseintes, de Huysmans, préférait la pensée symboliste du voyage aux péripéties du trekking à Londres.

D'entrée dans cet imaginaire du vêtement, on tombe quasiment à genoux devant une robe phare de ce couturier si léger que grandiose. C'est une bouffée de rose qui illumine une pénombre savante. Et le mannequin en plastique gris vaguement argenté, et répété sous chaque robe, sait effacer la femme réelle, pour qu'on y imagine la sienne muse en place.

Pour ma part, j'ai trouvé-là l'occasion d'y mettre en rôle la terrible Deila qui est le canon même de la beauté russe, oui mais à Paris ! ce qui est plus encore exaltant. Ensuite, c'est une longue marche à deux et discuteuse dans les galeries de verre de ce défilé statique, dans lequel on est harponné avec une régularité à couper le souffle, par des robes inouïes.

On y voit des harmonies d'ivoire et de noirs peuplés de textures historiées comme les chapiteaux des colonnes romanes. Ailleurs, des animaux rampants et ailés occupent des espaces symboliques et érotiques de ces robes transformatrices de la femme.

Des papillons noirs et vernissés, des serpents espacés dans le dos décolleté vertigineux, et d'autres plumes d'oiseaux humains survêtent, en quelque sorte, la robe qui était une peau, dessous la parure. On pense à l'"éloge du maquillage" de Baudelaire. Et combien le factice est la vraie réalité, quand on cause de séduction et d'affaires de vie ou de mort, forcément. On finirait pas penser aisément que la femme serait l'indien pré-logique de l'homme, un peu son shaman envoûtant.

Plus avant, les robes paraissent des manifestes de l'architecture en mouvement. On y sent des allusions évidentes aux ordres grecs ou classiques, et des fêtes baroques ou galantes qu'on porte sur soi-même. C'est l'effet d'une magie artistique quand on sent les influences russes, française et italienne qui travaillent ce couturier. Quand l'ordre baroque à la française sait cumuler la régularité en façade avec les excès des détails orientaux, de l'axe vénitien-byzantin dirait-on, dans les parties plus cachées... et donc qu'on les voit plus encore.

Enfin, il y a cet étonnant rayon de robes du "rouge" Valentino. Ce n'est plus une couleur, c'est une substance et de l'amour certainement. On en sort rougi par ce feu prométhéen dont nous ne connaissions pas la si liquide complexion de couleur en débord : comme si plus de rouge donnait un autre rouge. Non plus comme une sensation, mais plutôt comme une idée ou un savoir-le-rouge.

Cette exposition est un lieu idéal pour narcissiser la femme que l'on voudrait élever par une ferveur d'amant. En d'autres termes, on y survit heureusement à son syndrome stendhalien, avec cette puissante envie de jouer à la poupée. Mais en adultes consentants et conjouissants des beautés de l'art pas si décoratif que ça.








Photos par Deila Vogur

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