Sunday, August 24, 2008

La Maison atelier de Gustave Moreau à Paris

Dans la petite rue montante de la Rochefoucaud près Saint-Lazare à Paris, on entre au 14 dans le musée Gustave Moreau qui était sa maison. C'est comme si Deila et moi étions ses invités, pareils à ceux qui s'assirent à la table du petit salon écrasé par les lourdes grappes d'oeuvres aux cimaises.

Là, on y voit des gravures, une cathédrale de Strasbourg, des oeuvres amies du peintre et des objets d'art du quotidien que le commun de l'ordinaire ne saurait s'offrir : des vaisselles ornées de serpents vernissés verts et jaunes, des plâtres d'artistes classicisants, et des petites tableaux à la manière du jeune Corot italien. Ma muse Deila y laissa quelques soupirs d'émotions retenues et nostalgiques des beautés historicistes du XIXème siècle. Elle est russe et donc elle aime tout ce qui est byzantin.

Puis, on accède dans la chambre où le peintre est mort en 1898. Il y a son lit qui évoque, en plus humble, celui de Vinci à Amboise. Et toujours à l'entour cette profuse population des objets d'arts qui rappellent les appartements de Ruskin, bourrés d'objets du culte rendu aux arts and crafts, mais avant tout au culte rendu au désir d'art. C'est que nous sommes dans le sanctuaire du symbolisme, où l'occulte, l'art, l'éros et même le morbide électrisent et érotisent le réel.

Dans le boudoir à côté, on y entre comme dans le cénotaphe de la femme que Moreau aimait et selon les stances des objets rares et exotiques qui peuplent la petite pièce comme un bazar du Grand Caïro décrit par Thackeray. N'y voit-on pas, entre deux porcelaines de Chine dépareillées et uniques, des oiseaux colibris aux noms inconnus empaillés sous globe comme une vierge catholique couverte de fleurs fânées au rebours de toutes les croyances imaginaires.

Ensuite nous montons l'escalier vers les ateliers immenses, tout comme les tableaux invraisemblables et créés par un peintre affranchi du négoce de l'art. Il était riche et libre et il peignait donc comme il voulait : des scènes mythologisées de beautés byzantines ou éclectiques. Tout y est matériaux de l'art, en des ors qui se tissent subitement à des azurs qui virent au vert, aussi des rouges fulgurent en des pourpres romaines illicites. Et surtout, tout y est dessiné, et comme ornement de l'espace de la toile.

La tzarrible Deila et moi, nous nous sommes assis longuement sur le petit banc devant le vaste Ulysse qui règle ses comptes avec les prétendants du chant épique. Pourtant on n'y sentit aucune colère, juste la profusion des détails décoratifs : le symbolisme est un art de la décoration. Et il est clairement précurseur de l'abstraction. Il n'est que de voir la liberté de la touche picturale par Moreau, qui savait jeter des effets de pinceaux peu attentifs au rendu réaliste. Tout ce qui comptait était l'effet artistique... "la plastique" disait la muse Deila, qui se perdait longuement dans l'observation des lotus mystiques dessinés par cet orfèvre sur des plages de vert et jaune délicats.

Un escalier en colimaçon mène à l'atelier plus haut. Et cette échelle n'était pas sans évoquer les hiérarchies des anges ou des créatures surnaturelles sinon elfiques qui ont coutume de monter et de descendre ces escaliers célestins. Ce que nous avons fait aussitôt en des devis et des débats amoureux des arts et des visions que Moreau savait nous offrir, après un siècle d'oubli ou de négligence, à tout le moins. Car, à Paris, il n'est pas que les grandes expositions qu'il faut courir, mais aussi les maisons d'artistes, où l'ambiance reste collée et fragrante aux murs des vivantes époques du passé d'avant le plastique et le formica du web.

C'est clair ! pas d'erreur ! en sortant de cette overdose massive d'art, dans un café boulevardier devant la Trinité, Deila et votre humble narrateur, nous avons parlé durant des heures de ce monde que nous venions de visiter et qu'il reste en nous : l'extra-réel.

4 comments:

Anonymous said...

Ces gens prestigieux, c'est sûr, se sont absentés pour un certain temps mais comment as tu fait pour qu'ils te confient les clefs de leurs appartements?

Demian west said...

Quand je sors avec Deila, dont la photo orne mon blog, tous les pauvres hommes que l'on croise ont envie de lui donner leurs clefs avec le porte-clef spécial Ferrari. Je serais malhonnête si je prétendais ne pas en connaître la raison.

C'est la femme de ma vie. On a jeté la clef par la fenêtre...hi hi hi !

Anonymous said...

Belle comme elle est, tous les chevaux de la Ferrari se cabreraient pour lui faire une arche d'honneur.

Demian west said...

Je suis sous le choc ! et j'redescend plus !