Tuesday, June 05, 2007

Renaissance Carolingienne à la BNF-Richelieu

Non loin du Palais royal au centre de Paris, le site Richelieu de la BNF présente les "Trésors carolingiens" qui ont fait l’Europe culturelle jusqu’à nous. La culture carolingienne fut le premier essai de restaurer l’Empire romain, et par le biais de l’Eglise. En effet, ce qu’on nomme communément la chute de l’Empire romain, en 476, fut plutôt son transfert dans l’Eglise catholique romaine, qui en reprit toute la liturgie mais sur le mode christique. Donc, après les vastes coups de béliers que les Barbares avaient portés sur toutes les frontières du limes romain, des dynasties mais chrétiennes se formèrent à nouveau. D’abord les Mérovingiens de la lignée franque de Mérovée, et sitôt les Carolingiens du grand Charlemagne soi-même, et fils de Pépin le Bref.

Ainsi, ce pouvoir devenu stable put-il tenter ce qu’on nomme, depuis peu, la première renaissance carolingienne. C’est-à-dire une période de l’Histoire qui fit renaître la culture unitaire sur le territoire de l’Europe, et par le biais de l’essor des arts et de la littérature latine aussi. Et, c’est la spécificité de cette culture : qu’elle insistait autant sur l’écrit que sur l’image. Ou plutôt qu’elle laissait l’image en retrait, ou dans un rôle plus illustratif du texte. Nous sommes au plein Moyen Âge et la Bible était le Livre et la parole unique. Charlemagne commanda donc par décrets autoritaires ou de droit divin du donjon, pour qu’on se mît enfin au travail de restauration de ce livre. Par la correction des fautes orthographiques du passé, et pour retrouver le parangon ou le paradigme, soit le modèle. Aussi, on s’aida des textes latins profanes pour corriger le latin perdu, et comme un prétexte habile à quelques digressions triviales. Et des moines bénédictins devaient copier, pendant des siècles, ces modèles rigoureux de l’art des bibles. Heureusement, ces modèles étaient ornés par des enluminures historiées récréatives, et d’autant plus précieuses qu’elles témoignent de styles personnels dessous le vernis religieux.

Pour centraliser et unifier le continent, Charlemagne a créé une programmatique digne des empereurs romains. Il exigea la constitution chez les moines de Corbie d’une écriture pratique et lisible. Et donc, à partir de la capitale romaine et de l’onciale plus ronde, ils inventèrent consciemment la minuscule "caroline". Ainsi, les Carolingiens amenèrent-ils une rationalisation plus économique des livres roulés à la romaine, vers la création du livre en pages de parchemin ou de vélin reliées. Dans le même temps, Charlemagne autorisa et encouragea la représentation humaine en opposition aux iconoclastes byzantins. Sans toutefois qu’il fût un iconodule soit un adorateur des images. Et, il mit en oeuvre toute cette politique culturelle, pour étendre l’idéologie chrétienne, afin qu’elle sache bien unifier le continent sous une seule croyance et sous un seul ordre, pour créer l’Empire. Car, la référence à Rome et à l’Antiquité était inscrite dans le programme politique et culturel, comme le seul mode possible de la résurrection d’une civilisation aussi puissante et sûre que Rome l’était en son temps.

A la suite, et comme on le vit dans toute constitution des progrès civilisateurs, les arts purent s’enrichir en enrichir en retour. Dans les livres enluminés, on vit les premières illustrations rémoises, qui prirent à nouveau les études romaines de la protoperspective empirique là où ces essais avaient été délaissés. Et les images se mirent à nouveau à penser, vers la perspective et la représentation plus réaliste de l’espace. Ce fut donc un processus qui précipita la seconde renaissance florentine et flamande par Alberti, ou Dürer et par Vinci.

Par ailleurs, tout l’artisanat reprit. Car il avait survécu aux invasions barbares. Et mieux encore, il s’en était nourri puisqu’ajouté d’arabesques ou d’entrelacs et de bestiaires wisigothiques et insulaires d’Irlande. L’artisanat des orfèvres anonymes devint lentement l’art officiel de la culture carolingienne. C’est pourquoi on ne voit pas tant de tableaux dans cet art tout voué aux objets qu’il décore. Selon la façon si précieuse des barbares, qui donneront plus tard l’art ottonien, qui vint à la suite de l’art carolingien. On l’aura compris, le terme "barbare" ne signifie pas une décadence, mais une culture très raffinée, et venue depuis l’Orient et du nord. Et, par le biais de peuples nomades, qui n’avaient donc aucune utilité à peindre des fresques fixes sur des murs de palais trop fermes. Puisqu’ils vivaient et couchaient sous des velums ailés qu’ils montaient et démontaient chaque jour.

L’art carolingien est une profusion toujours en invention de mille décors historiés sur des objets mobiliers, pleins de satellites en pierres précieuses et d’ivoires sculptés très rares. C’est aussi une culture parlante, qui donne plus de sens au livre, comme un programme inaugural de la civilisation européenne définitive. Puisque l’écriture "caroline" fut à peine modifiée pour servir de module aux impressions des livres des humanistes, depuis la grande renaissance jusqu’au siècle des Lumières. Et jusqu’à nos jours, puisque cet article est rédigé puis diffusé par internet, par le biais d’une police de caractère qui est la parente directe de la caroline. Enfin, le livre même, tel qu’on le trouve partout, dans les librairies et les bibliothèques, puis sur les quais de Seine des bouquinistes, le livre a été inventé par les Carolingiens dont nous parlons aujourd’hui. C’est donc une révolution, assez identique à la nôtre internétique, que nous pouvons percevoir et suivre dans ces chefs-d’oeuvres de l’art des années 800 après Jésus-Christ. Car, tout change aujourd’hui, comme tout avait changé sous l’Empire du grand Charles.

Grâce au livre, tout le savoir de l’Antiquité fut retrouvé. Vers la grande Renaissance de l’Antiquité au Quattrocento et Cinquecento, qui projetèrent la civilisation occidentale humaniste et des droits de l’homme. Ce que l’Empire romain avait déjà programmé, en quelque sorte. Quand il donnait le statut de patricien romain aux étrangers qui désiraient s’affranchir des guerres et de la misère. Et simplement quand ces nouveaux venus acceptaient et adoptaient les lois de Rome. Des lois qui furent à nouveau appliquées par les pandectistes au Moyen Âge. C’est ainsi que Rome n’avait plus l’utilité de faire la guerre. Puisqu’il était si avantageux de devenir romain, quand Rome protégeait et distribuait le pain à ses patriciens. Au comble de la civilisation et de son pouvoir, il suffisait à Rome de venir et de se montrer pour que les boucliers adverses tombent et que les peuples se plient immédiatement à sa loi. C’est pourquoi, plus tard on tenta à reprises ces renaissances culturelles vers le gouvernement de tout le monde connu. Et que cette histoire de renaissance fait toujours l’ouverture de nos journaux télévisés dans l’Empire actuel.

Demian West

Le site Trésors Carolingiens : http://expositions.bnf.fr/carolingiens/

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