Tuesday, August 07, 2007

Le Cinéma de Dali à la Tate Modern de Londres

Jusqu’au 9 septembre, la Tate Modern de Londres nous fait une toile sous-titrée Dali & Film. On peut y voir les influences et destinations qui firent irruption dans la sphère dalinienne toute animée et même vouée au culte de Dali soi-même. C’est de ce pied-là que Dali agaçait et aimantait, dans le même temps, le passant inconsidéré ou le spectateur soit l’homme de la foule du XXe siècle.

Dali est né juste après le cinéma, tel un second terme dans une naissance de jumeaux, assez empressés de changer tout leur siècle. Il fit des études, on dira juste pour rencontrer Lorca et Bunuel. Et donc pour faire le parangon du film surréaliste Un chien andalou. Outre les images goyesques et choquantes pour les ligues de vertu par habitude, on retiendra une narration chaotique mais tout ce qu’il y a de plus neuve. En y regardant d’assez près, on ne concevra pas tant le surréalisme comme une sorte d’aller simple, mais au rebours des conventions. Même si c’est l’entrée majeure et convenue vers la nouvelle cérémonie des avant-gardes.

Car le surréalisme est avant tout une tentative de trouver l’entrée vers un autre monde, et qu’il ne serait pas si éloigné puisqu’il semblerait certes parallèle au nôtre, mais jamais vu. L’animation ou le film surréaliste dit, en quelque sorte, que nous serions des aveugles ignorants des vraies réalités. Ainsi, la séance inaugurale de l’oeil tranché par le rasoir dans Un chien andalou est-elle pleine de ce sens, que les plus longuement couchés d’entre nous penseraient un non-sens.

Dali fit son voyage aux Amériques, en sorte de grand tour de la "genteel" filmique. Il y croisa ceux qu’il nommait malicieusement les surréalistes américains, dont les Marx Brother’s, Walt Disney et Cecil Blount DeMille. Il y conçut les images d’un film d’animation pour les studios Disney et intitulé Destino. Et que le movie fut finalement abandonné en raison de la trop vive imagination du Catalan. C’est la raison qu’une diplomatie étouffée aux portes du studio donnera en guise de projection désormais avortée. Il reste les croquis et les peintures de Dali qui, pour le coup, donnent une dimension plus hégémonique encore à Disney. Car le grand homme de la famille Disney fit tout de même le plus volumineux bestiaire du XXe siècle, comme un La Fontaine ou un Esope mirent en scènes les animaux fabulistes de leurs temps.

Dali oeuvra aussi pour Alfred de la compagnie tremblante Hitchcock. Il fabriqua de toutes pièces et main-d’oeuvre le rêve de La Maison du Dr Edwards. Il en fallait du surréalisme pour plonger le cinéma dans cette trouille freudienne, que les cultures se refilent encore entre elles comme un plat trop chaud. Docteur suis-je normal ou surréaliste ? Dali y fourra sa réponse dans le rêve en y allongeant tous ses topoï de son art coulant comme un camembert fourmillant d’animalcules. Ni l’un ni l’autre je suis Dali et voici le monde de Dali, selon les rêves et les fantasmes de Dali..."de sa luxuriante splendeur" dirait Burgess. Tant et si bien, que lorsque le public vit la scène du rêve, il fut surpris, comme les spectateurs de la séance inaugurale du cinéma à Paris furent cloués à leurs bois de sièges.

Quand, rue de Rennes, à Saint-Germain-des-Prés et à la fin du XIXe siècle, on vit, pour la première fois et chez les Frères Lumière qui invitaient, un train trouer la toile pour sortir du mur opaque, des feuilles tombées sous les arbres y remonter aussitôt toutes seules pour se coller à nouveau à leur branche, des personnes se mouvoir quand elles étaient déjà mortes comme si elles ressuscitaient. Et toute cette pantomime hallucinatoire advint par l’effet des trucages et de la magie du cinéma, qui annonçait la victoire sur le temps, et qui annonçait enfin la remontée vers l’information génétique des ultimes résurrections sur l’écran.

La surréalité d’Apollinaire et de Breton serait cette surabondance de réalité. Car elle achève la réalité, en y ajoutant la dimension psychique et du rêve. Et malgré les excès et rodomontades de Dali, on en retiendra qu’il avait tout vu et qu’il a déroulé les rushes de sa vie, pour nous faire entendre et voir le film que la foule ne savait encore voir. Aussi vrai, que la vie d’un grand artiste est un roman qui donne à voir un excellent film, certes assez incompréhensible pour le commun de l’ordinaire. Mais que le spectateur inconnu s’y presse à la séance. Car il sent bien que s’il n’y allait pas, il raterait le train du siècle, qui entra certainement dans la gare de Perpignan après son départ de la Ciotat. Ce qu’il fallait savoir et les horaires inouïs.

Demian West

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