Wednesday, August 01, 2007

Henner au musée de la Vie romantique

Jusqu’au 13 janvier 2008, le musée de la Vie romantique ,à Paris, accueille les œuvres du peintre Jean-Jacques Henner, qu’on présente en dernier des romantiques. On dira, un romantique un peu académique. Ce qui semble certes antinomique. Mais, Henner était un académicien très épris des femmes rousses aux allures lascives de l’orientalisme assez gréco-romain.

On le constate, ce peintre alsacien baignait en plein rêve de réconciliation, dans son humeur angélique. Aussi se plaçait-il au-dessus ou à côté des modes, qui poussent trop aux affrontements suggérant facilement le progrès factice, en des réactions multiples qui se répondent vainement.

Il peignit de longues suites de vénérations manifestées aux femmes rousses qu’il baignait dans la lumière d’un clair-obscur franc et parfois vincien. Toutefois, une certaine personnalité se dégage de cette peinture. Surtout par son aspect obsessionnel, qui poussait certains critiques confirmés à y voir une répétition ennuyeuse d’un truc ou du chiqué facile et sans originalité, dirait Baudelaire.

Pourtant, la constance de son attachement pour ce motif manifeste aussi une sorte de dernière folie, autant érotique que mystique. Et ce pourrait bien être là son romantisme dernier et singulier. N’évoque-t-il point les préraphaëlites anglais, dont Burn-Jones qui flashait aisément sur les rousses ?

Henner fut par ailleurs un grand portraitiste mondain. L’art du portrait était cette pointe recherchée du Marché de la peinture, qui fut un puissant laboratoire au XIXe siècle. Et il n’est pas étrange que ce fut sur ce pré-là, que Henner défendit Renoir, quand il osa présenter Madame Charpentier et ses enfants. Un tableau de Renoir qui reste vraisemblablement une des œuvres universellement acclamée. C’est dire que Henner ne s’y trompa pas. Pour défendre, en tant qu’académicien, un impressionniste scandaleux et pas des moindres, contre la majorité puissante de son académie.

C’est aussi le trait de noblesse de ce grand peintre, qui aimait à travailler le tableau selon de grandes masses opposées. Ainsi était-il ce grand maître qui savait agréablement charpenter tout l’œuvre de ses certitudes, mais tout par le biais du sentiment romantisé.

Il reste que cette aventure officieuse, de la fin du XIXe siècle, nous dévoile enfin une réalité plus nuancée que les propos et rumeurs qu’on jetait à l’emporte-pièce sur le tas des impressionnistes. La peinture ne connut pas tant une révolution qu’un mouvement naturel vers la modernité. Tant et si bien que des académiciens soutinrent les nouveaux venus. Pour la meilleure raison que la peinture va son chemin. Puisqu’elle est ce jeu et ces plaisirs que nul ne saurait se refuser, quand il y a goûté un tant soit peu.

L’exposition présente les œuvres du musée Henner et des renforts venus du musée d’Orsay. Ce qui donne, d’une certaine façon, une manière de rétrospective unique depuis cent ans, sur ce peintre qui fit un lien conciliateur entre l’académie des peintres pompiéristes et les avant-gardes réalistes et impressionnistes. Aussi, il mena à droit fil, jusqu’au symbolisme assez hyperréaliste de Fernand Khnopff. Et, finalement, Henner pressa vers le surréalisme des femmes hiératiques du Belge Paul Delvaux.

Et plus encore, les poupées bien ficelées de Hans Bellmer ne seraient pas moins rousses que les orientales blandices du peintre Henner. Lui, qui fut si bon peintre académicien, qu’il ne fut jamais chaste. Allons à l’expo et brisons ces mythes faussés !

Demian West

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