Saturday, May 19, 2007

La Tournée Parisienne du Facteur Cheval




Jusqu’au 1er septembre 2007 à Paris, le Musée de la Poste vous déplie une invite à visiter le Palais Idéal du Facteur Cheval. Au 34 rue de Vaugirard métro-Montparnasse, on peut entrer dans la porte du temple hindou fantaisiste du plus déjanté facteur qui voulut être boulanger, puis architecte de lui-même et de ses rêves. En effet, Joseph Ferdinand Cheval s’enrôla dans la Poste pour traverser sa vie sans trop buter sur des cailloux, ce qui lui arriva pourtant. Et ce fut le début d’une aventure artistique unique ou singulière. Car, sur cette première pierre, il a su construire pendant 30 ans de 1879 à 1912 : le premier chef-d’oeuvre de l’architecture naïve.

L’art naïf est un courant artistique qui fut consacré par Picasso. Le faune de la modernité était déjà parvenu au faîte de sa notoriété, quand il aida des artistes qui ne prétendaient pas devenir des artistes. Tel le Douanier Rousseau dont Picasso a acheté et collectionné les oeuvres. Et pour leur donner, dans le même temps, toute leur dimension contemporaine. Le Douanier n’était-il pas le premier artiste qui osa peindre un aéronef ou les premiers avions, qui étaient jugés disgracieux par les peintres établis ? Aussi, le milieu artistique qualifiait-il la Tour Eiffel en monstruosité flanquée dans le paysage urbain de Paris, et malheureusement mise en plant dans le quartier du Gros-Caillou.

En revanche, Picasso soutint le Facteur Cheval. Et, André Breton ajouta encore à cet enthousiasme. Bien que Picasso parla peu, on sait qu’il voulait retrouver la créativité de l’enfant. Mais, après avoir réfléchi ou pensé l’art en tant qu’adulte. Pour Picasso, il ne s’agissait donc pas de dessiner comme l’enfant. Mais plutôt, il s’agissait de retrouver, dans un esprit d’adulte et un corps d’adulte, cette ivresse et cette liberté de l’enfant qui crée en démiurge : car il sait encore que tout est possible.

Souvent ces artistes naïfs ne s’imaginaient pas en habit d’artiste. Et pour des raisons complexes brassées par leurs inhibitions. Jointes aux pressions des milieux artistiques et familiaux conventionnels qui bétonnent les meilleurs fleuves des sentiments. C’est pourquoi Jean Dubuffet, qui était en lien avec le surréalisme de Breton, donna les éléments théoriques qui surent enfin définir cet art dit "singulier" ou "art brut". Plus étrange encore : certains artistes naïfs ou bruts, et des plus extraordinaires d’entre-eux, pensaient être habités par des êtres surnaturels qui peignaient ou sculptaient ou bâtissaient, au-travers de leurs mains, ainsi qu’ils seraient leur médium ou instrument. D’autres ne s’interrogeaient pas, ils bâtirent un palais ou un oeuvre entier d’une vie qui n’avait jamais été vu, ou créé ni même été pensé par quiconque, et même par les plus grands artistes reconnus en demi-dieux.

Lors d’une tournée tranquille, le Facteur Cheval a buté sur un caillou anonyme. Puis, il en a assemblé des lopins pour les cimenter en des rêves inouïs. Par ainsi, les rêves du petit facteur ont-ils influencé les plus grands artistes contemporains dont Walt Disney, qui a conçu le bestiaire magique et les châteaux féériques du XXè siècle. Mieux encore : Cheval a construit de la même façon merveilleuse, que Louis II de Bavière a su mettre les moyens pour révolutionner l’art de ses délires construits en faux décors peints. C’est-à-dire, tout vers la 3D d’aujourd’hui, et les mondes exhumés par le grand cinéma international.

On peut certainement y voir, que la force accumulée d’une idée obsessionnelle peut se cristalliser ou se générer en un monde espacé au-dehors. Et par l’effet de l’art le plus personnel et singulier et loin de tout milieu officiel. Et pour qu’à la fin le monde ancien en soit tout changé. Enfin, même si l’on est un petit fonctionnaire à l’instar de Kafka (en plus sombre), on peut trouver le levier d’Archimède qui peut mettre le branle à plus d’un hémisphère.

Ce Cheval-là s’est inspiré des gazettes aux images orientales, sans vraiment qu’il considérât les théories et les expositions autorisées dans le milieu artistique qu’il ignorait forcément dans sa Drôme désertique. Et il a mené son délire si vastement et si hautement bâti dans son jardin, qu’il en a montré au monde entier, qui il était : c’est-à-dire qui il voulait être. Le palais ainsi que la démarche sont une oeuvre d’art totale au sens wagnérien. Et c’est ce que Picasso avait vu, avant tous les autres. Enfin, Malraux consacra le Palais Idéal du Facteur Cheval de Hauterives dans la Drôme, en le classant aux sites des Monuments Historiques : ce qui n’est pas rien comme tournée générale du petit facteur.

Demian West

Pour voir la vidéo très intéressante, ici : http://www.facteurcheval.com/fr/video.php

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