Friday, May 04, 2007

Microsoft archive les e-mails

Qu’y a-t-il de plus banal qu’une e-mail bien utile que nous destinons, après un court temps, à la poubelle virtuelle de notre ordinateur que nous vidons d’un geste alexandrin ? Peut-être le spam. Pourtant, ce sont bien un million d’e-mails que le dur géant Microsoft allié à la douce British Library voudraient rassembler pour en faire une base de données pour les chercheurs de notre monde du futur.

En effet, ces institutions, marchande et humaniste, ont considéré que l’e-mail était un mode majeur de nos échanges collectifs ou privés qui véhiculent la plupart de nos usages et habitudes. Aussi, nous assure-t-on que ce médium saurait rendre, dans quelques siècles éprouvants pour les nerfs de nos civilisations à venir, le portrait le plus ressemblant de notre XXIè siècle de nous tous quoi !

C’est bien vu. Car nous disons souvent plus de nous-mêmes et de nos réalités, autant quotidiennes que fantasmatiques, dans des papiers ou des immatériaux que nous pensons sans importance. Il s’agit donc, pour ce projet, de faire le tri entre les romances qui tournent vite au cinoche de gare, puis des plaintes de toutes natures vexées au bord de la crise de gros mots, enfin d’autres bourdes et gaffes administratives et pour qu’on s’en souvienne définitivement.

L’éminent John Tuck, de la British Library, a dégagé que les e-mails ont entièrement investi les mêmes registres réservés par les traditionnels courriers et modes de communications. Il a donc "harcelé" les instances en charge des e-mails,afin qu’elles acceptent de céder toutes autorisations de prélèvements. Et depuis, les cyberfacteurs effectuent des prises d’e-mails qui seront archivées : à destination des futurs chercheurs, à ce qu’on dit tantôt.

C’est nouveau. Car on n’avait jamais osé capturer autant de mots libérés dans la nature, avec un tel lasso robotique du géant Microsoft. Et peut-être s’agit-il, au passage, de dompter quelques adresses e-mails et leurs boîtes aux lettres qui s’ébruitent souvent aux frontières du possible ? Conformément à notre vie contemporaine qui en écrit de bonnes qui sortent parfois des virages bornés de conventions.

A la vérité, quand le manager du Windows Live Hotmail, Jo Wickremasinghe a mailé que c’était juste une tentative pour illustrer l’hégémonie de l’e-mail sur la communication globale et mondiale, il parlait encore de dispositifs dominateurs et centralisateurs. Et cette affaire d’hégémonie n’est-elle point la tasse de thé de Microsoft, comme chacun le sait ? Dès lors, on peut s’interroger quant à l’invite que Microsoft et Email Britain viennent de faire aux internautes maileurs : qu’ils envoient des e-mails pour les archiver. Cette proposition équivoque sera-t-elle suivie d’effets ? En d’autres termes, les internautes accepteront-ils de livrer leurs propres archives secrètes, inavouables par le fait ?

Car, une e-mail nous semblait frappée, d’abord pour être lue, puis pour qu’elle soit coffrée sous couvert de notre mot de passe le plus enchéri, et à la fin, pour que l’e-mail soit cruellement trashée à la poubelle comme il convient. Et finalement, on pourrait aussi s’étonner que les chercheurs aient demandé qu’on leur facilite les recherches. Ces investigations ne donnent-elles pas un plaisir plus intense qu’elles seraient plus laborieuses ? Il y a donc probablement quelque autre raison plus cachée dans ce dispositif de collecte des lettres d’aujourd’hui.

Pour autant : Vous, qui n’avez rien à cacher, vous pouvez envoyer toutes e-mails que vous estimez représentatives de notre monde contemporain, depuis votre boîte aux lettres vers cette adresse : email@emailbritain.co.uk

Demian West

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