Wednesday, May 16, 2007

La Photo du XIXè siècle à Orsay




Au Musée d’Orsay à Paris, on a sorti des chambres noires 20 ans d’acquisitions du fond photographique. Pour mettre en perspective mais au rebours, l’avènement de l’art photographique depuis sa naissance dans les années 1830, jusqu’aux premières années du XXè siècle qui consacrèrent cette nouvelle expression. Car aujourd’hui, elle est devenue hégémonique par le biais des téléphones portables.

Tout d’abord, cette exposition a le mérite de la curiosité. Puisqu’elle sait dévoiler des rapports secrets qui mirent en liens la photographie et la peinture. On sait mieux, aujourd’hui, que des peintres usèrent de la photographie comme de plus sûrs modèles pour réaliser leurs oeuvres de plus longue main. Delacroix, Courbet et Degas prenaient des photos de leurs modèles féminins pour créer dans la solitude d’un confort plus assuré par la pose définitivement statique, quand elle fut capturée par l’oeil photographique. Réciproquement, des photographes dits "pictorialistes", dont Thiollier, tentaient de donner des teintures ou des poses picturales à leurs photos. Pour qu’elles conservent encore de la noblesse du plus grand art de peindre. Et pour diffuser de la légitimité artistique dans ce nouvel exercice qui n’était pas encore un art entier. Finalement, on jugeait la photographie trop réaliste sinon mécanique, pour qu’elle sache représenter de la sensibilité humaine.

Mieux encore, des artistes échangèrent des pratiques et des images, avec des amis écrivains tout appliqués à la création de revues d’art désormais mythiques. Ces communautés constituèrent de grands fonds photographiques qui sont des oeuvres entiers d’art, mais aussi des mémoires des avant-gardes du tournant du XIXè siècle au XXè siècle. Parmi ces maîtres de la photographie, Steichen et Stieglitz assurèrent le passage du pictorialisme à notre modernité plus expérimentale.

On le sait, la photographie ruina l’art des peintres réalistes et en conséquence tout l’art du portrait peint. Cette nouvelle machine, qui enregistrait les images à l’identique, produisit d’abord une terrible transmigration des peintres mineurs vers cette nouvelle activité. Certains réussirent dans leur nouvel art, quand d’autres y perdirent tout à la fois : peinture et photographie. Ce fut une mutation sociale ou culturelle assez semblable à celle que nous vivons aujourd’hui, à l’ère furtive du numérique changeant. Cette exposition nous offre donc une sorte de vision historique qui pourrait être utile à quelque prospective de notre futur, en tous les cas médiatique.

Plus avant vers la fin du XIXè siècle, des photographes devinrent des artistes-en-soi et consacrés universellement. Comme Nadar qui fit le portrait de toute la société people de son époque. Et, c’est même dans son atelier qu’eut lieu la toute première exposition inaugurale du mouvement "impressionniste". Un courant pictural qui sut faire la grande rupture d’avec le classicisme académique. Et donc vers l’affranchissement de la représentation réaliste qui gouvernait l’art de peindre depuis la renaissance. Les peintres impressionnistes disloquèrent la perspective et le sujet vers la synthèse musicale des arts et finalement vers l’abstraction. C’est-à-dire que l’art photographique rendit inutile toute représentation hyperréaliste. Et donc les peintres se tournèrent-ils vers l’imaginal et les formes et les couleurs "pures", par le biais du symbolisme qui initia tout l’art du XXè siècle qui fut idéel ou déréalisant.

Il reste que la magie de l’art photographique reste cette étrange présence de la temporalité si fixée dans l’image plane. Par exemple, dans les premiers autochromes ou photos en couleurs des frères Lumière au bord du Lac Léman, dont on a l’impression qu’elles ont été prises la veille d’aujourd’hui.

Demian West

"La Photographie au Musée d’Orsay, 20 ans d’acquisitions : 1986-2006" Jusqu’au 27 mai 2007.

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