Friday, June 01, 2007

Rembrandt en Juif Errant

A Paris, jusqu’au 1er juillet, le musée d’Art et d’Histoire du judaïsme expose une vision toute en or de la tolérance qui faisait image de Nouvelle Jérusalem, à Amsterdam au XVIIe siècle de Rembrandt soi-même. Déjà savait-on le pays flamand très accueillant pour les réfugiés juifs venus du sud européen, plus âpre à la torture des excommuniés désignés de fait, ou par quelque malheur approchant. Mais la période était bien plus complexe.

En effet, le XVIIe flamand était au plein du baroque. Un terme qui venait de "barocco" ou la perle irrégulière qui luisait de quelque allusion aux trésors dérobés aux nouvelles colonies des Amériques indiques occidentales. C’est ainsi qu’on nommait la nouvelle frontière américaine, dans la littérature qui rêvait de bateaux en croisades frappés de croix rougies sur des mers inconnues. Le XVIIe siècle, c’était le temps des grandes inventions terrestres et scientifiques. Aussi, en peinture on explorait le réalisme le plus vétilleux et hyperréaliste. Selon les premiers tableaux de Rembrandt qui étaient conformes à la tradition flamande. Et son premier éléve, Gérard Dou, acheva cette représentation exacte de la réalité, alors qu’il ignorait tout de la photographie. Plus tard, Gérard Dou fut retrouvé, en quelque sorte, par Dali qui l’autoconsacra en précurseur dalinien, aux temps de l’hyperréalisme photographique des années 1970.

Comme une évidence de la profusion du baroque, Rembrandt fut le contemporain du plus grand, Vermeer. Qui ne le connaît pas aujourd’hui ? Quand il n’était qu’un obscur peintre amateur dans son siècle. Mais dans le même temps, il fut le premier témoin photographique de son époque. Car, il usait d’une caméra obscura qui sut fixer les premiers effets optiques de lentilles, si propres à la syntaxe photographique mais dans la peinture : ce qui est rare. Le style perlé de la lumière de Vermeer est la première manifestation de l’étude réellement scientifique de la lumière par les peintres, probablement en lien avec les scientifiques de leur époque. Mieux encore, le scientifique Huygens venait de découvrir les principes de la vision oculaire. Selon des rayons visuels qu’il appelait " des petits pinceaux" qui venaient dessiner les images sur le fond d’oeil. Déjà avait-on transformé la lunette de Galilée en microscope pour voir autant l’infiniment petit et ses animalcules qu’on explorait le ciel plus infiniment lointain.

C’est pourquoi, cette lumière des optiques pouvait prendre des accents assez spiritualistes du clair-obscur de Rembrandt. Son invention du clair-obscur fut lentement élaborée à la suite du sfumato brumeux et mystérieux de Léonard de Vinci. C’est-à-dire que la peinture - qui est l’art de piéger ou d’illusionner le regard - devint aussi un art scientifique de l’étude des phénomènes lumineux de la vision, et donc du regard interprétatif. Au XVIIe siècle, on différenciait les phénomènes lumineux en "lux" et "lumen". C’est-à-dire en lumière qui venait du monde, et symétrique à la lumière qui venait des yeux ou de l’esprit pour déchiffrer le monde. Ainsi, cette étude fut-elle vraiment psychologique ou humaniste. Et on y étudiait la manière d’agir picturalement sur la psyché, et par les rayons lumineux renvoyés par la peinture ou le tableau, soit par les images iconiques.

On y conçut une forme de l’action sociale ou politique. Sinon de la philosophie la plus personnelle qui se pensait utile à la société, depuis l’invention de la peinture comme un art libéral ou philosophique par Léonard de Vinci. Aussi, en pays flamand, on était loin et à couvert de l’absolutisme gallican en France. Et donc, le petit juif polisseur de lentilles de vision, Spinoza pouvait philosopher tranquillement et pour retrouver le sens premier des textes bibliques. Pendant que Descartes était libre, sinon subventionné pour disséquer l’homme-machine et ses origines mêmes de la pensée. Sur une table rase qu’il avait bien mise pour le repas définitif de la reconstruction de l’homme moderne. Et finalement, tous ces entregents surent préparer la révolution des mentalités plus éclairées, vers le siècle des Lumières.

C’est dans cette atmosphère de bouillon cultivé et bien tourné par la tolérance plus aisée que Rembrandt entama ce qu’on a nommé sa période juive. Quand, il décida de se détourner du monde. Tel un vieux penseur qui se préparait à mourir. Et donc, qu’il était temps pour lui d’étudier les mythes premiers ou bibliques, mais à sa façon plus intimiste et très contemporaine. Puisqu’il y mit tout l’or de son clair-obscur visionnaire, en des allusions et des effets luministes de l’esprit d’avant, soit de l’âge d’or ou du paradis perdu. Paradoxalement, c’est cette période de la vie de Rembrandt qui manifeste le mieux son désir du retour aux valeurs protochrétiennes, enfouies dans les promesses vétéro-testamentaires. C’est donc une vision ou une peinture personnelle de l’Ancien Testament qui paraît assez semblable et parente des souhaits des protestants qui s’étaient réfugiés comme les juifs vers le pays flamand. Puisque partout ailleurs c’était le chaudron du diable.

Toutefois, cette quête du sens premier, dans les oeuvres de Rembrandt, est toujours ouverte à des explorations individuelles des énigmes perdues dans ses obscurs profonds. Car ils contiennent des myriades de coups de pinceaux. En des détails si accumulés qu’ils paraissent invisibles jusqu’à la disparition. En revanche, la lumière y éclate et s’y répand tellement dans tout le tableau qu’elle semble irruptive de pierreries solides de soleils qui auraient inventé la lumière fulgurée depuis le tableau lui-même. Si bien qu’un mystère résiduel, clair et obscur à la fois, persistera dans la représentation que Rembrandt se faisait de la judéité. Hormis qu’il l’intégrait dans les scènes intimistes familiales et de sa propre intimité de l’autoportrait en errance de lui-même.

Demian West

"Rembrandt et la Nouvelle Jérusalem, juifs et chrétiens à Amsterdan au Siècle d’Or"

http://www.mahj.org/fr/02_en_ce_moment/expo_rembrandt_reserver.php

Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme - Hôtel de Saint-Aignan - 71, rue du Temple — 75003 Paris

1 comment:

marcel said...

hello
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shalom