Tuesday, April 25, 2006

Good Morning Mutins


Le 18 avril 2006, Tony Blankley écrivait, dans son éditorial du "Washington Times" intitulé "Sept Jours en Avril", de singulières hypothèses de prospective politique. En effet, il postulait que si un général de l’armée des Etats-Unis, en mission et en guerre, démissionnait pour s’exprimer et pour s’opposer plus librement contre des ordres qu’il réprouvait : il agirait dans le cadre autorisé par la loi. Ce qui est bien.
En revanche, si des généraux se groupaient, pour une même action hostile aux ordres, mais dans le secret préalable de leur action concertée : ils agiraient contre le "Code de Procédure Militaire" en manière de mutinerie. Et, Tony Blankley alla jusqu’à risquer la question de savoir si cette action mènerait ces généraux devant une cour martiale.

Le lecteur se dira certainement : mais quel éperon aurait-il piqué notre éditorialiste, et en une partie trop sensible de son épiderme, pour qu’il posa de telles questions qui relèveraient, à tout le moins, de la science-fiction ? Si on les posait au coeur du pays même de la liberté et de la démocratie. Même si celle-ci semble souvent consensuelle, comme un seul homme quoi...

Pourtant, c’est Richard Holbrooke qui initia le débat, quand il posa cette problématique cruelle, et le dimanche auparavant dans le "Washington Post". En effet, cet ancien ambassadeur, de la présidence de Clinton auprès des Nations Unies, révéla, dans un article intitulé " Derrière la révolte militaire", et en manière d’annonce : qu’un nombre croissant de généraux à la retraite s’exprimaient, et de plus en plus ouvertement, contre les décisions du Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. Et, Holbrooke de prédire que, tantôt, d’autres généraux, et ceux-ci "in action" ou en guerre, rejoindraient ce concert qui saurait parvenir aux oreilles du plus haut-siège de l’Etat, et que la Présidence en serait aussitôt la cible vulnérable.

Ce qui provoquerait une crise aussi grave que celle qui fut amenée par les événements autour du limogeage de Douglas Mac Arthur par Truman. Car, Holbrook, abondamment repris puis cité par Blankey dans le "Washington Times", a prédit explicitement des "rebellions métastasées en des groupes vers une révolte". Et toute montée par un dispositif très subtil, de généraux qui démissionneraient en cascade pour s’exprimer contre les instances du plus-haut commandement et donc de la Présidence : et après-coup de leur démission, dans un dispositif qui serait donc légal, car il ne violerait pas la loi...

Cependant, qu’il violerait l’article 94 du "Code de Procédure Militaire" afférent au "Mutineries et séditions", si l’entente préalable ou concertée était bien avérée. Car l’article 94 interdit dans l’armée US : le refus des ordres ; l’atteinte à la hiérarchie ; l’activité groupée vers la désobéissance et le silence quant à ces menées secrètes. Dans le même temps, le fait de parler contre l’autorité est aussi passible de la cour martiale, selon l’article 88 du même Code ; enfin, les menées qui favoriseraient le désordre et le discrédit des forces armées tomberaient sous le coup de l’article 134.

On pourrait penser que Tony Blankley n’en est plus à un scénario de science-fiction près. Mais, il l’avança si près de la réalité, qu’il en fit son éditorial même. Qu’il acheva ainsi, en posant la question des lieux mêmes de la légitimité aux Etats-Unis : soit à la Maison Blanche, soit partout ailleurs dans tous lieux épars des oppositions ? En seraient-ils déjà là !

Certes, il est légitime que nous nous en inquiétons, puisque des suites de ces intrigues de palais naîtra probablement le monde qui vient : soit depuis la Maison Bush légitimée par les élections de 2004, soit par d’autres lieux plus épars où se répandent ceux qui s’opposent à lui, mais, ce qui semblerait assez inquiétant, comme des gardes prétoriennes semblables à celles qui tombèrent d’autres Césars, en leurs temps. Et, à bien les entendre, ces éditoriaux de Washington, nous donneraient certes des nouvelles du front, non depuis l’Irak, mais plutôt du clairon qu’on sonne au coeur même des Etats-Unis.

Demian West

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