Sunday, April 30, 2006

Le contrefacteur sonne toujours deux fois



Dans le "Los Angeles Times" du 28 avril, Meghan Daum nous fait un éditorial digne d’une intrigue romanesque, intitulé "La mauvaise fin pour Kavya". Elle nous fait le récit des minutes de la vie mouvementée de Kavya, qui pose des questions bien-ouvertes sur notre époque qui semble marcher sur la tête. En effet, Kavya Viswanathan, est une jeune étudiante post-adolescente qui vient de passer du paradis tout droit vers l’enfer, et dans le monde terrible des médias, ce qui est pire encore.

Elle venait de publier son premier roman, qui allait casser toute la baraque et crever le plafond du septième ciel. Car, elle avait signé, et si près de ses 17 ans, un contrat mirifique et même pharaonique pour deux romans, avec un éditeur du meilleur lieu. Aussi, on parlait déjà d’une option prise par les studios DreamWorks pour la version filmée de son roman "Comment Opal Meetha fut embrassée, devint sauvage et vécut". Et tout ces achèvements de sa jeune vie, parce que ses parents voulurent qu’elle fasse ses études à Harvard. Et, à tel point, qu’ils prirent un consultant en orientation — selon une fashion très nord-américaine — lequel consultant lut son manuscrit, et le confia, sur l’instant, à un agent qui le vendit à un éditeur... bingo.

Si jeune, Kavya avait donc tout réussi : son contrat en or, et la publication du plus doux millefeuille de ses pages pâtissées pour la consommation médiatique et télévisuelle, et en si bon train qu’elle entra directement à Harvard. Mais, quelques jours après la publication des 100000 exemplaires, ce qui n’est pas rien, le "Harvard Crimson" donna les trompettes de l’enfer : car, Kavya avait copié non-moins de 40 passages, prélevés dans deux romans de Megan Mc Cafferty : "Sloopy first" et "Second helping", ce qui est beaucoup trop !

Pour le coup de cette publication : certes, Kavya fit les gorges chaudes à la télé, mais pour être clouée au pilori et en live in "the Today Show" par la féroce Katie Couric. Et si cruellement, que l’éditeur affolé retira le livre de toutes les étagères en têtes-de-gondoles dans les librairies du monde de l’édition paniqué.

Kavya eut beau tenter d’expliquer qu’elle n’avait pas la moindre consience d’avoir plagié Mc Cafferty, d’autant plus qu’elle l’aimait, et donc qu’elle s’en était approprié ses ouvrages presque par coeur : car ils étaient ses livres de chevet de sa jeunesse toute appliquée aux études, et donc à toutes intériorisations électives. Et ce qui semble conforme aux élans de son âge. Et, que tout-naturellement elle devait comme restituer ces passages, sous le feu de sa plume agitée des étincelles de son ivresse littéraire, plus ou moins consciente : ce fut-là son billet d’excuse. Ce qu’on pourrait comprendre, si l’on considère son jeune âge, qu’on sait impressionnable et si propice aux imitations de ceux qu’on admire, et par tous jeux de séduction.

Pourtant, Meghan Daum nous rappelle que ce fut la même explication que l’historienne Doris Kearns Goodwin tenta, il y a quatre ans, pour justifier les plagiats que contenait son livre "Les Fitzgeralds et les Kennedys", pris dans un précédent ouvrage de Lynn Mc Taggart sur Kathleen Kennedy. Ce fut le même aveu en style tout-contourné : quand Doris Kearns Goodwin prétendit avoir bien-citée Mc Taggart dans ses notes en-bas de page. Mais, qu’elle avait, par étourderie, omis de laisser les guillemets dans le corps du texte au-dessus. Ce qui fit certainement glisser les citations de l’auteur vers l’emprunteur, ce qu’elle regrette encore... On s’en doute.

Et c’est toujours le même discours de l’art subtil de la contrefaçon qui souhaite que ses explications glissantes passeront, pour la cause d’une pente bien-savonnée ! Car, le contrefacteur tente toujours de justifier ses emprunts, par une sorte d’appropriation intérieure de l’auteur qu’il admire le plus, comme si le piller était lui rendre hommage. Alors, qu’on voit, à chaque fois, une tentative corollaire d’un transfert ou d’un rapt des droits d’auteur au passage. Et, de grands auteurs ont été accusés de cette forme d’appropriation : par exemple, Alex Haley et Jack London.

En revanche, ce qui est nouveau aujourd’hui aux USA, c’est qu’on s’en prend à des teenagers de 17 ans qui ne sont point des professionnels, mais qui sont des mineurs forcément amateurs et plus libres. Et donc, cette approche dure, de ces questions de contrefaçon, appliquée aux teenagers risque de déraper. Quand on sait les pratiques plus libérées des myriades d’adolescents blogueurs, et qui se moquent de ces règles qu’ils assimilent au vieux monde... des vieux qu’ils voudraient même bousculer un peu par provocation : un signe de grande santé pour une démocratie qui sait encore jouer. Quand la sagesse voudrait qu’on n’en demande pas tant, à des jeunes qui bloguent et qui prennent çà-et-là des emprunts dont ils seraient insouciants de la valeur marchande, comme s’ils cueillaient des fruits dans un verger, tout simplement, parce qu’ils aiment y croquer.

Et finalement, dans cette affaire d’éclat de livre et d’auteur fracassé en live, on vit Mc Cafferty bénéficier d’une grande médiatisation, et ses ventes ont explosé. Aussi, on vit les mentors de Kavya qui misèrent trop et vite sur une jeune outsider surestimée puis surexposée, quand elle n’en demandait pas tant. Finalement, peut-être admiraient-ils, intérieurement et trop, Kavya qu’ils se sont appropriée... pour, à la fin, la lâcher et la livrer à la dévoration publique ?

Demian West

1 comment:

Anonymous said...

Doit-on rééllement plaindre cette jeune Kavya? En tant que neo-adulte (et donc mon point du vue s'intègre encore dans une vision de "teenager"), je pense, assez cruellement peut-être, que ce n'est qu'un exemple parmis beaucoup d'autres. Elle vit dans un monde surmédiatisé, elle sait donc à quoi elle s'expose. Et à 17 ans, on est plus si naïf que ça. Aujourd'hui, tout le monde est capable de faire un chef-d'oeuvre grâce à photoshop, et sans aller jusque là; la plupart de ses utilisateurs se débrouillent correctement, là ou peut-être certains dessinateurs frileux se font voler la part belle parce que trop "traditionnalistes". Toutes les formes d'arts sont à la portée de tout le monde aujourd'hui, à part celles qui demandent un véritable effort physique et un acharnement morale.Doit-on véritablement la blâmer? Notre monde aujourd'hui a plus que jamais une pensée commune et inaltérable qui fait qu'un looser, même s'il n'est est pas un, sera irrémédiablement lapidé, et les quelques excentriques qui se mettront de leur côté passeront pour des emmerdeurs et ne rallieront qu'une minorité ...
Kavya aura peut-être du mal à se relever, mais tant pis, voir tant mieux. Parce que si ce qu'elle à fait a marché, pourquoi pas moi? Ou pourquoi pas mes enfants? Une concurrente en moins a toujours soulagé les consciences des quelques aventuriers encore peureux qui tentent leur chance dans un domaine "qui fera de moi une star / quelqu'un de riche".
De plus, la jeunesse losrqu'elle est vraiment jeune effrait; On a promis aujourd'hui aux "vieux de 40 ans" qu'ils paraîtront 20 ans de moins et qu'ils en vivront 20 ans de plus. Alors pourquoi ne pas rêver? pourquoi ne pas rêver que l'avenir leur appartient encore, eux à qui on répète qu'ils sont déja 'has been'? Le jeune fait peur, parce qu'il n'a rien besoin de faire pour rester jeune, parce ce que sont cerveau est formater au nouvelles modes, celles qui font et feront fureur dans plusieurs années. Kavya aurait-elle eu le même acceuil si elle avait 40 ans? Avant on pardonnait, aujourd'hui ce n'est plus à la mode.