Saturday, December 23, 2006

Ségolène désire participer

Depuis quelques semaines, un désir d'avenir de Ségolène nous prend par la main pour nous étendre sur quelque divan moelleux de son sitting de campagne. Afin que nous y déposions nos rêveries de promeneurs moins solitaires pour y faire avancer le débat participatif. Et ceci, par le biais d'une nouvelle formule de la politique qui viendrait manifestement à droit fil du journalisme citoyen, qu'on connaît bien dans AgoraVox, et pour cause.

Chez Ségolène, on s'y inscrit sur le net dans les bonnes cases de l'oncle com' pour y laisser son pseudo de toutes les couleurs à ne jamais confondre avec son nom de famille politique. Puis on y grave son adresse e-mail et là : on est pris. Puisque on recevra l'invite à débattre autour de quatre sujets légèrement graves les soirs d'élections oublieuses de l'éducation (des vigiles), du niveau de vie perdant-perdant, etc. Des sujets de fermes fâcheries qui doivent builder l'acier des quatre piliers comme la Tour de Monsieur Eiffel et du programme de la future présidente, oui mais, de la France ingouvernable. Le site du débat est bien foutu de sa personne haut-talonnée d'élégance de notre présidente. Tout y augure d'une victoire aisée, tellement ce site des ébats participatifs semble une véritable machine de séduction. Puisqu'il donne, pour la première fois, le sentiment que notre avis (s'il participait aux avancées plus générales) serait réellement pris en compte.

En voici quelques rouages célérés par un peu d'huile : les modérateurs choisissent les meilleurs contributions dont ils donnent des synthèses régulièrement, tout en mentionnant les noms des contributeurs élus, si l'on peut ainsi dire. Toutefois, en amont, nous pouvons aussi donner notre préférence à certaines contributions sur d'autres. Quand nous y ajoutons une étoile (jusqu'à cinq) pour faire un appel du sémaphore aux modérateurs. Lesquels savent considérer notre avis pour mieux piocher dans nos plus hautes constellations, sinon dans nos contestations. Tout est prévu : un avertissement au contributeur insiste bien sur le meilleur usage que l'on est censé faire de ce vote stellaire. Telle une voie lactée douce comme un parcours fléché du Michelin, qui ne devrait jamais être compris comme une sanction selon notre goût personnel, mais selon la pertinence contributive à l'édifice plus vaste, qu'on saurait y percevoir. Soit ! Il reste qu'on n'y trouve aucune possibilité de marquer négativement les contributions : ce qui est bien !

On comprend, désormais, que les modes de la communication participative s'étendent résolument à une échelle si considérable, qu'elle atteindrait le point de non-retour : selon une exigence démocratique devenue universelle. Toutefois, comment pourrions nous être certains que ces contributions seraient vraiment prises en compte ? Ainsi que nous le promet la phrase orfévrie du publiciste politique qui parvient toujours à susciter nos capacités olympiques au marathon des confiances éreintées. Ne nous affirme-t-il point que ces synthèses seraient remises à Ségolène Royale soi-même ? Et qu'elle les lirait pour en intégrer les vertus citoyennes (pour celles qui n'y seraient pas encore) dans le programme du futur gouvernement... et que nous gagnerons tous contre le grand méséant Sarkozy.

Et ce semble à nouveau ce même discours qu'on nous sert de trop près depuis des lustres. Tellement, qu'on nous le tartine sur des centimètres d'épaisseur virtuelle de foie gras. Sur la brioche qui remplace royalement le pain, juste avant le lâcher des commentaires des terreurs du site "désirdesrévolutions.com" qui détranchent au portail des Guillotins. Quand le peuple en a tellement soupé des trous autour du pain noir, que son estomac crie tous ses crocs, dehors ses appétits participatifs. D'ores et déjà, les contributeurs attendent tous rassemblés devant la boutique à l'enseigne du "Désir d'Avenir". Quand bientôt on lui répondra comme il convient : "Pour l'avenir, revenez demain !"

Nos cinq minutes de lucidité mitterrandiennes par jour nous diraient : qu'il y aurait là quelque stratagème du sphinx qui saurait intriguer le peuple en fête par l'effet du manche participatif. Oui ! Comment le peuple pourrait-il se plaindre plus encore, dès lors qu'il aurait pris la parole entièrement. Quand on lui dira : "Si la politique a échoué c'est que vous n'y avez pas contribué comme il fallait ! " Finalement, trop d'ébats participatifs sauraient favoriser un buzz où nul n'entendrait plus l'autre. Si bien, que la personne près du gouvernail pourrait en abuser des brumes de ce brouillage opportun, pour gouverner tranquillement son fil à vau-son-plaisir. A moins que ce soit la bonne façon de conduire la France ingouvernable : quand bien même, ce ne serait pas Ségolène qui tenterait ainsi de nous "cyberner" ! Ce crois-je...as I guess.

Demian West

No comments: